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Jan 9, 2024 • 32min

#91 Claire Demaison · Marseille, l'oasis des transitions

Marseille, quatrième arrondissement, à deux pas du centre-ville. L’entrée est discrète et le quartier paisible. En se faufilant derrière une camionnette, on se glisse dans les interstices de la ville minérale pour découvrir un cœur d’îlot fleuri. Le cœur fondant d’un bonbon dur. Ça sent même le printemps précoce avec ce mélange de jaune des mimosas et de blanc des amandiers. Ça sent bon les travaux aussi, et ça s’affaire dans le jardin. D’énormes sacs de gravats se baladent dans l’allée, pendus aux fourches d’un chariot élévateur. Une charmante famille de poutres métalliques attend patiemment dans l’herbe le moment d’entrer en scène pour créer de l’espace et ouvrir des lumières. Et le sol est parcouru de tranchées qui grouillent de fourreaux multicolores. Il se passe manifestement quelque chose par ici. Mais ce n’est pas une opération de densification de ce rare espace végétal dans une ville déjà trop minérale. Non, le panneau du permis de construire cloué sur la porte d’entrée a même été corrigé, avec le terme de « construction » barré vigoureusement, et remplacé par « réhabilitation ». Pourtant l’histoire semblait écrite. Les lieux bénéficiaient bien de quelques protections, mais les propositions des opérateurs ne manquaient pas, misant sur un assouplissement des règles à l’usure, dans une ville où le code de l’urbanisme n’a parfois eu que des effets limités sur le réel. Mais entre la poignée d’occupants du LICA décidés à rester là, des propriétaires à l’écoute, des partenaires mobilisés et compétents et une politique locale qui vit son printemps, un projet alternatif émerge. Le jardin est préservé, les trois bâtiments — dont la bastide du 17e siècle — bénéficient d’une réhabilitation consciente et consciencieuse, et émerge « Le Tiers-Lab des Transitions », dédié aux transitions écologiques, numériques et sociales. On y retrouve un espace de coworking, des salles de réunion, un café, une cantine solaire, des espaces de fabrication numérique et artisanale, des potagers et un jardin partagé. C’est un étonnant projet privé qui a trouvé son modèle pour éclore, et qui désormais va devoir faire ses preuves face au réel. Mais c’est surtout la démonstration que le cœur de nos villes n’est pas nécessairement condamné à une densification à outrance ou à l’immobilisme. Le chemin de traverse qui consiste à transformer sans dénaturer est étroit, mais il existe. Reste à comprendre comment tout cela est possible. Entre un projet lourd à porter, des besoins de financement conséquents, et l’absence de professionnels de l’aménagement dans l’équipe, rien n’était joué d’avance. Mais manifestement les alignements d’étoiles, ça se provoque à force de volonté, d’obstination, d’apprentissage et de ces savoir-faire si particuliers qui permettent de mettre autour de la table les bonnes fées. Nous avons rendez-vous aujourd’hui avec une de ces aligneuses d’étoiles, Claire Demaison, qui nous raconte cette belle histoire. Bonne écoute. - https://www.lica-europe.org/tiers-lab-des-transitions Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Dec 19, 2023 • 58min

