
Bookmakers : écrivaines et écrivains au travail
Bookmakers est notre podcast littéraire bimestriel et au fil de ses plus de 100 épisodes, il est devenu une référence. Il vous propose d’écouter les écrivains et les écrivaines détailler leurs secrets d’écriture. C’est le récit d’un récit, les coulisses de fabrication d’un livre majeur dans la carrière d’un auteur ou d’une autrice, qui dévoile sa discipline, son rythme et ses méthodes de travail. C’est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, un personnage ? Où faut-il couper ?Tous les deux mois, Bookmakers écoute les plus grands écrivains et écrivaines d’aujourd’hui raconter, hors de toute promotion, l’étincelle initiale, les recherches, la discipline, les obstacles, le découragement, les coups de collier, la solitude, la première phrase, les relectures… mais aussi le rôle de l'éditeur, de l’argent, la réception critique et publique, le regard sur le texte des années plus tard.Animé par Richard Gaitet, écrivain et homme de radio, le podcast Bookmakers détruit le mythe d’une inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin. Il rappelle que l'écriture est aussi un métier, un artisanat, un beau travail.Bookmakers c’est le podcast d’un lecteur affamé de romans, d’essais, de contes, de poèmes, de pièces de théâtre, de bandes dessinées, de romans policiers, de nouvelles, de scénarios, de chansons, de sketchs, de traduction et qui dévore tous les genres avec gourmandise : fantasy, science-fiction, anticipation, polar, thrillers, aventures, récits de voyage, romans de gare, littérature érotique, épopées, odyssées, best-seller, page turners, chik lit, littérature expérimentale, histoire, roman épistolaire, philosophie, mangas, blogs, drame, autofiction, littérature documentaire, roman naturaliste, littérature jeunesse, fables, romans gothiques, romans d’aventures, roman noir, littérature d’espionnage, journaux intimes, biographies, mémoires, littérature du réel, journalisme gonzo, pamphlets ou littérature de contrainte. Il maitrise aussi l’art de l’interview, du silence, du tempo, de la question que personne n’a vu venir, de celle qu’on n’oserait pas poser, de l’hésitation fructueuse, de la remarque de dernière minute, de l’inspiration, de l’écoute, de la répartie, de l’envolée et du triple saut périlleux, mais toujours avec le sourire.Après avoir écouté Bookmakers, non seulement vous aurez une furieuse envie d’écriture, au point de vous mettre derrière votre clavier, voire de vous acheter un stylo neuf et une ramette de papier, mais vous ferez aussi la fortune de la librairie la plus proche de chez vous et la joie des bibliothécaires du voisinage car vous serez pris d’une irrépressible envie de lecture et vous constituerez chez vous des piles de livres à lire pour plus tard.Avec Bookmakers, Richard Gaitet fera de vous un lecteur ou une lectrice insatiable, un critique littéraire aux arguments aiguisés, un spécialiste capable de repérer les alexandrins cachés dans les paragraphes de prose, un athlète du verbe, un as de la note en bas de page, un corneur de page ou un adepte du marque page, un détenteur d’ex libris, un prescripteur ou une prescriptrice capable d’offrir ou de prêter le livre idéal pour chaque circonstance, un adepte de la citation automatique, un lecteur ou une lectrice qui saura naviguer de Daniel Pennac à Mona Cholet en passant par Chloé Delaume, Alice Zeniter, Justine Niogret, Mohamed Mbougar Sarr, Laura Vazquez, Natacha Appanah, Philippe Jaenada, Constance Debré, Bertrand Belin, Wouajdi Mouawad, Pierre Michon, Nancy Huston, Claude Ponti, Céline Minard, Jakuta Alikavazovic, Andre Markowicz, Laurent Chalumeau, Pierre Christin, Maria Pourchet, Alain Damasio, Nicolas Mathieu, Lola lafon, Dany Laferrière, ou Tristan Garcia.Bref, lecteur et non lecteur, lectrice et non lectrice, écrivain en devenir, autrice en germe, libraire dans l’âme, éditeur ou éditrice en devenir, bibliothécaire ou bibliophile, ce podcast est pour vous, un podcast qui vous chuchote la littérature directement dans vos petites oreilles.
