Transitions Urbaines, par dixit.net

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Apr 2, 2024 • 27min

#97 Kévin Brun · La nouvelle vie de l’usine Gégé

🧸 La nouvelle vie de l’usine Gégé Vos parents ou vos grands-parents ont sans doute eu des jouets ou des poupées Gégé quand ils étaient petits, et peut être même vous-même. Il s'agissait de jouets français fabriqués à Montbrison, une ville moyenne située entre Clermont-Ferrand et Lyon. Fondée dans les années 1930, cette entreprise a prospéré pendant plusieurs décennies avant de connaître le déclin dans les années 1970, jusqu’à sa fermeture définitive en 1979. La mairie rachète le site en 1991, mais malgré ses tentatives de réhabilitation le site reste en friche pendant 40 ans. Il faut dire que sa rénovation est notamment contrainte par sa dimension patrimoniale, car l'ancienne usine Gégé est classée « immeuble d'intérêt patrimonial majeur ». Un classement justifié par son architecture marquante des bâtiments industriels des années 1930, mais aussi parce que le bâtiment représente une partie de l'histoire locale, et de nombreux habitants ont un membre de leur entourage qui a travaillé dans cette usine. L'enjeu de la réhabilitation est donc de transformer le bâtiment tout en conservant son architecture et en mettant en valeur son histoire. En 2018, le PUCA et l'ANCT lancent le dispositif « Réinventons nos cœurs de ville » à destination des villes participant au programme « Action Cœur de Ville ». La mairie de Montbrison décide de soumettre une candidature pour permettre la réhabilitation de cette friche industrielle. L'appel à projet est lancé en juillet 2019, et en octobre 2020, un groupement inédit, composé d'un bailleur social, d'un aménageur et de deux promoteurs, est désigné lauréat. Pour intégrer le site dans le tissu urbain existant, le projet prévoit de transformer le bâtiment industriel en logements, de construire quelques logements individuels, des commerces, des services et de créer un espace public pour accueillir un marché en plein air. La mixité sociale et intergénérationnelle est au cœur du projet, car elle permet d’apporter une réponse au vieillissement de la population. Pour cela, des logements sociaux adaptés aux seniors sont prévus, ainsi qu'un pôle de santé. Pour comprendre plus en détail ce projet, j'ai rencontré Kevin Brun, chargé de projet Action Cœur de Ville à l'agglomération Loire Forez. Ce que j'ai retenu de cet échange, c'est que la réhabilitation d’une friche est une recette complexe qui nécessite au moins 4 ingrédients essentiels. De l'argent évidemment, avec quelques millions d'euros de déficit dans le cas du projet Gégé. Un portage politique ensuite, qui a besoin de s’appuyer sur un vrai accompagnement en ingénierie. Mais il faut surtout du temps, un tel projet ne se monte pas en quelques mois, il faut plusieurs années pour affiner le projet, définir clairement le périmètre d'action, et identifier les enjeux. Je vous laisse découvrir cet entretien dans le podcast ci-dessous. Bonne écoute ! Camille Tabart Pour aller plus loin : Le livret retour d'expérience du PUCA sur "réinventons nos coeur de ville" :https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/reinventons-nos-coeurs-de-ville-retour-d-a2512.html Note de la fabrique de la cité, du 26 janvier 2023 : Artificialisation : quels avenirs pour les maisons individuelles ? (lafabriquedelacite.com)
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Mar 19, 2024 • 26min