#90 Alexandre Born et Sébastien de Hulster · Bellevilles, foncière solidaire

Si vous ne l’aviez pas encore remarqué, c’est la crise. L’immobilier neuf s’effondre, l’accès au logement se complique, la construction patine, les bailleurs sociaux sont à la peine, les aménageurs ont du mal à commercialiser et les collectivités commencent à encaisser le choc. Les observateurs bien informés rivalisent d’observations pertinentes, pronostiquant une crise « plus dure que la dernière fois » et se risquent même à annoncer une date de sortie plus ou moins lointaine. Alors les plus libéraux membres de la profession qui appelaient il y a peu à l’allègement des contraintes administratives demandent à une action résolue de l’État, et vont sans doute bientôt exiger la collectivisation des terres. Mais il y a une erreur sur le diagnostic, car ceci n’est pas une crise. Une crise a un début et une fin, mais il n’y aura pas de sortie cette fois-ci. L’industrie immobilière se confronte aux limites planétaires, comme le paquebot touche l’iceberg que son capitaine faisait semblant de ne pas voir. Il n’y aura pas de fin, car ceci n’est pas une crise, un mauvais moment à passer ou l’ouverture d’une parenthèse. C’est la fermeture d’une longue parenthèse pendant laquelle le béton a coulé à flots, les ressources étaient illimitées, l’argent pas cher et le foncier agricole infini. C’est la fin brutale de la ville facile, et le début d’un nécessaire changement de cap.  Les difficultés de financement, la hausse des prix des matériaux et le manque de terrains ont trop longtemps masqué un enjeu plus fondamental : la spéculation foncière. Pourtant, le foncier urbain, par nature limité et non renouvelable, ne peut être traité comme un bien ordinaire. Et cette question touche d’autres secteurs moins visibles que l’habitat, mais tout aussi essentiels. Le marché seul est incapable de produire du logement abordable dans les territoires attractifs, de recycler des friches, de maintenir les commerces de centre-ville, d’éviter que la production ne soit évincée des métropoles, et il ne saura pas encaisser les pertes de valeur liées aux nouveaux risques. Nous sommes arrivés au bout d’un système où la propriété du sol est associée à une spéculation sur des temps de plus en plus courts.  Nous devons inventer autre chose, et certains n’ont pas attendu l’effondrement du château de cartes pour s’y mettre. C’est le cas par exemple de la foncière de Bellevilles qui travaille sur le temps long de la ville en investissant dans des projets d’intérêt collectif là où c’est nécessaire : villes moyennes, villages, banlieues, zones périurbaines. Elle intervient sur le financement, mais aussi sur le montage et la gestion des projets liés à l’économie sociale et solidaire, l’inclusion sociale ou les transitions avec une double exigence : l’équilibre économique et le partage de la valeur, en assumant la recherche d’une rentabilité limitée. Ce n’est pas tout à fait un groupuscule d’illuminés la tête remplie de rêves, mais une équipe de plus d’une vingtaine de personnes qui mène des projets très concrets partout en France dont certains déjà livrés, et qui vient de faire une levée de fonds de 4 millions d’euros. Est-ce que cela change le système ? Non, pas encore, et Bellevilles n’a pas l’ambition d’être partout. Mais le modèle peut essaimer en inspirant d’autres acteurs, et il démontre surtout qu’une autre façon de faire la ville est possible. Pour aller plus loin : Pour aller plus loin : Le site web de Bellevilles Bellevilles clôture une levée de fonds de 4M€ La ville solidaire de Bellevilles, podcast Cause Commune, décembre 2022 Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Dec 12, 2023 • 45min

