Faut-il arrêter de parler de "transition" ? (avec Jean-Baptiste Fressoz)
Mar 4, 2025
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Jean-Baptiste Fressoz, historien de l'environnement et auteur de "Sans transition, une nouvelle histoire de l'énergie", remet en question le concept de transition énergétique. Selon lui, les énergies s'additionnent plutôt que de se remplacer. Il critique les solutions technologiques adoptées et souligne la cohabitation complexe entre énergies renouvelables et fossiles, notamment en Chine. Fressoz appelle à une réflexion démocratique sur les enjeux énergétiques et insiste sur l'importance d'impliquer les citoyens dans ce débat crucial.
L'histoire de l'énergie révèle que les sociétés tendent à additionner les sources plutôt que de remplacer les énergies fossiles par des renouvelables.
La transition énergétique est souvent utilisée comme un terme technocratique qui masque l'absence de véritables solutions pour réduire les émissions de carbone.
Il est essentiel de stimuler un débat démocratique sur la sobriété énergétique, en intégrant les voix des citoyens dans les décisions politiques.
Deep dives
La quête de la transition énergétique
La transition énergétique est souvent perçue comme un processus de remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables. Pourtant, l'histoire montre que les sociétés ont tendance à additionner les sources d'énergie plutôt qu'à en remplacer une par une autre. Même avec des engagements internationaux comme l'accord de Paris, la dépendance au pétrole et aux émissions de gaz à effet de serre persiste. Ce paradoxe soulève des questions sur la véritable avancée vers la neutralité carbone.
L'imbrication des sources d'énergie
L'histoire de l'énergie révèle une dynamique d'imbrication entre les différentes sources énergétiques, où l'augmentation de la consommation d'une source entraîne souvent le besoin d'une autre. Par exemple, la production de charbon nécessite d'importantes quantités de bois, alors que l'industrie pétrolière dépend largement de l'acier, lui-même produit principalement à partir de charbon. Cette interconnexion complique l'idée d'une transition rapide et simple d'une source d'énergie à une autre. Ainsi, chaque avancée technologique doit être mise en perspective avec ces relations complexes.
Les limites de la décarbonisation
Bien que les énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien gagnent en popularité, elles ne suffisent pas à elles seules à entraîner une réduction significative des émissions de carbone. Les secteurs difficiles à décarboniser, comme l'acier et le ciment, continuent de poser de sérieux défis. La réalité est que la transition énergétique est souvent utilisée comme un terme technocratique pour masquer l'absence de véritables solutions. La focalisation uniquement sur l'électricité néglige l'ensemble du système économique et la nécessité d'une consommation plus sobre.
Une approche plus nuancée de la sobrieté
Il est essentiel de considérer non seulement l'intensité carbone de la production d'énergie, mais aussi la question de la sobriété et de la répartition des émissions. Cela implique de repenser notre consommation et d'évaluer les véritables besoins énergétiques derrière des projets comme la construction de nouveaux bâtiments ou l'expansion d'infrastructures. Il est crucial d'engager un débat démocratique sur ces choix, en intégrant les voix des citoyens. Ces discussions devraient se concentrer sur des politiques de sobriété qui privilégient des usages énergétiques responsables.
L'importance de la réalité historique
L'histoire ne fournit aucun modèle optimiste pour un changement rapide des politiques énergétiques, car les émissions de CO2 n'ont fait que croître au fil du temps. Les rares baisses observées sont souvent le résultat de crises majeures plutôt que d'initiatives planifiées. Ce constat montre que la transition énergétique actuelle est souvent un rêve irréaliste, basé sur des promesses technologiques. Par conséquent, il est crucial de rester réaliste quant aux défis à relever pour réduire les émissions de manière significative et durable.
Quand on évoque l’idée de "transition énergétique", on imagine souvent que le monde va se débarrasser des énergies fossiles - 80 % de l’énergie qu’on utilise aujourd’hui - pour les remplacer par des énergies renouvelables. Mais le travail de l'historien Jean-Baptiste Fressoz a montré que la réalité est bien différente : les sources d'énergie s'additionnent les unes aux autres, et la transition n'a pas encore vraiment eu lieu.
Est-ce qu’un tel mouvement de remplacement d’une source d’énergie par une autre a déjà eu lieu dans l’histoire ? Est-ce que l’idée de la transition énergétique est un piège et faut-il renoncer à ce concept ? A l’inverse, est-ce que ce qui se passe aujourd’hui dans le monde de l’énergie est porteur d’espoir ?
Jean-Baptiste Fressoz est historien, spécialiste de l’histoire des techniques et de l’environnement. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le changement climatique et a publié en 2024 un livre intitulé "Sans transition, une nouvelle histoire de l'énergie" (Seuil).
« Chaleur humaine » est un podcast hebdomadaire de réflexion et de débat sur les manières de faire face au défi climatique. Ecoutez gratuitement chaque mardi un nouvel épisode, sur Lemonde.fr, Apple Podcast ou Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.
Cet épisode a été produit par Cécile Cazenave et réalisé par Amandine Robillard. Musique originale : Amandine Robillard.
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