Latest episodes

Sep 17, 2024 • 40min
Pierre Michon (2/3)
L'opuscule majuscule
Bookmakers #31 - L’auteur du mois : Pierre MichonNé en 1945 dans un hameau de la Creuse, Pierre Michon se voit parfois comme « le dernier écrivain du XIXe siècle ». En 1984, il publie ses fameuses « Vies minuscules » aujourd’hui considéré comme un classique, départ d’une œuvre exigeante constituée d’une douzaine de livres brefs portés par son goût des histoires en costumes, où sont peints les malheurs de Van Gogh (« Vie de Joseph Roulin ») ou les « infimes effets » du génie de Rimbaud (« Rimbaud le fils »). Détail : parmi ses protagonistes, il y a toujours un Pierre, un Pierrot, un Piero, un Piotr – ou un Robes/Pierre, comme dans « Les Onze » (2009), récompensé du grand prix de l’Académie française. C’est son « premier soleil ». Un livre vénéré, cent fois commenté, étudié à l’université, qui fête cette rentrée ses quarante étés. Un premier roman devenu classique, à la croisée de Faulkner et de Flaubert, publié par Gallimard en 1984 après deux ans de querelles internes, où un abbé meurt de ses excès, où des paysans s’échinent « près un rameau décharné de glycine » en rêvant d’Afrique ou d’Amérique. « Vies minuscules » de Pierre Michon, c’est l’entrée en littérature du fils de l’institutrice d’un village rural, le « salut » tant espéré d’un lettré tapageur jadis porté sur la bouteille, qui de son propre aveu « se traîna jusqu’à 40 ans à ne rien foutre de ses dix doigts ».Michon se retroussa pourtant les manches pour accoucher de huit petites biographies sur de merveilleux modestes. Un coup de maître selon la critique, longtemps boudé par le public, sans doute refroidi par ces longues phrases pleines de points-virgules et d’imparfait du subjonctif, qui souvent touchent au sublime.Pour ce deuxième épisode, Pierre Michon retourne dans les coulisses de son chef-d’œuvre inaugural, vendus tous formats confondus à 185 000 exemplaires. S’est-il piégé lui-même en démarrant trop fort ? A-t-il été muséifié de son vivant par trop de colloques dithyrambiques consacrés à son œuvre ? Est-il encore hanté par cette phrase de Balzac placée en ouverture d’un de ses livres : « Tu pourras être un grand écrivain, mais tu ne seras jamais qu’un petit farceur » ? Pour le savoir, soulevons l’opercule de cet opuscule majuscule.
Enregistrements juin 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prises de son Mathilde Guermonprez Montage Timothée Lerolle Réalisation, mixage Charlie Marcelet Lectures Timothée Lerolle Musiques originales Samuel Hirsch Batterie, synthétiseurs Ricky Hollywood Illustration Sylvain Cabot Remerciements Yann Potin

Sep 17, 2024 • 52min
Pierre Michon (1/3)
Le roi du bois
Bookmakers #31 - L’auteur du mois : Pierre MichonNé en 1945 dans un hameau de la Creuse, Pierre Michon se voit parfois comme « le dernier écrivain du XIXe siècle ». En 1984, il publie ses fameuses « Vies minuscules » aujourd’hui considéré comme un classique, départ d’une œuvre exigeante constituée d’une douzaine de livres brefs portés par son goût des histoires en costumes, où sont peints les malheurs de Van Gogh (« Vie de Joseph Roulin ») ou les « infimes effets » du génie de Rimbaud (« Rimbaud le fils »). Détail : parmi ses protagonistes, il y a toujours un Pierre, un Pierrot, un Piero, un Piotr – ou un Robes/Pierre, comme dans « Les Onze » (2009), récompensé du grand prix de l’Académie française. Pierre Michon a longtemps cru aux muses qui, depuis l’Antiquité, soufflent aux artistes le vent de l’inspiration. Mais ces divinités furent capricieuses avec ce natif de la Creuse. Écrire l’a longtemps « épuisé ». À chaque fois, il a eu le sentiment de « jouer sa peau », terrorisé que son « don » puisse disparaître. « Le roi vient quand il veut », dit-il : c’est l’image-titre de son brillant recueil d’entretiens sur la littérature (Albin Michel, 2007), le roi personnifiant ici le talent ou plutôt « la Grâce ». Pour lui, l’écrivain⸱e qui bataille tous les jours avec ses personnages, qui s’arrache les cheveux à faire tenir un dialogue, « désacralise la relation à l’écriture », réduite à devenir « aussi ordinaire et triviale que dormir, se nourrir ou pisser ».C’est contre cette idée que s’est construit ce podcast, pour lequel écrire est un artisanat discipliné, qu’il faut documenter, creuser. Il est donc savoureux de commencer cette cinquième saison de « Bookmakers » par une visite au cœur du Limousin, au domicile du maître, à une heure de Châteauroux. Une maladie respiratoire a bouleversé son rythme de travail, désormais plus serein. Du haut de ses 79 ans, le maître nous attend dans sa mansarde, espiègle sous ses atours de « dieu fatigué », un carnet noir à portée de main, son ordinateur cuivré sur les cuisses, bossant sur un mystérieux livre « d’amour ». Nos micros posés au pied de son lit parfumé à la menthe, il sera question, dans ce premier épisode, de la chaînette de Salammbô, d’un arbre qui pousse d’un ventre biblique ou d’un premier roman inachevé en forme de « space opéra mâtiné d’ethnologie » intitulé « Les Grands Dieux ». Dans le ciel et sur la terre, les muses s’amusent.
