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Bookmakers : écrivaines et écrivains au travail

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Feb 21, 2024 • 58min

Wajdi Mouawad (1/3)

Un obus dans le cœur Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi MouawadNé en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.Wajdi Mouawad (1/3)C’est un oiseau rare, au plumage marqué par l’exil. Un fougueux pour qui le théâtre demeure une « boussole », qui écrit guidé par « le désir ardent de colmater les déchirures, les peines et l’ennui profond ». Forcée de fuir le Liban en raison des bombardements de la guerre civile, la famille de Wajdi Mouawad s’installe en 1978 à Paris, puis quelques années plus tard à Montréal, où l’École nationale de théâtre sauve de la dépression le futur auteur de « Littoral » ou de « Seuls », en lui offrant à la fois « le chemin » et son seul diplôme. D’abord comédien, il se met à l’écriture pour « partager un hurlement, exorciser des peurs, commettre des attentats de façon symbolique, déposer des bombes dans la tête des gens. Que ça cogne. »Ses cris ont été entendus. Mais comment la lecture de Kafka, adolescent, l’a-t-elle métamorphosé jusqu’à l’obsession ? Que doit-il à son grand frère, Naji ? Aux chansons de Brel ou de Renaud ? Peut-on fleurir quand on a été plusieurs fois déraciné ? Ce sont certaines des scènes du premier acte de cette conversation, qui revient sur ces années de formation où Wajdi Mouawad n’était « qu’un verre qui attendait d’être rempli ». Enregistrement janvier 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clarinette Paul Laurent Lectures Sabine Zovighian Illustration Sylvain Cabot Remerciements Alice Zeniter, Joseph Hirsch Production ARTE Radio
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Dec 13, 2023 • 45min

André Markowicz (3/3)

Métrique et astuces Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André MarkowiczNé à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.André Markowicz (3/3)Un traducteur est un auteur. André Markowicz le prouve chaque jour depuis quarante ans, d’un pays à l’autre, d’une forme à l’autre – y compris quand il s’échine à chercher le ton juste d’un personnage… dans une simple blague juive. Parmi les cent cinquante livres que compte sa bibliographie, on lui doit 14 pièces de Shakespeare aux éditions Les Solitaires Intempestifs, 401 poèmes chinois du VIIIe siècle (dans son chantier le plus fou : « Ombres de Chine », aux éditions Inculte) ou encore une nouvelle version du chef-d’œuvre de Mikhail Boulgakov, « Le Maître et Marguerite », traduit avec Françoise Morvan, toujours aux éditions Inculte – ce qu’il décrit parfois comme « l’aboutissement de tout son travail de traducteur de la littérature russe ».Mais ces ouvrages, composés avec la même fièvre de partage, ne doivent pas occulter les milliers de pages signées par Markowicz en solo. Ce maître en métrique est l’auteur de quatre recueils de poèmes quasi confidentiels (« Figures », « Herem »), d’un récit autobiographique en vers et sans point, à lire d’un seul souffle, sur l’appartement de sa grand-mère (« L’Appartement », Inculte). D’un sidérant journal public tenu depuis dix ans sur Facebook, à raison d’une chronique tous les deux jours, matière première des épais volumes de sa série « Partages » qui paraît maintenant chez Mesures, maison d’édition indépendante qu’il a créée avec Françoise Morvan. Ou récemment d’un tout petit essai géopolitique et littéraire, intitulé « Et si l’Ukraine libérait la Russie ? » (Le Seuil), vendu à dix mille exemplaires.Tels sont certains des sujets évoqués dans la toundra de ce troisième et dernier épisode, en compagnie d’un homme qui s’est longtemps senti « gêné, comme empêché d’écrire ». Un créateur qui ne traduit que des morts. Et qui, étrangement, ne semble pas plus inquiet que ça face à l’invasion des intelligences artificielles. Auquel on ne peut que souhaiter, en citant sa traduction du tout dernier poème de Vladimir Maïakovski, qu’il n’ait jamais « la honte de devenir raisonnable ». Enregistrement octobre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Lectures Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon Illustration Sylvain Cabot Production ARTE Radio
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Dec 13, 2023 • 41min

André Markowicz (2/3)