#96 François Houste · La ville de science-fiction

Il y a deux mois j’ai lu Les furtifs d’Alain Damasio, et j’ai été soufflée par la société de demain qu’imagine l’auteur : les villes privatisées sont administrées par des entreprises, et l’accès à de nombreux espaces dépend désormais des revenus de chacun. Les relations entre individus sont quasiment inexistantes, les gens vivent côte à côte, chacun dans leur bulle, embellie par la réalité virtuelle. Mais l’auteur montre qu’une autre vision de la ville est possible, avec des groupes d’insurgés qui entrent en rébellion contre cette société aliénante et isolante. Ils représentent une vision plus désirable du futur, organisée autour des rapports humains, de l’égalité entre les citoyens, du respect de la nature et d'une créativité qui invente de nouveaux moyens de faire la ville : "L’idée, ça a toujours été que les villes sont trop conçues… trop vécues du sol. C’est la voiture qui a créé nos villes. Le trottoir même est une invention de la voiture, les feux, les ronds-points, les avenues ! On voulait trouver d’autres chemins, des trajets qui ne décalquent pas les rues… des obliques, des traçantes… Et on s’est dit que l’espace existait, il existait là-haut…il existait sur les toits, que notre bitume, il serait bleu." Les villes dépeintes dans cette fiction semblent être le prolongement de signaux faibles que nous observons aujourd’hui : la privatisation des espaces publics s’observe déjà dans certaines de nos métropoles, nombreuses sont les personnes vivant en ville qui ignorent qui sont leurs voisins et voisines, et la vie en communauté respectueuse de l’environnement et de l’humain fait rêver de nombreux citoyens. En tant qu’urbaniste je me suis alors interrogée : en quoi les œuvres de science-fiction peuvent constituer une source d’inspiration dans ma manière de concevoir le futur ?  Alors quand Sylvain m’a proposé de faire un entretien avec François Houste sur les liens entre la science-fiction et la ville, j’ai immédiatement accepté. François est consultant à l’agence digitale plan.net, et passionné par la science-fiction. Il est d’ailleurs l'auteur d’un très intéressant recueil de nouvelles qui interrogent la place du numérique dans notre quotidien : Mikrodystopie. Il est aussi à l’origine de cybernetruc, une newsletter dans laquelle il livre ses réflexions sur les liens entre numérique, culture et imaginaire, avec toujours beaucoup de références à des œuvres de science-fiction. Je vous laisse découvrir cet entretien dans le podcast ci-dessous. Bonne écoute ! Camille Tabart (Linkedin) Pour aller plus loin : William Gibson - Neuromancien (1984) William Gibson - Lumière Virtuelle (1993) Philip K. Dick - Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1966) (qui a été adapté au cinéma sous le nom de Blade Runner par Ridley Scott en 1982) Neal Stephenson - La Samouraï Virtuel (1992) Beck Chambers - Un Psaume pour les Recyclés Sauvages (2021) Alain Damasio - Les Furtifs (2019) Clifford D. Simak – Demain les chiens (1952) N.K. Jemisin - La Cinquième Saison (2015) Octavia E. Butler - La Parabole du Semeur (1993) Bruce Bégout - Los Angeles, Capitale du XXe siècle (2019)
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Mar 5, 2024 • 40min