#89 Mikaël Saint Pierre · Le Centre d'écologie urbaine de Montréal

Quand un projet pointe son nez dans la ville, c’est la course à l’immobilisme. Dans les oppositions qui émergent, difficile de faire la part entre le rejet de l’autre, la légitime peur du changement et la nécessaire protection des sols, quand toutes se réfugient derrière le même arbre qu’il faut épargner. Le processus de densification de la ville dense a commis suffisamment d’erreurs pour être réformé en profondeur, mais il ne peut ni s’imposer comme une nécessité, ni être balayé d’un revers de manche. C’est de vrais débats locaux dont nous avons besoin pour faire, mais autrement. Mais comment ? Le détour par Montréal est toujours plein d’enseignements. C’est l’occasion par exemple de croiser le Centre d’écologie urbaine de Montréal. C’est un organisme communautaire hybride, né dans l’opposition à un projet emblématique de tabula rasa : Milton Parc (une histoire que je raconte dans Redirection urbaine #Teasing). Il travaille pour le compte de collectivités locales sur des missions, mène des projets de recherche, mais s’engage aussi auprès de collectifs qui s’opposent à des projets urbains avec un parti pris clair : développer le pouvoir d’agir des individus, pour que la décision en urbanisme ne se fasse pas que dans les bureaux d’élus ou de techniciens. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal est aujourd’hui sollicité par des résidents désabusés par les modes de densification de la ville, avec une vague de NIMBY (Not in my backyard - Pas dans mon jardin) qui se développe dans les banlieues résidentielles du Québec qui commencent à se transformer. Il choisit bien entendu les causes qu’il entend défendre, et ne s’engage pas aux côtés de tous les opposants. Mais les processus de densification mal engagés sont nombreux, et seul le passage de l’opposition à une pratique contributive peut permettre de sortir de la guerre de position. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal s’insère alors comme tiers de confiance dans les débats, en agissant sur plusieurs leviers : mobilisation et montée en compétence des groupes de résidents, pédagogie de la densité, conception participative et médiation avec les autorités. Au moment où les oppositions se cristallisent et bloquent le mouvement, alors que les chantiers de l’adaptation de nos villes doivent au contraire s’accélérer, cette piste du tiers de confiance capable de se glisser entre les parties pour sortir des blocages par le haut est une piste à suivre. Et si des organisations légitimées (et financées) par les autorités se positionnaient aux côtés des oppositions ? Elles pourraient leur permettre de pleinement s’approprier les enjeux, d’avoir une voix audible dans le processus, et même de proposer des projets alternatifs. Elles pourraient aussi donner les clés aux habitants pour faire à leur échelle. Car un pan entier de la nécessaire métamorphose de la ville ne pourra être fait par les pouvoirs publics ou les opérateurs traditionnels de sa fabrique. Les habitants doivent faire, dans leur rue, leur immeuble, leur maison, mais ils ne pourront pas faire seuls. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste fondateur de dixit.net, et j’échange aujourd’hui avec Mickaël Saint-Pierre, coordonnateur en aménagement et mobilité au Centre d’écologie urbaine de Montréal. Et vous allez voir, c’est passionnant. Bonne écoute. Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Oct 19, 2023 • 44min

#88 Maxime Pedneaud-Jobin · Gatineau, capitale du réchauffement climatique

Gatineau, c'est la quatrième ville du Québec située en face d’Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais. C’est elle qui déborde par surprise en 2017 et fait 4000 sinistrés. Dans les mois qui suivent, une tornade détruit ou endommage 2400 logements, trois des cinq pires pluies diluviennes des cent dernières années s’abattent sur la ville, qui subit aussi des canicules, des épisodes de gel/dégel et de nouvelles inondations en 2019 et 2023. Gatineau, c’est un territoire sentinellequi tente de nous avertir de ce qui va nous arriver par la voix de son ancien maire, Maxime Pedneaud-Jobin, élu de 2013 à 2021. Il a décidé de ne pas se représenter à l’issue de son second mandat, et témoigne désormais de son expérience au cœur des impacts du bouleversement climatique. En temps de crise, le maire doit apprendre à accueillir la souffrance tout en inspirant la confiance. Mais son rôle ne s’arrête pas avec la fin de la phase aiguë. Quand les médias sont partis et que les sirènes se taisent enfin, il y a un territoire à reconstruire. Il faut aussi tirer les leçons du choc et se préparer pour la suite. À Gatineau, on ne part pas de rien. Avant les inondations de 2017, la ville avait déjà une culture de sécurité civile, des équipements et une bonne préparation. Mais la catastrophe n’avait pourtant pas été anticipée. Il faut donc désormais construire la résilience du territoire. La résilience, c’est bien sur s’adapter aux risques connus, mais aussi devenir adaptable a ceux qu’on ne peut imaginer. Elle ne passe pas uniquement par l’anticipation des catastrophes ou l’adaptation des infrastructures urbaines. Financement des associations, création de lieux… tout cela participe à la construction d’infrastructures sociales de résilience. La conversation à engager avec la population porte sur la gestion des crises, la préparation, et aussi l’adaptation de nos villes et de nos modes de vie. Elle sera sans doute plus aisée à mener à l’échelon local, plutôt qu’avec un gouvernement distant et qui a du mal à sortir des débats partisans. Convenons que Maxime Pedneaud-Jobin a bien mérité de passer le relais après deux mandats. Aujourd’hui il continue de prendre la parole, non plus en tant qu’élu, mais comme sentinelle. On va donc l’écouter, et vous pourrez aussi lire son dernier ouvrage : Libérer les villes. Pour une réforme du monde municipal, qui vient tout juste de sortir. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste fondateur de dixit.net Retrouvez toutes nos publications sur notre site. Et bonne écoute !
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Oct 10, 2023 • 1h 13min