Maousse Dosto Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André MarkowiczNé à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.André Markowicz (2/3)Un jour, la mère d’André Markowicz, professeure de littérature russe, ouvre une traduction française de « L'Idiot » de Dostoïevski. Dans la scène d’anniversaire où le piètre fonctionnaire Lebedev délire à bloc en voyant de l'argent jeté au feu, elle ne reconnaît pas le texte original. Les trois autres traductions qu’elle emprunte ne respectent pas non plus, diable, les flammes initiales ; toutes s'acharnent à rendre cohérentes les invraisemblances du personnage déboussolé.Le jeune André n’oubliera pas cette anecdote. En 1990, dans le métro, face à Hubert Nyssen, fondateur des éditions Actes Sud, pour lequel il vient de servir d’interprète, Markowicz suggère de retraduire Dostoïevski. Au motif que les précédentes traductions ont trop policé le style – bien qu’elles aient permis, reconnaît-il, à Proust ou à Gide de s’engouffrer dans la prose possédée de l’auteur des « Carnets du sous-sol ». Trêve d’élégance excessive à la française : l’oralité furieuse de Dostoïevski sera célébrée avec force répétitions et maladresses de syntaxe, n’en déplaise aux puristes. Trois ans plus tard, sur France 3, André Markowicz explique honorer ainsi une écriture qui existe « en dépit de toutes les règles, en faisant tout pour ne pas faire un roman français, ne pas écrire comme un marquis, mais avec un débordement de passion, une langue en fusion, sans aucune norme, à part celle que l’on crée, là, sur-le-champ ». Ses adversaires questionnent sa légitimité, parce qu’André n’est pas universitaire. On le voit pourtant – c’est rare, pour un traducteur – dans « Paris-Match » ; avec, sur la page d’en face, le mannequin Claudia Schiffer dans sa baignoire. Puis « L’Obs » lui consacre trois pages où se querellent anciens et modernes, en parlant de « véhémence emberlificotée » à propos de sa version de « L’Idiot ». Markowicz se confie au « Monde » : « Voilà une chose que j’ai réussie, au moins : qu’on remarque que le bouquin est traduit. »Ce rigoureux russophone est donc de ceux qui, comme dans « Crime et châtiment », ont « le don ou le talent de dire une parole nouvelle ». Cela marche aussi au théâtre : André Markowicz a participé à plus d’une centaine de mises en scène de ses traductions cosignées avec Françoise Morvan, en France, au Québec, en Belgique ou en Suisse, remaniant souvent le texte à l’épreuve du plateau. Hubert Nyssen disait de lui : « J'ai rarement vu quelqu'un qui s'intéresse autant à la mise en bouche d'un texte. ». Dans ce deuxième épisode, laissons de nouveau sa voix nous guider. Enregistrement octobre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Lectures Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon Illustration Sylvain Cabot Production ARTE Radio
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Dec 13, 2023 • 48min

André Markowicz (1/3)

L’oreille russe Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André MarkowiczNé à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.André Markowicz (1/3)En France, c’est le tsar bizarre, envoûté et envoûtant, de la littérature russe. Un polyglotte professionnel qui se situe toujours « entre deux mondes », « entre la langue de départ et celle de l’arrivée », entre la langue de sa petite enfance moscovite et celle de sa vie d’adulte, entre Paris, Rennes et les villes où son goût du théâtre l’emporte. « Je commence par taper, très vite. En français, sans réfléchir. Je ne lis jamais l'œuvre auparavant – ce qui est hérétique pour beaucoup de mes collègues. Quand on lit, les yeux glissent. Or, quand on traduit, les yeux plongent. Traduire, c'est une lecture en verticale. On ne fait pas attention aux idées, mais aux mots. Petit à petit, je commence à voir des trucs bizarres, qui me choquent, qui me gênent, des expressions russes un peu étranges, qu'on ne s'attendrait pas à trouver dans le contexte. Et c'est toujours l'essentiel. Je construis l'interprétation à partir des bizarreries. »Mais d’où vient le sens du tempo de cette bibliothèque sur pattes, qui déclare avec joie n’avoir jamais pris de vacances depuis trente ans ? Que met-il dans son samovar matinal ? Qu’a-t-il retenu de son mentor au physique de « colosse », le linguiste et dissident russe Efim Etkind, qui l’invite – à 16 ans – à rejoindre son cercle de traducteurs ? Cette école « des mots, des sons, de la construction », qui a tant marqué Markowicz. « Le geste premier du traducteur, dit-il, est celui du partage. Il aime et il a les moyens de faire aimer à d’autres. Ensuite viennent les questions techniques, les impossibles, les affres. » Les portes s’ouvrent enfin sur ce premier épisode : au coin du feu, entrons dans la datcha mentale de Monsieur. Enregistrement octobre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Lectures Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon Illustration Sylvain Cabot Production ARTE Radio
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Dec 13, 2023 • 31sec