#95 Jérôme Barth · Les chaises de Bryant Park

🪑 Les chaises de Bryant Park Vous connaissez sans doute les fameuses chaises vertes du Jardin des Tuileries à Paris. C’est tout l’inverse de ces assises indestructibles aux pieds coulés dans le béton que l’on voit émerger un peu partout, mais qui restent en général désespérément vides. Quand on arrive aux Tuileries, on se saisit de sa chaise pour la déplacer au soleil, la tourner vers un comparse ou juste la décaler de quelques centimètres dans une position bien à soi. Libre de toute contrainte, elle est appropriable et se laisse domestiquer. Et ça marche. Les chaises de Bryant Park à New York sont du même fabricant français, mais d’un autre modèle plus léger. Elles symbolisent la réussite d’un espace public massivement approprié par les habitants, qui l’envahissent au moindre rayon de soleil. Pourtant rien ne destinait ce parc à un tel succès. Pendant les années 1970, c’est au contraire un lieu mal famé fréquenté essentiellement par les trafiquants de drogue. Le rapport écrit par William H. Whyte en 1979 - que nous publions pour la première fois dans une traduction française - faisait un état des lieux particulièrement sombre. Mais il faisait aussi des propositions qui ont donné lieu à un projet de rénovation qui a transformé ce lieu de perdition en oasis urbaine. Fondé sur un travail d’observation minutieux des usages, il propose de renoncer à des aménagements matériels et esthétiques pour miser sur des ajustements plus ponctuels, et une animation des lieux associé un véritable effort de gestion. Ces chaises qu’il faut déployer, ranger, entretenir ou remplacer en permanence symbolisent l’attention nécessaire pour faire vivre un espace public hors du commun. Les efforts de gestion permettent d’offrir un service de qualité, qui lui-même permet une parfaite appropriation, et l’arrivée du public permet de pacifier les lieux. Le travail de William H. Whyte sur Bryant Park est le point de départ du mouvement du « Placemaking », qui a initié une vague de renouveau des villes d’Amérique du Nord. Je vous invite à écouter mon échange avec Jérôme Barth, qui a travaillé une quinzaine d’années à Bryant Park, il est aujourd’hui associé de Belleville Placemaking, qui intervient aux États-Unis et au Canada. Et vous pouvez bien sûr commander dès aujourd’hui notre traduction du rapport de William H. Whyte, qui constitue la 4e édition des cahiers de dixit.net. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste/fondateur de dixit.net. N’hésitez pas à vous abonner à notre newletter sur dixit.net pour ne pas manquer nos prochaines publications, et bonne écoute ! Pour aller plus loin : Le rapport de William H. Whyte : Revitaliser Bryant Park Bellville placemaking Learning from Bryant Park: Revitalizing Cities, Towns, and Public Spaces Relié, Andrew M. Manshel, 2020.
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Feb 7, 2024 • 49min

#94 Raphaël Ménard · énergies légères

⛽ Paysages post-carbone J’avais besoin d’un temps de pause. Nous venions de parcourir le flot de cette histoire de l’apparition des énergies fossiles dans nos vies, de la nécessité d'une bonne dose de sobriété pour nous en passer, mais aussi de développer les alternatives. Mais celles-ci aussi ont des impacts : poids des matériaux, empreinte spatiale, impact sur les paysages… Les chiffres s’alignent sous la forme d’élégants schémas sur les murs du Pavillon de l’Arsenal. Effrayants. Les deux tranches de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, c’est une centaine d’hectares et 1,2 million de tonnes. Le barrage de Serre-Ponçon, 2,2 millions. Une éolienne en mer du parc de Saint-Nazaire 2900 tonnes. Les panneaux solaires sur mon toit peut-être 150 kg. L’énergie ne se compte pas qu’en kilowatts et mégawatts, mais aussi en tonnes et en hectares, et apprendre la légèreté ne sera pas si simple. Alors, cette banquette est la bienvenue, comme l’est ce paysage calme devant moi. Une forme de carte postale à peine animée d’une légère brise qui fait tourner une petite éolienne au profil familier. Nous voilà dans une petite rue, sans doute celle d’un lotissement cheminot des années 1960, au bord de voies ferrées abandonnées. Une drôle de petite voiture mal garée sur le trottoir se recharge par l’entremise d’un câble passé par-dessus la clôture. Derrière elle, une voiture de collection manifestement rétrofitée d’un moteur électrique. Pendant qu'elles patientent, des techniciens déploient un accordéon de panneaux solaires sur les voies. La rue a été blanchie pour réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain, tout comme les toits, quand ils n’ont pas été équipés de panneaux solaires. Je suis face à une image d’un banal présent, avec quelques graines de futur qui semblent déjà familières. Un futur possiblement proche où l'énergie s'est faite légère. C’est un des six paysages post-carbone concoctés par Raphaël Ménard et Olivier Campagne pour cette exposition. Défilent ensuite l’intérieur cosy d’un appartement urbain, une plaine agricole qui cultive son énergie, des toits parisiens adaptés au futur, des éoliennes qui s’intègrent à leur paysage et à la vie des lieux, et même un fleuve qui renoue avec la production. Autant d’instants prospectifs ancrés dans le banal présent qui donnent envie d’y croire. Tout sauf des couvertures de romans de science-fiction, ou des images d'illustration de colloques sur la smartcity. J’en retiens pour ma part l’idée qu’une somme de petites transformations peut déjà faire son effet, pour peu qu’on se donne la peine de s’y mettre, en misant sur quelques principes aussi simples que ces six légèretés qui clôturent le parcours : sobriété, équilibre énergie-matière, simplicité, sols vivants, juste échelle et esthétique post-carbone. Je garde aussi en tête un procédé ingénieux, avec ces cartes postales à peine animées qui nous projettent dans un futur proche, éclairé d’un simple schéma explicatif. Un bon moyen de passer au travers du miroir. On parcourt cette semaine cette exposition intitulée "énergies légères" avec Raphaël Ménard. Alors bonne visite ! Pour aller plus loin :  https://www.pavillon-arsenal.com/fr/expositions/12805-energies-legeres.html MacKay, David J.C., Sustainable Energy – Without the Hot Air, Cambridge, UIT Cambridge Ltd., 2009 ; éd. franç. L’Énergie durable. Pas que du vent !, Bruxelles, De Boeck, 2012 Auzanneau, Matthieu, Or noir. La grande histoire du pétrole, Paris, La Découverte, 2015 Kazazian, Thierry, Il y aura l'âge des choses légères - Design et développement durable au quotidien, ed. Victoires, 2003
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Jan 31, 2024 • 47min