#87 Emmanuel Bonnet · Avec les territoires et les organisations sentinelles

🌨️ Où est la neige chez vous ? Toutes nos organisations sont des stations de sports d’hiver de moyenne montagne. Collectivités, aménageurs, bailleurs sociaux, promoteurs, agences d’architecture, bureaux d’études… nous avons tous notre propre or blanc, cette ressource vitale dont nous dépendons sans même nous en apercevoir. La neige, le foncier agricole, le béton, la logistique mondialisée, l’argent pas cher, la mobilité automobile, l’eau, la vue sur la mer, les étés joyeux sont autant d’acquis, d’évidences, des filons inépuisables. Des neiges éternelles. Mais entre les crises d’aujourd’hui et les orages qui grondent au loin, impossible de faire encore semblant d’y croire. C’est pourtant maintenant qu’il faut faire le choix entre acheter une nouvelle paire de canons à neige pour gagner du temps, ou commencer à penser à la suite. Alors, et vous, « où est la neige chez vous ? » Répondre à cette question, c’est sortir de l’aveuglement et du déni, et commencer à vivre avec le vertige. « Le vertige, c’est de sentir que malgré les transitions dont on parle, on continue à mettre en œuvre un modèle qui n’est pas tenable » m’expliquait il y a peu un élu local. C’est la hauteur des enjeux qui provoque le vertige, comme pour cet entrepreneur déjà très engagé, confronté aux mauvaises nouvelles du monde : « je croyais que je savais, mais je ne savais pas ». C’est aussi la réaction de cette technicienne face à une équation carbone insoluble : « On ne sait vraiment pas comment on peut y arriver ». Le vertige, c’est la somme de la conscience de l’ampleur des changements à mener, de l’importance de nos responsabilités et de l’incertitude sur le chemin à suivre. Et ce n’est pas qu’une étape inconfortable du processus. C’est un état dans lequel nous devons apprendre à vivre durablement, tout en continuant d’avancer. Nous allons nous y acclimater, car nous ne pouvons ni conserver le cap ni attendre l’effondrement.  « Où est la neige chez vous ? » Cette question, c'est celle que pose souvent Emmanuel Bonnet dans ses interventions. Enseignant-chercheur à l’ESC Clermont Business School, et membre du laboratoire CleRMa, il travaille à la fois dans des stations de sport d'hiver qui s'inventent un futur au-delà de la neige et dans des organisations qui s'engagent dans leur redirection.  Un entretien dont nous n'avons pas fini de suivre les pistes.  Je suis Sylvain Grisot, urbaniste fondateur de dixit.net, bienvenue sur notre podcast. Et bonne écoute ! Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Oct 3, 2023 • 42min

