Marie-Axelle Granié, Directrice de Recherches en Psychologie Sociale à l’Université Gustave-Eiffel, explore avec Tal Madesta les comportements genrés au volant. Ils discutent des stéréotypes qui poussent les hommes à adopter des conduites à risque, souvent perçues comme un marqueur de virilité. La dynamique de contrôle dans les couples hétérosexuels est examinée, mettant en lumière les tensions qui en découlent. Enfin, ils abordent la représentation de la masculinité au volant dans le cinéma, révélant des enjeux sociétaux complexes.
Les stéréotypes de genre façonnent les comportements de conduite, créant une perception erronée des compétences des hommes et des femmes au volant.
L'agressivité au volant des hommes, liée à des normes de virilité, est un facteur majeur des accidents et des décès sur la route.
La dynamique de conduite dans les couples hétérosexuels révèle un contrôle masculin, restreignant la compétence des femmes et alimentant des comportements risqués.
Deep dives
Stéréotypes de genre et conduite
Les stéréotypes de genre influencent fortement les comportements de conduite, où l'idée généralement acceptée est que les hommes sont des conducteurs supérieurs aux femmes. Cette perception se traduit par des comportements à risque plus marqués chez les hommes, comme des excès de vitesse et des infractions au code de la route. En revanche, les femmes sont souvent perçues comme prudentes et respectueuses des règles, ce qui est attribué à une socialisation qui cherche à encourager leur sécurité. Ainsi, ces stéréotypes entraînent des attentes irrationnelles sur les compétences de conduite selon le sexe, alimentant une dynamique de genre problématique sur la route.
Accidentalité et risques au volant
Les hommes sont responsables d'une grande majorité des accidents de la route, représentant 78% des décès lors d'accidents, ce qui soulève des questions sur le lien entre agressivité, virilité et conduite. Les comportements à risque excessifs chez les hommes, tels que la vitesse et l'alcool au volant, sont souvent liés à des normes de masculinité qui valorisent la prise de risque et le contrôle. La recherche montre également que ces comportements prennent racine dès l'enfance, où les garçons sont souvent encouragés à affirmer leur virilité à travers des comportements de conduite audacieux. En conséquence, les hommes, en particulier ceux jeunes, sont plus susceptibles de se mettre en danger et de blesser autrui sur la route.
Socialisation et perception des compétences
La socialisation des garçons et des filles autour de la conduite influe sur leur perception de leur propre compétence. Les études révèlent que les garçons, ayant davantage d'expérience de conduite naturelle, arrivent avec un sentiment de compétence accru, tandis que les filles manquent souvent de confiance due aux stéréotypes négatifs. Ce manque de confiance se reflète également dans les résultats des examens de conduite, où les femmes réussissent moins souvent du premier coup en raison de la pression sociale. La perception que la conduite est une aptitude innée masculine contribue à la perpétuation de ces attentes et manque de confiance chez les femmes.
Contrôle masculin au volant
La dynamique de conduite dans les couples hétérosexuels montre que les hommes exercent souvent un contrôle sur qui prend le volant, renforçant ainsi des comportements de domination. Cette inégalité peut conduire à une perte de compétence de conduite chez les femmes, qui se retrouvent moins souvent au volant et subissent la conduite risquée de leur partenaire. Les témoignages indiquent même que certaines femmes ressentent une forme de violence psychologique lorsque leur homme conduit de manière agressive ou à des vitesses excessives. Cela crée un cercle vicieux de dépendance et de domination, où les femmes acceptent des comportements à risque parce qu'elles se sentent moins capables de contester la conduite de leur partenaire.
Voiture comme symbole de virilité
La voiture est perçue comme un symbole de virilité et de pouvoir, renforçant les stéréotypes de genre dans la société. Les publicités et les normes culturelles associent souvent possession de voitures puissantes à succès et attraction, teintées d'un discours masculin. Les comportements à risque au volant deviennent alors non seulement un moyen d'affirmer sa masculinité mais également une quête de reconnaissance sociale. L'identification entre virilité et voiture est tellement ancrée qu'elle se retrouve même dans la socialisation des enfants, où les garçons sont souvent encouragés à renforcer cette image dès leur plus jeune âge.
Au volant comme partout ailleurs, nos comportements sont façonnés par un certain apprentissage du genre. Les femmes sont encouragées à conduire prudemment, tandis que les hommes sont perçus comme des conducteurs naturellement compétents. Pourtant, en 2023, les hommes représentaient 78% des victimes sur la route et étaient responsables de 8 accidents mortels sur 10.
Pourquoi les hommes sont-ils si dangereux au volant ? Comment les stéréotypes de genre influencent nos conduites ? Comment la voiture sert-elle d’outil d’affirmation de la virilité ?
Pour répondre à ces questions, Tal Madesta reçoit Marie-Axelle Granié, directrice de Recherches en Psychologie Sociale du Développement à l’Université Gustave-Eiffel à Lyon. Ensemble, il et elle analysent comment les comportements à risque et agressifs des hommes en voiture deviennent un marqueur de territoire à la fois dans l’espace public et privé.
RÉFÉRENCES CITÉES DANS L’ÉMISSION
Retrouvez toutes les références citées dans l’épisode et sa transcription écrite à la page :
Les Couilles sur la table est un podcast de Victoire Tuaillon produit par Binge Audio. Cet entretien a été préparé, mené et monté par Tal Madesta, et enregistré le vendredi 15 novembre 2024 au studio Virginie Despentes de Binge Audio (Paris, 19e). Prise de son, réalisation et mixage : Paul Bertiaux. Supervision éditoriale et de production : Naomi Titti. Production, édition et communication : Marie Foulon avec Lise Niederkorn. Rédaction en chef : Thomas Rozec. Direction de production : Albane Fily. Générique : Théo Boulenger. Identité graphique : Pierre Hatier (Upian). Composition identité sonore : Jean-Benoît Dunckel. Voix identité sonore : Bonnie El Bokeili. Direction des programmes : Joël Ronez.