Enregistrements juin 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prises de son Mathilde Guermonprez Montage Timothée Lerolle Réalisation, mixage Charlie Marcelet Lectures Timothée Lerolle Musiques originales Samuel Hirsch Batterie, synthétiseurs Ricky Hollywood Illustration Sylvain Cabot Remerciements Yann Potin

Jun 19, 2024 • 50min
Laura Vazquez (3/3)
En long, en large et en chemins de traverse
Bookmakers #30 - L'autrice du mois : Laura Vazquez.Née en 1986 à Perpignan, Laura Vazquez écrit des poèmes, parfois peuplés d’êtres minuscules et de corps endommagés, publiés en revues, qu’elle lit depuis le début des années 2010 sur la plupart des scènes poétiques de l’Hexagone, traduits en chinois, anglais, espagnol, portugais, norvégien, néerlandais ou arabe. Son premier roman, « La Semaine perpétuelle », sorti en 2021 aux éditions du sous-sol, est distingué d’une mention spéciale du prix Wepler et vendu à dix mille exemplaires. En 2023, elle obtient – à 36 ans – le Goncourt de la poésie pour « Le Livre du Large et du Long », une « épopée versifiée » de 400 pages, en cinq actes, écoulée à cinq mille exemplaires. Elle vit et travaille à Marseille.Laura Vazquez (3/3)Pour résumer « La Semaine perpétuelle », son premier roman, Laura Vazquez écrit : « On y trouve des fantômes, des insectes, des téléphones, beaucoup de pourriture, le corps mort d’un oiseau, des éponges, des personnes qui n’ont plus beaucoup de dents, de la crème, un veau qui pleure et qui s'endort, des rires du Moyen-âge, des enfants contre des murs, des chiens jumeaux, la douleur en personne, des moines dans la neige, des émojis qui rient aux larmes, des robots, des chansons, des pilules calmantes, parfois dieu, un peu de lumière, une fontaine, des croutes. »Dédiée à son chat, cette « Semaine » dure effectivement une semaine – dans la vie de Salim, un adolescent cloitré dans sa chambre, qui poste des poèmes et disserte sur le monde en direct de sa chaîne YouTube, jusqu’au jour où son inquiétude pour sa grand-mère adorée le force à réintégrer la réalité. Sous ses vidéos, les commentaires s’enchaînent, comme les histoires de cette corne d’abondance de bizarrerie, où les images peuvent blesser, où toute chose possède un esprit.Dans ce troisième et dernier épisode, nous évoquerons aussi l’énigme du « Livre du large et du long », où l’héroïne se coupe un doigt « pour parler à un ami » et pour lequel Laura n’a « pas été loin de perdre la boule » ; sa première pièce de théâtre, « Zéro », une « tragédie lesbienne » à paraître en novembre toujours aux éditions du sous-sol ; ou un autre ouvrage à venir aux éditions sun/sun, inspiré d’une photo du musée Albert-Kahn de Boulogne-Billancourt. Vaste est la Vazquez.