#86 Mathieu Petite · Grand Genève : visions transfrontalières

Genève ce n’est pas qu’un jet d’eau, le siège d’institutions internationales et de quelques banques. C’est un des territoires les plus dynamiques d’Europe, et les échos de son développement dépassent largement le canton. L’agglomération compte plus d’un million d’habitants, et les tensions métropolitaines sont exacerbées par la frontière, avec des emplois qui se concentrent dans le canton de Genève, et les logements en France. Le besoin de structurer le territoire ne date pas d’hier, et la collaboration transfrontalière a abouti à un projet d’agglomération au milieu des années 2000. Cette collaboration singulière porte désormais le nom de Grand Genève et couvre plus de 200 communes et 2000 km2 entre la Suisse et la France. Une nouvelle étape s’engage avec l’élaboration de la « Vision territoriale transfrontalière 2050 ». Ce n’est pas un document réglementaire, mais un processus de dialogue qui doit permettre de fixer un cap commun. Les territoires impliqués prendront ensuite le soin de le traduire dans leurs documents réglementaires. Au vu de l’ampleur des enjeux de transition, c’est un renouvellement complet de la stratégie qui s’engage, avec comme donnée d’entrée l’arrivée attendue de 300 à 400 000 habitantes et habitants en plus d’ici 2050. Mais les documents de travail comme les échanges témoignent d’un changement d’époque. Car il n’y a pas que la jeune génération qui vit l’angoisse des lendemains qui ne chantent plus. Ils la partagent avec celles et ceux qui fréquentent le temps long. Eux aussi sont pris de vertige. Car les études qui structurent le dialogue montrent bien les limites du modèle du développement adopté par le territoire depuis quelques décennies. Il est confronté à deux impasses : la consommation de sols induite par l’étalement de la ville, et le panache d’émissions de CO2 des mobilités automobiles. Les documents d’urbanisme concentrent aujourd’hui les capacités d’accueil dans les territoires français les plus ruraux où l’offre de logement est distante des services comme des transports en commun. C’est donc à une accélération de l’étalement urbain et une intensification de l’usage de la voiture que l’on risque d’assister, s’il n’y a pas de changement de cap. Le succès du Léman Express - le RER transfrontalier ouvert il y a trois ans - a ouvert de nouvelles perspectives, mais le territoire est toujours dépendant de la voiture individuelle qui génère l’essentiel des émissions de la mobilité terrestre. Seule une réduction drastique du parc et des kilomètres parcourus peut permettre de décarboner les mobilités du quotidien, la voiture zéro émission n’étant pas près de voir le jour. Difficile d’imaginer dans ces conditions l’accueil de 300 à 400 000 habitants d’ici le milieu du siècle sans accélérer l’étalement urbain générateur de mobilité carbonée . Ce qui est initialement une donnée d’entrée que la réflexion prospective doit intégrer, pourrait donc devenir une variable à interroger. Pour le Grand Genève, cela nécessite de dénouer des questions complexes. La croissance démographique est-elle écrite, possible, souhaitée ou souhaitable ? Comment arrêter à court terme les développements urbains et les investissements dans des infrastructures qui accentuent les vulnérabilités du territoire à la dépendance automobile ? Comment inverser radicalement la tendance et concentrer le développement urbain le long du rail ? Le Grand Genève est un territoire soumis à une pression plus intense que d’autres, mais les questions qu’il se pose aujourd’hui vont donner le vertige à beaucoup d’autres. Nous échangeons avec Mathieu Petite, adjoint de l'urbaniste cantonale du Canton de Genève. Pour en savoir plus : https://www.grand-geneve.org/ Pour retrouver tous nos podcasts et nos articles, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Sep 19, 2023 • 56min

#85 Guillaume Meunier · Chasseur de carbone

Le secteur de la construction neuve a plutôt bien avancé dans la voie de la réduction de son empreinte carbone, mais cela ne suffira pas. Compter sur les indéniables progrès de la filière pour produire des bâtiments sobres, c’est se tromper d’objectif. Car le rythme de construction est lent et le stock immense : au moins 80 % de la ville de 2050 est déjà là. L’enjeu principal réside donc dans le parc existant. L’équation ne tiendra que si la rénovation du bâti monte enfin en puissance et qu’elle se focalise sur des rénovations globales permettant à la fois de décarboner et d’adapter les bâtiments au climat qui change. Il va falloir mobiliser des centaines de milliers de femmes et d’hommes pour engager ce chantier, en parallèle de la réduction du volume de production neuve. Car entre la baisse des besoins liés à la transition démographique et la nécessité de limiter les émissions et d’épargner les ressources, la décrue doit logiquement s’amorcer. « Si toutes les personnes en lien avec le monde du bâtiment lisaient la Stratégie Nationale Bas Carbone, elles verraient noir sur blanc que 2050, c’est 40 % de construction en moins. Je ne sais pas si toutes ont bien en tête qu’il faut construire moins et que c’est l’État qui l’écrit. » – Guillaume Meunier Adapter notre patrimoine au climat qui change, éviter de construire en l’utilisant mieux, éviter de déconstruire en transformant ce qui peut l’être, faire durer ce qui est là, et construire moins pour plus longtemps en misant sur la réversibilité. Voilà les pistes à suivre. C’est donc au moment où se décide le lancement d’un projet et se précise son programme que les décisions cruciales se prennent. C’est un instant fugace à l’échelle de la vie future du bâtiment, mais où les décisions prises sont celles qui ont le plus d’impacts sur les budgets, la consommation de sols, la mobilisation de ressources ou les émissions de CO2. Nous répondons au mieux aux besoins alors qu’il nous faut les réduire. Nous construisons alors qu’il nous faut faire durer. Nous comptons encore en euros alors que nos unités devraient être la tonne de ressource, de CO2 et de déchets. Nous ne manquons pourtant pas d’outils réglementaires pour provoquer le changement de pratique, alors pourquoi attendre ? Peut-être parce que chacun ne regarde le bâtiment que sur la courte durée de son intervention. Nous devons aligner notre regard sur son cycle de vie, pour sortir de la « tragédie de l’horizon ». Le premier des changements sera donc culturel. « Construire » est aujourd’hui synonyme de construction d’un bâtiment neuf. Demain — mais pas après-demain — cela consistera à offrir une seconde vie à un bâtiment existant. On échange aujourd’hui sur ces sujets avec Guillaume Meunier, qui est Consultant Bas Carbone à l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment le jour, et qui passe aussi ses courtes nuits à peupler les réseaux sociaux d’analyses précises et factuelles sur les enjeux écologiques de la fabrique de la ville. Pour aller plus loin : Le profil Linkedin de Guillaume Meunier : https://www.linkedin.com/in/meunierguillaume/ Stratégie Nationale Bas Carbone Construire avec le peuple, Hassan Fathy, 1996, Actes Sud L’histoire naturelle de l’architecture, sous la direction de Philippe Rahm Séquences Bois n°138, Construire en feuillus, 2022 Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Sep 12, 2023 • 39min