Bookmakers : la collection de livres

Tout savoir des grands noms de la littérature contemporaine Le podcast ARTE est devenu une collection de livres. Richard Gaitet interroge les meilleures autrices et les meilleurs auteurs sur leurs secrets d'écriture. Après Nicolas Mathieu et Alice Zeniter, c'est au tour de Maria Pourchet. En janvier 2024, Hervé le Tellier complètera la collection.Une coédition ARTE Éditions / Points.Maria Pourchet«Mon premier livre serait comme le dessin du cygne qui, dans la fable, fut travaillé des années avant d’être offert à un empereur japonais. Il faut que le geste soit sûr. »Que trouve-t-on sous la plume de Maria Pourchet ? Pourquoi a-t-elle attendu d’avoir trente ans pour se mettre à écrire – alors qu’elle était sûre de sa vocation dès le CE1 ? Quel déclic doit-elle à Romain Gary ? Comment la langue est-elle devenue « un pote » ? Dans ce dialogue franc du collier, celle qui écrit « comme on gueule » raconte tout, ou presque : son enfance vosgienne « saturée » de livres, son admiration pour Pierre Michon, Achille Talon, Daniel Balavoine ou Les Valseuses, son art mordant de la punchline et, très en détails, la fabrication de ses premiers romans, d’Avancer (2012) au succès de Feu (2021).Une conversation lucide et incandescente avec l’une des révélations de la scène littéraire contemporaine.11,90€ - 128 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.Alice ZeniterL’art littéraire d’Alice Zeniter, de A à Z. Remarquée en CE2 par une autrice confirmée, publiant son premier livre à seize ans, cette romancière, dramaturge, metteuse en scène, traductrice et scénariste s’est imposée comme l’une des voix les plus stimulantes du paysage francophone.Aux Hébrides ou en Hongrie, au plus près des affects d’une hackeuse, d’anciens harkis ou d’une femme de ménage, les histoires d’Alice Zeniter interpellent, en sa qualité de membre honoraire de ce club d’écrivain·e·s qui refusent d’écrire toujours le même livre. Mais comment cette amoureuse éperdue des enquêtes de Sherlock Holmes travaille-t-elle au quotidien ? De quelle façon sa pratique du théâtre influence-t-elle sa prose ? Comment surmonter ses doutes quand on se trouve « écrasée par l’ampleur de ses sujets » ? Et qu’est-ce que « la stratégie de la semoule » ?Un dialogue didactique, plein d’humour et de modestie, sur la fabrique de l’écriture.10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.Nicolas Mathieu Comment écrire sans trahir le milieu d’où l’on vient ? De sa première rédac’ au Goncourt reçu à 40 ans pour Leurs enfants après eux, en passant par ses « chocs » enlisant Céline, Manchette ou Annie Ernaux, Nicolas Mathieu revient sur la naissance de sa vocation, sa discipline quotidienne et les « coups » que la littérature « lui permet de rendre à la vie, qui nous en met plein la gueule » le temps d’une conversation précise et généreuse. Une plongée passionnante dans la fabrique et les mondes intérieurs du petit bleu des Vosges, devenu l’une des figures montantes du roman contemporain, dont la colère contre « les mensonges, le tout falsifié » reste l’un des carburants, et qui dit avec joie avoir appris davantage en matant Les Soprano qu’en étudiant Tolstoï.10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.Bookmakers écoute les écrivain.e.s détailler leurs secrets d’écriture. C’est le récit d’un récit, les coulisses de fabrication d’un livre majeur dans la carrière d’un.e auteur.e, qui dévoile sa discipline, son rythme et ses méthodes de travail. C’est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, un personnage ? Où faut-il couper ?Chaque mois, Bookmakers écoute les plus grand.e.s écrivain.e.s d’aujourd’hui raconter, hors de toute promotion, l’étincelle initiale, les recherches, la discipline, les obstacles, le découragement, les coups de collier, la solitude, la première phrase, les relectures… mais aussi le rôle de l'éditeur, de l’argent, la réception critique et publique, le regard sur le texte des années plus tard.Animé par Richard Gaitet, écrivain et homme de radio, le podcast Bookmakers détruit le mythe d’une inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin. Il rappelle que l'écriture est aussi un métier, un artisanat, un beau travail.  Enregistrement septembre 2023 Ecriture Richard Gaitet Mixage Samuel Hirsch Production ARTE Radio
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Oct 18, 2023 • 39min