Enregistrement avril-mai 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez et Marine Vlahovic Montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Lectures Samuel Hirsch, Timothée Lerolle, Claire Richard Musiques originales Samuel Hirsch Guitare Raphaël Morel-Novak Illustration Sylvain Cabot Remerciements Jean-Baptiste Imbert, Samuel Leroy-Vergnes Production ARTE Radio

Jun 19, 2024 • 39min
Laura Vazquez (2/3)
De plus en plus réelle
Bookmakers #30 - L'autrice du mois : Laura VazquezNée en 1986 à Perpignan, Laura Vazquez écrit des poèmes, parfois peuplés d’êtres minuscules et de corps endommagés, publiés en revues, qu’elle lit depuis le début des années 2010 sur la plupart des scènes poétiques de l’Hexagone, traduits en chinois, anglais, espagnol, portugais, norvégien, néerlandais ou arabe. Son premier roman, « La Semaine perpétuelle », sorti en 2021 aux éditions du sous-sol, est distingué d’une mention spéciale du prix Wepler et vendu à dix mille exemplaires. En 2023, elle obtient – à 36 ans – le Goncourt de la poésie pour « Le Livre du Large et du Long », une « épopée versifiée » de 400 pages, en cinq actes, écoulée à cinq mille exemplaires. Elle vit et travaille à Marseille.Laura Vazquez (2/3)Entre 2014 et 2021, Laura Vazquez publie ses poèmes surréalistes dans de nombreuses revues, ou sous la forme de plaquettes aux titres étranges : « Défense et illustration de rien », « La vérité n’est pas un problème » ou encore « La compréhension du langage de toutes les créatures y compris les virus ». La plupart figure aujourd’hui dans l’anthologie intitulée « Vous êtes de moins en réels » (Points, 2021), vendue à cinq mille exemplaires, qui ne contient – a priori – pas un gramme d’autobiographie.L’autrice confie : « Quand j’écris, ce n’est pas la personne limitée habituelle, avec mes goûts, mes envies, mes répulsions. Je tente de me débarrasser de toute forme de volonté. Je ne pense pas. Je suis une impression qui dépasse mes pensées. Il y a une vibration. Comme le cœur d’un nourrisson. Je me relis et je me dis : tiens, qui a écrit ça ? Quand je disparais, la réjouissance est extraordinaire. C’est ce que doit ressentir une araignée qui fait bien son travail. »Dans ce deuxième épisode, examinons comment la tarentule qui n’abuse pas des virgules réussit à tisser, sur sa page, l’équilibre entre le sens et la sensation, la logique du rêve, sa pratique de la métrique, les leçons de l’Argentine Alejandra Pizarnik, la revue « Muscle » qu’elle coanime tous les deux mois depuis dix ans, ou ces ateliers d’écriture hebdomadaires qu’elle a lancés sur Facebook, en 2020, avec succès.
Enregistrement avril-mai 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez et Marine Vlahovic Montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Lectures Samuel Hirsch, Timothée Lerolle, Claire Richard Musiques originales Samuel Hirsch Guitare Raphaël Morel-Novak Illustration Sylvain Cabot Remerciements Jean-Baptiste Imbert, Samuel Leroy-Vergnes Production ARTE Radio

Jun 19, 2024 • 50min
Laura Vazquez (1/3)
La main heureuse
Bookmakers #30 - L'autrice du mois : Laura Vazquez.Née en 1986 à Perpignan, Laura Vazquez écrit des poèmes, parfois peuplés d’êtres minuscules et de corps endommagés, publiés en revues, qu’elle lit depuis le début des années 2010 sur la plupart des scènes poétiques de l’Hexagone, traduits en chinois, anglais, espagnol, portugais, norvégien, néerlandais ou arabe. Son premier roman, « La Semaine perpétuelle », sorti en 2021 aux éditions du sous-sol, est distingué d’une mention spéciale du prix Wepler et vendu à dix mille exemplaires. En 2023, elle obtient – à 36 ans – le Goncourt de la poésie pour « Le Livre du Large et du Long », une « épopée versifiée » de 400 pages, en cinq actes, écoulée à cinq mille exemplaires. Elle vit et travaille à Marseille.Laura Vazquez (1/3)Ses poèmes sans rimes parlent de médecins fétichistes, d’un chien cassé, du ciel « taré » ou du poids de la voix dans l’air. Depuis dix ans, Laura Vazquez travaille six jours sur sept en « pliant sa langue » pour atteindre quelque chose « qui la dépasse ». Dans « Le Livre du Large et du Long », elle prête les mots suivants à sa narratrice : « Parfois je me dis, lorsque j’écris je pèle. Pèle une grande forme circulaire transparente, c’est une goutte sans limite, elle flotte dans mon esprit et j’en pèle des couches. Elles tombent comme des épluchures. »Comment expliquer l’aura de Laura Vazquez, qui épluche ses intuitions « en avançant dans la brume » ? Quel a été le parcours de cette fille d’employé·e·s de supermarché, qui a « souvent eu l’impression d’avoir du retard, de devoir lire énormément », et qui cite les grands anciens de la Grèce Antique, Homère, Lucrèce ou Démocrite ? Dans ce premier épisode, l’autrice évoque ses premiers textes (des prières, pour sauver sa grand-mère), sa scolarité hasardeuse, deux années en Espagne où elle gagne sa vie en chantant dans la rue France Gall ou Barbara, ou la sortie en 2014 de son premier livre, « La main de la main » aux éditions Cheyne, auréolé du prix de la Vocation.