#84 Alban Senault et Paul Citron · Occupation temporaire à Césure

L'université de Sorbonne Nouvelle quitte le site de Censier, niché au cœur du 5ème arrondissement parisien. Les bâtiments des années 1970 seront occupés à nouveau par des étudiants après des travaux de réaménagement et de désamiantage. Entre-temps, un créneau de deux ans s'ouvre pour un nouveau lieu éphémère : Césure. L'EPAURIF, propriétaire des lieux, a contracté avec Plateau Urbain pour l'aménagement temporaire et l'animation des locaux pendant cette période. Les 25 000 m2 sont dédiés pour un temps aux savoirs inattendus, avec près de 200 structures accueillies (artistes, acteurs de l'ESS, médias indépendants...), 2000 étudiants qui fréquentent encore les lieux, une immense salle polyvalente de 900 m2, une bibliothèque universitaire transformée en cantine par Yes We Camp, un amphithéâtre et plein de recoins pour imaginer de belles choses. Projet d'envergure, le montage de Césure a également été l'occasion de structurer un cadre juridique équilibré qui pourra servir à d'autres lieux, même beaucoup plus modestes. Plutôt que de naviguer dans un flou assez commun dans ce type d'opération, le bail précise les responsabilités, assure la transparence des relations sans pour autant figer les choses. Cette souplesse est essentielle tant les incertitudes sont nombreuses sur les aspects techniques comme les usages. La multiplication des opérations et la professionnalisation des acteurs ont permis progressivement de développer des savoir-faire spécifiques de l'occupation temporaire. Créer les conditions techniques d'une occupation d'un bâtiment pour quelques années, c'est hybrider les pratiques de l'architecture de la transformation et celles de l'événementiel. À cela s'ajoute une attention soutenue à la sobriété des moyens déployés, quitte à faire des compromis sur les usages, et une relation étroite entre technique et programmation, que l'on retrouve dans l'organisation des lieux culturels. Mais s'il faut traiter des questions très pragmatiques telles que les responsabilités assurantielles, la réglementation incendie, les branchements électriques ou les installations sanitaires, c'est bien pour accueillir des utilisateurs. Et à Césure, ils ne manquent pas. C'est tout un métier d'organiser ce bazar pour que chacun trouve sa place en laissant de la place aux autres, pour que le frottement soit créatif et pas douloureux, pour rendre tout cela lisible et ouvrir le lieu au quartier comme au reste du monde. C'est un tiers-lieu hybride par la multiplication des acteurs et des usages, un espace commun fugace, un espace public en fait. C'est un morceau de ville qui apparaît sur la carte pour un temps seulement, mais qui se pense et se gère comme tel. Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Sep 3, 2023 • 51min