Constance Debré (3/3)

La règle du je Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance DebréNée en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).Constance Debré (3/3) « J'assume tout quand j'écris "je", j'écris démasquée. La vérité est la solution la plus simple. Et la plus excitante. » Publié en 2020 aux éditions Flammarion, « Love me tender » est le roman auto-fictif de l’affranchissement familial de Constance Debré, « d'une solitude assumée, fondamentale », le journal de bord d’une pré-quinquagénaire qui se confronte aux normes en vivant pleinement son coming-out. Ou encore, et surtout, les confessions cinglantes, un peu bouleversantes et sans un gramme de pathos d’une mère dépossédée de son fils, qui réinvente le lien et interroge l’amour filial. Il s’écoule quarante mille exemplaires de ces cent cinquante pages, traduites au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans les pays scandinaves. Sur le même principe, le livre d’après, « Nom » (2022), ausculte sa généalogie, son « origine », les malheurs et les vertus de son clan, et marche aussi très bien : trente-deux mille exemplaires vendus.En janvier 2023, « Offenses » amène Constance Debré à sortir du couloir de nage de l’autobiographie romancée. Sujet : l’histoire vraie d’un criminel de dix-neuf ans, déjà père et sérieusement dans la dèche, qui assassina une vieille voisine de dix coups de couteau pour lui voler 450 euros. Le meurtrier s’adresse à nous, Constance aussi, pour restituer le procès et les circonstances psycho-sociales de la tragédie, érigeant le tueur en « saint » qui serait « coupable à notre place ». La démarche ne convainc guère, mais le livre se vend à près de dix mille copies. En dernière instance de cette comparution immédiate dans les studios d'Arte Radio, Constance lira la traduction des paroles d'une chanson de Leonard Cohen, qui présente de troublantes similitudes avec son œuvre désenchantée. Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.Une coédition ARTE Éditions / Points. Enregistrement septembre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, réalisation, mixage Charlie Marcelet Montage Mathilde Guermonprez Musiques originales Samuel Hirsch Piano Vincent Erdeven Lectures Samuel Hirsch, Manon Prigent Illustration Sylvain Cabot Remerciements Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie Production ARTE Radio
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Oct 18, 2023 • 44min

Constance Debré (2/3)

Play plaidoirie Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance DebréNée en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).Constance Debré (2/3) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juré·e·s, les faits reprochés à Constance Debré sont accablants. Prenons la phrase suivante : « Écrire est un coup d’état, l’affirmation d’une autorité sans justification ni explication et qui se fout d’être légitime. C’est comme dans l’amour, quand on se penche et qu’on prend. » De loin comme de près, Constance décontenance : elle a rompu avec le couple, l’hétérosexualité, un travail stable, la possession et le confort d’un appartement douillet, pour écrire et ne faire que ça ; sauf, bien sûr, quand elle nage à la piscine deux kilomètres de crawl par jour, et enchaîne les conquêtes féminines tel un Don Juan androgyne aux cheveux de plus en plus courts, tatouée de toutes parts – avec les mots « plutôt crever » dans la chair de son cou. Tout ceci, Debré le raconte de façon frontale, impudique, dans « Play boy » et les deux romans suivants, à peine cachée derrière l’alter-ego qui porte son prénom, via des phrases courtes et des chapitres au rasoir, qui captivent son auditoire.Paru aux éditions Stock, « Play boy » se vendra tous formats confondus à trente mille exemplaires. Le geste impressionne, mais crispe aussi une partie de la critique, qui lui reproche la trop grande simplicité de son style ou la bourgeoisie teintée d’aristocratie de sa lignée, souvent sans savoir quelle est son histoire. « C’est important de déplaire et j’ai toujours trouvé infiniment sexy d’avoir des ennemis », dit-elle. « Il faut totalement assumer l'arrogance. »Dans ce deuxième épisode, examinons les fondations du casier littéraire de l’ex-avocate Constance Debré, son goût pour l’oralité, le « risque » et le sens de la « responsabilité » qui lui permettent de conjurer cette sensation permanente « d'étouffer sous le brouhaha », l’influence de Guillaume Dustan et de Christine Angot, ses antécédents au service de la justice, quand elle était « l’une des petites vedettes » du barreau de Paris, et les deux points communs essentiels qu’elle continue d’observer entre une plaidoirie et l’écriture d’un roman. « Toujours le moins de mots possible. Et : les choses graves doivent être dites. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.Une coédition ARTE Éditions / Points. Enregistrement septembre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, réalisation, mixage Charlie Marcelet Montage Mathilde Guermonprez Musiques originales Samuel Hirsch Piano Vincent Erdeven Lectures Samuel Hirsch, Manon Prigent Illustration Sylvain Cabot Remerciements Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie Production ARTE Radio
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Oct 18, 2023 • 47min