Enregistrement avril-mai 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez et Marine Vlahovic Montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Lectures Samuel Hirsch, Timothée Lerolle, Claire Richard Musiques originales Samuel Hirsch Guitare Raphaël Morel-Novak Illustration Sylvain Cabot Remerciements Jean-Baptiste Imbert, Samuel Leroy-Vergnes Production ARTE Radio

Apr 17, 2024 • 53min
Nancy Huston (3/3)
Branchée sur 100 000 virevoltes
Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy HustonNée en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.Nancy Huston (3/3)Pendant vingt ans, Nancy Huston a écrit tous ses textes en français, sa langue d’adoption. Puis – à partir de « Cantique des plaines » (1993), l’intrépide Canadienne s’est remise à écrire directement dans sa langue maternelle, l’anglais, avant… de traduire elle-même en français le roman du moment, avec de très nombreux allers-retours entre les deux versions. Au final, seule la version française parvient à ses éditeurs et éditrices. C’est « deux fois plus de boulot », mais les problèmes rencontrés dans une langue solutionnent ceux rencontrés dans l’autre. « Être dedans-dehors, dit-elle, c'est la position idéale. Si on se confond trop avec sa culture, on ne peut pas se mettre à distance pour l'analyser. »Une tournure d’esprit qu’elle partage avec l’Irlandais Samuel Beckett, désigné comme son « frère » et son « pied » dans un curieux livre hommage, « Limbes / Limbo ». Il sera aussi question d’un autre exilé grandiose, l’auteur de « La Promesse de l’aube », à propos duquel Nancy imagina le très précis « Tombeau de Romain Gary », qui lui montra qu’il fallait « non pas laisser derrière soi deux ou trois livres, mais toute une étagère ».Dans ce troisième et dernier épisode, l’autrice de « La Virevolte » raconte également sa routine quotidienne. « Être seule du matin au soir, ne vivre qu’avec des personnes imaginaires, vous trouvez cela normal ? Les gens normaux vivent dans un monde à trois dimensions. Moi, j’en ai une quatrième. Avec une autre circulation des significations. Si je n’ai pas ma dose de solitude dans la journée, je deviens très malheureuse et méchante. »
Enregistrement mars 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clavecin Thomas Loupias Illustration Sylvain Cabot Remerciements Emma Bouvier, Victoire Tuaillon Production ARTE Radio

Apr 17, 2024 • 54min
Nancy Huston (2/3)
Pleine de cantiques
Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy HustonNée en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.Nancy Huston (2/3)D’après Nancy Huston, « le roman naît de la rencontre de l’autre, qui apporte l’ironie et l’incertitude ». Pour devenir écrivain·e, elle conseille de développer les qualités suivantes : « L’écoute, l’observation, la suspension du jugement. Et puis : une alternance savamment orchestrée entre mégalomanie et modestie. » Elle se compare littérairement à un « serpent » : affamée « des souvenirs des autres », « addict aux êtres humains », cette conteuse hypersensible adore se glisser sous de nouvelles peaux pour « explorer les joies du déguisement », poussée par son « empathie désespérée ».Ce deuxième épisode déambule dans les collines de l’impressionnant corpus hustonien. Sont évoqués son premier roman, « Les Variations Goldberg » (1981), qui permet de revenir sur sa pratique du piano et du clavecin ; la terrible « Histoire d’Omaya » (1985), sur le viol d’une jeune femme ; « Cantique des plaines » (1993), à propos des souffrances amérindiennes dans sa région natale de l’Alberta, vendu à 80 000 exemplaires ; « Une Adoration » (2003), polyphonie judiciaire autour de l’assassinat d’un comédien et dont l’écriture a survécu à un faux-départ ; ou « Francia », roman documenté d’une journée dans la vie d’une prostituée transsexuelle colombienne du bois de Boulogne, 2024). Three, two, one : let’s go to Huston.