#93 Louis Henaux · Les maux du logement

🏚️ Les maux du logement Le mal-logement a de multiples visages. Absence de domicile fixe, difficultés d’accès au logement, insalubrité, bidonvilles, surpeuplement, assignation à résidence, précarité énergétique et de plus en plus climatique… les maux du logement touchent directement plus de 4 millions de personnes en France, et je doute que la Fondation Abbé Pierre nous annonce demain des bonnes nouvelles avec la publication de son rapport annuel. Lutter contre ces maux nécessite des modes d’action très différents, qui touchent bien sûr au concret, mais aussi à l’accompagnement des femmes et des hommes touchés. C’est essentiel, car le logement n’est pas un élément de confort ou un bien comme les autres, c’est la condition d’une bonne santé physique et mentale, de la capacité à travailler, étudier, avoir une vie de famille, alors c’est logiquement devenu un droit depuis peu. Mais pour que le droit passe de la théorie à la pratique, encore faut-il des logements disponibles. Et sur ce front, la crise ne date pas d’hier, mais elle s’accélère : paupérisation des locataires, inflation du foncier, hausse des coûts de production, crise du financement… L’effondrement de la construction neuve touche aussi violemment les acteurs du logement social qui doivent pourtant répondre aux besoins de 2,6 millions de demandeurs en attente, tout en maintenant à flot un parc fragilisé. Alors oui, il faut agir. Beaucoup demandent la nomination d’un ministre du logement, mais j’ai du mal à me persuader que c’est nécessairement la solution. Il y a déjà le risque de ne pas tomber sur le bon cheval (souvenons-nous que la politique de l'architecture dépend du ministère de la Culture), qu’il ou elle soit (à nouveau) impuissant(e), ou même qu’il ou elle donne son nom à un nouveau dispositif de défiscalisation. Mais il est par contre certain qu’il nous faut une vraie politique du logement, et pas une qui commence par remettre en cause l’article 55 de la loi SRU. C’est lui qui a créé il y a plus de vingt ans une pincée de solidarité territoriale en responsabilisant les communes dans la production de logement social. Ce n’est pas un simple article ni même un symbole, c’est un socle de notre vie collective. Y toucher est « une faute morale » pour Emmanuelle Cosse, et pour citer directement les mots de Manuel Domergue : « On a fait la loi SRU pour les communes rétives à accueillir des ménages pauvres et mal logés. C’est donc là une voie d’eau très importante, qui va autoriser à accueillir, sur le quota du logement social, des classes moyennes, voire des classes moyennes supérieures. » Mais puisque les débuts de réponses politiques esquissés à la crise sont singulièrement décevants, c’est peut-être que la question n’était pas claire (gardons l’option optimiste). Alors, allons faire le tour des maux du logement avec Louis Henaux, directeur logement d’Habitat & Humanisme, et explorons avec lui quelques pistes d’action, car il y en a de bonnes. Pour aller plus loin : Edgar Pisani, Utopie foncière, Editions du Linteau. Louis Hénaux, Nouvelle économie foncière, https://issuu.com/louishenaux/docs/230301_article_nouvelle_conomie_fonci_re
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Jan 17, 2024 • 25min