Constance Debré (1/3)

Les circonstances Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance DebréNée en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).Constance Debré (1/3) « La plupart des livres mentent. On est donc en droit de leur en vouloir. On devrait arriver à parler des livres normalement, arrêter de croire qu’ils nous surplombent, les jeter contre un mur quand on n’est pas d’accord. Les livres sont souvent bêtes. La plupart des livres publiés valent moins, moralement, politiquement, esthétiquement, qu’un McDo. » Il faut un certain aplomb pour annuler, en cinq phrases, la quasi-totalité de la production littéraire contemporaine. Quand Constance Debré surgit en librairies en 2018 avec « Play boy », brève autofiction qu’elle présente à 46 ans comme son premier roman, cette fougueuse avocate pénaliste s’apprête à ranger au placard sa longue robe noire à rabat blanc, pour « entrer en littérature comme dans les ordres, en plus fun quand même », selon la formule de Virginie Despentes – qui adore « cette écriture désinvolte, mais dévorée d’anxiété ».Elle apparaît à notre micro un cuir noir épais sur les épaules, chapeau mou marron posé sur son crâne rasé à blanc, pour partager, dans ce premier épisode, son enfance à la garçonne, ses lectures capitales de Blaise Pascal et Saint-Augustin ou ses premiers tafs dans les coulisses de l’Assemblée nationale et les contentieux boursiers. Elle en profite aussi pour clore le débat sur ses deux véritables premiers ouvrages parus aux éditions du Rocher, « Un peu là beaucoup ailleurs » (2004) et « Manuel pratique de l'idéal » (2007), aujourd’hui reniés… « parce qu’il manquait la volonté ». Constance Debré allait pourtant jusqu’à inscrire en ces pages sa propre épitaphe : « Ci-git (…), elle ne plaisantait pas. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres. Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.Une coédition ARTE Éditions / Points. Enregistrement septembre 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, réalisation, mixage Charlie Marcelet Montage Mathilde Guermonprez Musiques originales Samuel Hirsch Piano Vincent Erdeven Lectures Samuel Hirsch, Manon Prigent Illustration Sylvain Cabot Remerciements Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie Production ARTE Radio
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Jul 19, 2023 • 54min

Laurent Chalumeau (3/3)

Kiffe la vibe avec Elmore Leonard Bookmakers #25 - L'auteur du mois : Laurent ChalumeauNé en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset).Se définissant parfois comme « un couteau suisse contrefait », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle.Laurent Chalumeau (3/3)Avec « Le Siffleur », Laurent Chalumeau inaugure en 2006 une série de cinq romans d’escroquerie frontalement rigolards, plantés sur la Côte d’Azur – qui pullule soudain de bras cassés infoutus de réussir le moindre braquage. « Le V8 de la Mustang 1967 grondait voluptueusement, cramant vingt litres au cent et polluant l’air marin, Maurice retrouvant des sensations oubliées, sourdement excité, s’il était honnête, par le petit voyage dans le temps qu’il était en train de s’offrir. À supposer bien sûr qu’un sermon servi aux deux trompettes avec le ton qu’il faut suffise à les calmer. Si les mecs jouaient aux durs, que l’affaire partait en burnes, Maurice savait pas trop jusqu’où il saurait suivre. Mais là, de se retrouver comme ça aux commandes d’une vraie tire, fringué au rayon hommes pour changer de d’habitude, avec la perspective de recadrer deux merglus avant d’aller se coucher, Maurice, pour un peu, aurait remercié le ciel de lui avoir prêté vie et maintenu la santé. »Le roman sera transposé au cinéma par Philippe Lefèbvre, avec François Berléand et Virginie Efira. « Écrire bien, ça ne veut rien dire, dit Laurent Chalumeau, pas mécontent des 15 000 exemplaires écoulés du roman suivant, intitulé « Les arnaqueurs aussi ». « Mais écrire de façon efficace et adaptée à son sujet, ça signifie savoir où appuyer, à quel moment et avec quelle intensité. Comme chez l’ostéo ou chez le kiné. »Ces gestes qui sauvent (un roman, un dialogue, une intrigue, un personnage), Laurent les a appris en étudiant, pendant des années, la prose « zéro pour cent de matière grasse » de l’Américain Elmore Leonard, que Quentin Tarantino adapta sur grand écran via « Jackie Brown ». En résulte un essai passionnant signé Chalumeau aux éditions Rivages en 2015, « Elmore Leonard, un maître à écrire », bourré de conseils pratiques à suivre dans ce troisième épisode. Des trucs et astuces de narration, qui lui ont permis de bâtir des bouquins comme « Un mec sympa », « Bonus » ou « Kif », ses « petits polars légers, secs et nerveux, garantis sans prêcha », conçus comme « un vin de soif, gouleyant, à boire frais ». « La seule vraie noblesse de cet artisanat, dit-il encore, c'est d'essayer de produire la moins chiante des lectures possibles. C’est DU boulot, mais jamais ça ne me fait l’effet d’être UN boulot. Mettre un mot après l'autre et voir la gueule que ça a. Joie de l’encre noire. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.Une coédition ARTE Éditions / Points. Enregistrement mai 2023 Mise en ligne 19 juillet 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Lectures Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez Illustration Sylvain Cabot Remerciements Clarisse Le Gardien Production ARTE Radio
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Jul 19, 2023 • 45min