#83 Florent Giry · Les rues parisiennes font leur métamorphose

À Paris, il n’y a pas que les grandes places ou le réseau des pistes cyclables qui transforment les espaces publics. Les rues du quotidien changent aussi progressivement de visage et d’usage. Quartier par quartier les habitantes et les habitants sont consultés pour proposer des transformations de leurs espaces publics. Rues aux écoles, développement de pistes cyclables secondaire, plantations d’arbres, mise en valeur du patrimoine… les propositions sont triées et mises en cohérence dans un programme de microtransformations des espaces publics du quotidien. Pour mieux comprendre cette démarche, on échange aujourd’hui avec Florent Giry, qui est Adjoint au Maire de Paris Centre, en charge de la voirie, des mobilités et de la gestion des chantiers. N’hésitez pas à vous abonner à notre infolettre sur dixit.net pour ne pas manquer nos prochaines publications, et bonne écoute ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Aug 26, 2023 • 35min

#82 Xavier Tackoen · La nouvelle vie de la gare de Jette

La Gare de Jette, au nord de Bruxelles, n’est pas une de ces gares abandonnées qui regardent passer les trains. Ici, ils s’arrêtent encore et sont même de plus en plus fréquentés. Mais le bâtiment de la gare n’a plus beaucoup d’utilité depuis que son dernier guichet a fermé. Et le lieu commence a subi dégradations et trafics, sous les yeux attristés des habitants qui voient ce morceau de patrimoine ferroviaire partir à la dérive. Car c’est une très belle petite gare de briques rouges, qui donne sur la place centrale judicieusement libérée du stationnement. Alors, pour remettre de la vie dans la Gare de Jette, la SNCB a lancé un appel à projets pour identifier un opérateur en mesure de lui trouver une nouvelle vocation. C’est un nouveau pôle socioculturel ouvert qui est en train d’émerger sous nos yeux, « Staytion », porté par trois associations et un cabinet de conseil. L’objectif ? Que la gare ne soit plus un lieu par lequel on passe, mais une destination. Alors les activités s’y multiplient : espace d’information sur les mobilités, activités culturelles intergénérationnelles, cours de guitare, couture circulaire, spectacles, réunions de partis politiques… C’est devenu en quelque mois un pôle de la vie du quartier et ce soir l’ancien buffet de la gare accueille une formation à la mobilité partagée. La gare de Jette n’est pas simplement un bâtiment qui n’est plus vide, c’est déjà un nouvel équipement public polyvalent au cœur de la ville. Pourtant, seuls 80 mètres carrés sont aujourd’hui mobilisés sur les 300 que compte la gare. Il faudrait deux millions d’euros pour remettre d’aplomb le reste avant d’y accueillir du public. Voilà pourquoi la nouvelle vie des lieux reste précaire. Les trois années qui s’ouvrent vont permettre de tester des usages, des organisations, et peut-être de démontrer par les faits l’importance des lieux et imposer cet investissement comme une évidence. Mais on ne teste pas que des usages ici. Pour Espaces Mobilités, la société de conseil qui coordonne l’occupation temporaire, c’est aussi un moyen de passer du dire au faire, et de démontrer que de nouvelles méthodologies de projet sont désormais nécessaires. Nous prenons conscience qu’il nous faut accélérer la prise de décision, tout en facilitant la participation de chacun a l’élaboration des projets. Il faut donc accepter leur imperfection, et mettre plus d’énergie sur leur adaptation a posteriori que sur leur mise au point en amont. Mais cela nécessite de travailler au corps nos organisations, pour qu’elles acceptent l’échec comme une issue possible. Il faut aussi redonner le pouvoir aux acteurs de terrain de prendre des initiatives sans dissoudre leurs idées dans des processus de validation ubuesques. Pendant les confinements, l’urgence a permis bien des apprentissages, ne les oublions pas. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste, et j’échange aujourd’hui avec Xavier Tackoen, Administrateur délégué d’Espaces-Mobilités, qui nous raconte la nouvelle vie de la gare de Jette. Retrouvez toutes nos publications sur dixit.net Et bonne écoute ! → www.staytion.be

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