#92 Aurore Magnin et Thomas Maréchal · Partie Commune

La rue est calme, et on ne peut pas dire qu’elle soit encombrée par les appuis vélos. Émerge dans le paysage une petite copropriété d’une vingtaine d’appartements, tout droit venue des années 1960. Les volumes sont simples, le toit plat, le parking souterrain et le gazon bien tondu. Le béton est d’époque et de qualité, les murs peu encombrés d’isolants et le simple vitrage n’a pas encore complètement été exterminé. Il paraît qu’ici on s’imagine accueillir quelques voisins en plus sur le toit, on se voit bien se promener dans des espaces verts luxuriants dotés d’un potager prolifique, ajouter de nouvelles façades pour donner un coup de jeune, dédier un bout de parking aux vélos et au bricolage et discuter de la gestion du composteur collectif dans la toute nouvelle salle commune. Ce ne sont à ce jour que des idées en l’air, et rien ne dit que ce soit le futur que choisiront les habitants, mais il se trame bel et bien quelque chose. Il faut dire que le nouveau syndic de la copropriété ne s’est pas cantonné à mettre à jour les coordonnées bancaires de chacun et à changer le logo des notes sur les encombrants punaisées dans la cage d’escalier. Mise à plat des contrats pour trouver des prestataires conscients, identification des potentiels de mutualisation et de valorisation des espaces communs, lancement d’une réflexion globale sur l’adaptation climatique de la copropriété… Les chantiers ouverts sont nombreux, et touchent la structure bâtie comme la vie quotidienne de tous les habitants, et pas seulement celle des propriétaires. Tout ça sent le début d’une transition de proximité. Vous savez, celle dont on a besoin, celle qui irait au fond des choses, et qui changerait vraiment la donne, cage d’escalier par cage d’escalier. Celle qui parlerait autant de carbone que d’habitants et de partage. Le chantier de la métamorphose de ces copropriétés qui logent un tiers des Français est vaste, et à peine engagé. Intensification des usages, végétalisation, densification, accueil des mobilités douces, décarbonation, adaptation au climat qui change et résilience aux nouveaux risques… Chacune doit faire sa mue pour entrer vraiment dans le 21e siècle. Alors Aurore Magnin et Thomas Maréchal ont décidé de s’y mettre, en créant « Partie Commune ». Il y a des moyens plus attrayants pour changer le monde que de créer un syndic de copropriété, mais à bien y réfléchir leur piste mérite d’être suivie. Car en abordant le métier sous l’angle des liens plus que de la gestion, en parlant des habitants avant de parler du bâti, ils sont dans le concret et limitent le risque de brasser du vent. Il n’y a plus qu’à miser sur le fait qu’ils grandissent vite, et que cette idée de syndic d’intérêt général essaime ailleurs. Alors on visite aujourd’hui avec eux cette copropriété qui se rêve une seconde vie. Bonne écoute. – Sylvain Grisot (Linkedin) Pour aller plus loin : Le Syndic Partie Commune : https://syndicpartiecommune.fr/ L'association RELEVE : https://www.helloasso.com/associations/association-de-prefiguration-releve
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Jan 9, 2024 • 32min