Laurent Chalumeau (2/3)

Fuck fiction Bookmakers #25 - L'auteur du mois : Laurent ChalumeauNé en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset).Se définissant parfois comme « un couteau suisse contrefait », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle.Laurent Chalumeau (2/3)De 1990 à 1995, Laurent Chalumeau signe cinq fois par semaine l’une des séquences les plus vues de l’émission la plus branchée de l’époque : le sketch final de « Nulle Part Ailleurs » sur Canal+. Grâce à Antoine de Caunes et José Garcia, le critique rock qui se rêvait « grantécrivain » crée pour le petit écran des personnages franchouillardement mythiques, tels Didier l'Embrouille, Pine d'huître, Gérard Languedepute ou Raoul Bitembois – ce dernier patronyme résumant bien l’un des sujets principaux des blagues délivrées sur le joyeux plateau animé par Philippe Gildas. L’humour noir, la saleté et le mauvais esprit éclaboussent la téloche, et ça réveille. Au sujet de cette expérience, le comique de l’ombre dira cependant qu’elle fut à la fois « une très bonne école et une malédiction ».Ce que Chalumeau nous explique au cours de ce deuxième épisode, avant de revenir sur ses quatre premiers romans publiés aux éditions Grasset. Son coup d’épée initial au titre provoc’, « Fuck », montre qu’il était possible en 1991 de déconstruire avec rage la culture du viol et la bêtise virile tout en étant un homme hétéro blanc cisgenre amateur de guitares braillardes ; il s’en vendra, tous formats confondus, 30 000 exemplaires.Trois ans après, « Anne Frank 2 : le retour ! », brûlot bizarre sur les compromissions de la Mitterrandie, nous renseigne sur ses indignations. Chalumeau enchaîne avec deux romans de gare imbibés de n’importe nawak (mais pas du tout nuls, par ailleurs), « Neuilly brûle-t-il ? » suivi de « Topodoco ! », et la critique commence à le citer en disciple de Michel Audiard. Le flingueur répliquera, via l’un de ses personnages de scribouillard « au physique de radio » nommé Régis Grognon : « Audiard, Audiard, par moments, on croirait que les gens parlent de Shakespeare. Après, on s’étonne que les téléspectateurs soient ce qu’ils sont. Mais quand leur idée du beau style procède exclusivement d’Audiard, tout s’explique. J’en peux plus d’Audiard. J’en peux plus des intellos qu’aiment pas Audiard. J’en peux plus des gros cons qu’adorent Audiard. J’en peux plus de vos gueules de cons d’Audiard de merde, et je vous jure que si j’entends un mot de plus sur Audiard, j’en bute un au hasard. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.Une coédition ARTE Éditions / Points. Enregistrement mai 2023 Mise en ligne 19 juillet 2023 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Lectures Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez Illustration Sylvain Cabot Remerciements Clarisse Le Gardien Production ARTE Radio

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