#91 Claire Demaison · Marseille, l'oasis des transitions

Marseille, quatrième arrondissement, à deux pas du centre-ville. L’entrée est discrète et le quartier paisible. En se faufilant derrière une camionnette, on se glisse dans les interstices de la ville minérale pour découvrir un cœur d’îlot fleuri. Le cœur fondant d’un bonbon dur. Ça sent même le printemps précoce avec ce mélange de jaune des mimosas et de blanc des amandiers. Ça sent bon les travaux aussi, et ça s’affaire dans le jardin. D’énormes sacs de gravats se baladent dans l’allée, pendus aux fourches d’un chariot élévateur. Une charmante famille de poutres métalliques attend patiemment dans l’herbe le moment d’entrer en scène pour créer de l’espace et ouvrir des lumières. Et le sol est parcouru de tranchées qui grouillent de fourreaux multicolores. Il se passe manifestement quelque chose par ici. Mais ce n’est pas une opération de densification de ce rare espace végétal dans une ville déjà trop minérale. Non, le panneau du permis de construire cloué sur la porte d’entrée a même été corrigé, avec le terme de « construction » barré vigoureusement, et remplacé par « réhabilitation ». Pourtant l’histoire semblait écrite. Les lieux bénéficiaient bien de quelques protections, mais les propositions des opérateurs ne manquaient pas, misant sur un assouplissement des règles à l’usure, dans une ville où le code de l’urbanisme n’a parfois eu que des effets limités sur le réel. Mais entre la poignée d’occupants du LICA décidés à rester là, des propriétaires à l’écoute, des partenaires mobilisés et compétents et une politique locale qui vit son printemps, un projet alternatif émerge. Le jardin est préservé, les trois bâtiments — dont la bastide du 17e siècle — bénéficient d’une réhabilitation consciente et consciencieuse, et émerge « Le Tiers-Lab des Transitions », dédié aux transitions écologiques, numériques et sociales. On y retrouve un espace de coworking, des salles de réunion, un café, une cantine solaire, des espaces de fabrication numérique et artisanale, des potagers et un jardin partagé. C’est un étonnant projet privé qui a trouvé son modèle pour éclore, et qui désormais va devoir faire ses preuves face au réel. Mais c’est surtout la démonstration que le cœur de nos villes n’est pas nécessairement condamné à une densification à outrance ou à l’immobilisme. Le chemin de traverse qui consiste à transformer sans dénaturer est étroit, mais il existe. Reste à comprendre comment tout cela est possible. Entre un projet lourd à porter, des besoins de financement conséquents, et l’absence de professionnels de l’aménagement dans l’équipe, rien n’était joué d’avance. Mais manifestement les alignements d’étoiles, ça se provoque à force de volonté, d’obstination, d’apprentissage et de ces savoir-faire si particuliers qui permettent de mettre autour de la table les bonnes fées. Nous avons rendez-vous aujourd’hui avec une de ces aligneuses d’étoiles, Claire Demaison, qui nous raconte cette belle histoire. Bonne écoute. - https://www.lica-europe.org/tiers-lab-des-transitions Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Dec 19, 2023 • 58min

#90 Alexandre Born et Sébastien de Hulster · Bellevilles, foncière solidaire

Si vous ne l’aviez pas encore remarqué, c’est la crise. L’immobilier neuf s’effondre, l’accès au logement se complique, la construction patine, les bailleurs sociaux sont à la peine, les aménageurs ont du mal à commercialiser et les collectivités commencent à encaisser le choc. Les observateurs bien informés rivalisent d’observations pertinentes, pronostiquant une crise « plus dure que la dernière fois » et se risquent même à annoncer une date de sortie plus ou moins lointaine. Alors les plus libéraux membres de la profession qui appelaient il y a peu à l’allègement des contraintes administratives demandent à une action résolue de l’État, et vont sans doute bientôt exiger la collectivisation des terres. Mais il y a une erreur sur le diagnostic, car ceci n’est pas une crise. Une crise a un début et une fin, mais il n’y aura pas de sortie cette fois-ci. L’industrie immobilière se confronte aux limites planétaires, comme le paquebot touche l’iceberg que son capitaine faisait semblant de ne pas voir. Il n’y aura pas de fin, car ceci n’est pas une crise, un mauvais moment à passer ou l’ouverture d’une parenthèse. C’est la fermeture d’une longue parenthèse pendant laquelle le béton a coulé à flots, les ressources étaient illimitées, l’argent pas cher et le foncier agricole infini. C’est la fin brutale de la ville facile, et le début d’un nécessaire changement de cap.  Les difficultés de financement, la hausse des prix des matériaux et le manque de terrains ont trop longtemps masqué un enjeu plus fondamental : la spéculation foncière. Pourtant, le foncier urbain, par nature limité et non renouvelable, ne peut être traité comme un bien ordinaire. Et cette question touche d’autres secteurs moins visibles que l’habitat, mais tout aussi essentiels. Le marché seul est incapable de produire du logement abordable dans les territoires attractifs, de recycler des friches, de maintenir les commerces de centre-ville, d’éviter que la production ne soit évincée des métropoles, et il ne saura pas encaisser les pertes de valeur liées aux nouveaux risques. Nous sommes arrivés au bout d’un système où la propriété du sol est associée à une spéculation sur des temps de plus en plus courts.  Nous devons inventer autre chose, et certains n’ont pas attendu l’effondrement du château de cartes pour s’y mettre. C’est le cas par exemple de la foncière de Bellevilles qui travaille sur le temps long de la ville en investissant dans des projets d’intérêt collectif là où c’est nécessaire : villes moyennes, villages, banlieues, zones périurbaines. Elle intervient sur le financement, mais aussi sur le montage et la gestion des projets liés à l’économie sociale et solidaire, l’inclusion sociale ou les transitions avec une double exigence : l’équilibre économique et le partage de la valeur, en assumant la recherche d’une rentabilité limitée. Ce n’est pas tout à fait un groupuscule d’illuminés la tête remplie de rêves, mais une équipe de plus d’une vingtaine de personnes qui mène des projets très concrets partout en France dont certains déjà livrés, et qui vient de faire une levée de fonds de 4 millions d’euros. Est-ce que cela change le système ? Non, pas encore, et Bellevilles n’a pas l’ambition d’être partout. Mais le modèle peut essaimer en inspirant d’autres acteurs, et il démontre surtout qu’une autre façon de faire la ville est possible. Pour aller plus loin : Pour aller plus loin : Le site web de Bellevilles Bellevilles clôture une levée de fonds de 4M€ La ville solidaire de Bellevilles, podcast Cause Commune, décembre 2022 Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Dec 12, 2023 • 45min

#89 Mikaël Saint Pierre · Le Centre d'écologie urbaine de Montréal

Quand un projet pointe son nez dans la ville, c’est la course à l’immobilisme. Dans les oppositions qui émergent, difficile de faire la part entre le rejet de l’autre, la légitime peur du changement et la nécessaire protection des sols, quand toutes se réfugient derrière le même arbre qu’il faut épargner. Le processus de densification de la ville dense a commis suffisamment d’erreurs pour être réformé en profondeur, mais il ne peut ni s’imposer comme une nécessité, ni être balayé d’un revers de manche. C’est de vrais débats locaux dont nous avons besoin pour faire, mais autrement. Mais comment ? Le détour par Montréal est toujours plein d’enseignements. C’est l’occasion par exemple de croiser le Centre d’écologie urbaine de Montréal. C’est un organisme communautaire hybride, né dans l’opposition à un projet emblématique de tabula rasa : Milton Parc (une histoire que je raconte dans Redirection urbaine #Teasing). Il travaille pour le compte de collectivités locales sur des missions, mène des projets de recherche, mais s’engage aussi auprès de collectifs qui s’opposent à des projets urbains avec un parti pris clair : développer le pouvoir d’agir des individus, pour que la décision en urbanisme ne se fasse pas que dans les bureaux d’élus ou de techniciens. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal est aujourd’hui sollicité par des résidents désabusés par les modes de densification de la ville, avec une vague de NIMBY (Not in my backyard - Pas dans mon jardin) qui se développe dans les banlieues résidentielles du Québec qui commencent à se transformer. Il choisit bien entendu les causes qu’il entend défendre, et ne s’engage pas aux côtés de tous les opposants. Mais les processus de densification mal engagés sont nombreux, et seul le passage de l’opposition à une pratique contributive peut permettre de sortir de la guerre de position. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal s’insère alors comme tiers de confiance dans les débats, en agissant sur plusieurs leviers : mobilisation et montée en compétence des groupes de résidents, pédagogie de la densité, conception participative et médiation avec les autorités. Au moment où les oppositions se cristallisent et bloquent le mouvement, alors que les chantiers de l’adaptation de nos villes doivent au contraire s’accélérer, cette piste du tiers de confiance capable de se glisser entre les parties pour sortir des blocages par le haut est une piste à suivre. Et si des organisations légitimées (et financées) par les autorités se positionnaient aux côtés des oppositions ? Elles pourraient leur permettre de pleinement s’approprier les enjeux, d’avoir une voix audible dans le processus, et même de proposer des projets alternatifs. Elles pourraient aussi donner les clés aux habitants pour faire à leur échelle. Car un pan entier de la nécessaire métamorphose de la ville ne pourra être fait par les pouvoirs publics ou les opérateurs traditionnels de sa fabrique. Les habitants doivent faire, dans leur rue, leur immeuble, leur maison, mais ils ne pourront pas faire seuls. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste fondateur de dixit.net, et j’échange aujourd’hui avec Mickaël Saint-Pierre, coordonnateur en aménagement et mobilité au Centre d’écologie urbaine de Montréal. Et vous allez voir, c’est passionnant. Bonne écoute. Pour retrouver tous nos articles et nos podcasts, rdv sur dixit.net ! Un podcast qui bénéficie du soutien de l'ADEME.
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Oct 19, 2023 • 44min

#88 Maxime Pedneaud-Jobin · Gatineau, capitale du réchauffement climatique

Gatineau, c'est la quatrième ville du Québec située en face d’Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais. C’est elle qui déborde par surprise en 2017 et fait 4000 sinistrés. Dans les mois qui suivent, une tornade détruit ou endommage 2400 logements, trois des cinq pires pluies diluviennes des cent dernières années s’abattent sur la ville, qui subit aussi des canicules, des épisodes de gel/dégel et de nouvelles inondations en 2019 et 2023. Gatineau, c’est un territoire sentinellequi tente de nous avertir de ce qui va nous arriver par la voix de son ancien maire, Maxime Pedneaud-Jobin, élu de 2013 à 2021. Il a décidé de ne pas se représenter à l’issue de son second mandat, et témoigne désormais de son expérience au cœur des impacts du bouleversement climatique. En temps de crise, le maire doit apprendre à accueillir la souffrance tout en inspirant la confiance. Mais son rôle ne s’arrête pas avec la fin de la phase aiguë. Quand les médias sont partis et que les sirènes se taisent enfin, il y a un territoire à reconstruire. Il faut aussi tirer les leçons du choc et se préparer pour la suite. À Gatineau, on ne part pas de rien. Avant les inondations de 2017, la ville avait déjà une culture de sécurité civile, des équipements et une bonne préparation. Mais la catastrophe n’avait pourtant pas été anticipée. Il faut donc désormais construire la résilience du territoire. La résilience, c’est bien sur s’adapter aux risques connus, mais aussi devenir adaptable a ceux qu’on ne peut imaginer. Elle ne passe pas uniquement par l’anticipation des catastrophes ou l’adaptation des infrastructures urbaines. Financement des associations, création de lieux… tout cela participe à la construction d’infrastructures sociales de résilience. La conversation à engager avec la population porte sur la gestion des crises, la préparation, et aussi l’adaptation de nos villes et de nos modes de vie. Elle sera sans doute plus aisée à mener à l’échelon local, plutôt qu’avec un gouvernement distant et qui a du mal à sortir des débats partisans. Convenons que Maxime Pedneaud-Jobin a bien mérité de passer le relais après deux mandats. Aujourd’hui il continue de prendre la parole, non plus en tant qu’élu, mais comme sentinelle. On va donc l’écouter, et vous pourrez aussi lire son dernier ouvrage : Libérer les villes. Pour une réforme du monde municipal, qui vient tout juste de sortir. Je suis Sylvain Grisot, urbaniste fondateur de dixit.net Retrouvez toutes nos publications sur notre site. Et bonne écoute !

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