Enregistrement mars 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clavecin Thomas Loupias Illustration Sylvain Cabot Remerciements Emma Bouvier, Victoire Tuaillon Production ARTE Radio

Apr 17, 2024 • 51min
Nancy Huston (1/3)
Failles alignées
Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy Huston.Née en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.Nancy Huston (1/3)C’est une Calamity Jane du Canada qui s’installe presque sans un sou à Paris, à 20 ans, avec le besoin « de comprendre, de réparer, de lever l’interdit de la discrétion et de la politesse », en faisant « l’éloge de tout ce qui déstabilise ». Pour ce trentième numéro de « Bookmakers », place à Nancy Huston, cowgirl bilingue « sauvagement honnête » venue des plaines de l’Alberta, « à l’aise dans ses santiags » et pourtant allergique aux chevaux. Féministe historique, elle a « toujours vécu frénétiquement, avec son carnet à la main, des horaires de travail extrêmement stricts et un patron intérieur incroyablement sévère ».Dans ce premier épisode, elle revient sur l’événement de son enfance qui l’a « ébréchée » au point d’écrire si souvent des histoires de familles déboussolées, meurtries, recomposées. Sur son personnage-totem : Alice au pays des merveilles. Sur les leçons du redouté Roland Barthes, sous la direction duquel elle écrivit un mémoire sur les insultes. Ou sur les revues « Sorcières » et « Histoires d’elles », dans lesquelles elle publia ses premiers textes, qui « fourmillaient de calembours ».
Enregistrement mars 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clavecin Thomas Loupias Illustration Sylvain Cabot Remerciements Emma Bouvier, Victoire Tuaillon Production ARTE Radio

Feb 21, 2024 • 46min
Wajdi Mouawad (3/3)
Là-haut sur La Colline
Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi MouawadNé en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.Wajdi Mouawad (3/3)Outre ses propres textes, Wajdi Mouawad adapta sur scène, ces trente dernières années, « Macbeth » sur un parking de nuit, les épopées galactiques de la saga « Fondation » d’Isaac Asimov, les dépendances toxiques du roman « Trainspotting » d’Irvine Welsh ou l’intégrale des tragédies de Sophocle. Parallèlement, l’auteur de « Tous des oiseaux » arpenta en solitaire les territoires du roman. D’abord avec « Visage retrouvé » (2002), sur son enfance libanaise, vendu à 13 000 exemplaires. Puis avec « Anima » (2012), enquête américaine sur un meurtre raconté durant 500 pages du point de vue de dizaines d’animaux (canari, mouche, fourmi, cheval), écoulé à 82 000 exemplaires et sacré du grand prix de la Société des Gens De Lettres.Mais quelles différences fait-il avec son écriture théâtrale ? Changer de forme, de support, est-ce la façon la plus simple de se renouveler ? Car le sujet le hante. En 2002, dans sa pièce intitulée « Rêves », le héros se faisait reprocher par le fantôme de Lautréamont de « toujours réécrire ce qu’il sait déjà écrire ». En 2005, en interview, Wajdi se demandait : « Comment ne pas être le touriste de sa propre création ? » En 2010, dans son livre « Le poisson-soi », il notait : « Je voudrais tellement ne plus avoir à dire Je. Ne plus m’occuper de rien. Que quelqu’un dise Il pour moi. Qu’on me débarrasse. » Comment renaître, artistiquement, sans se tuer ? C’est la question finale, ou presque, de ce troisième et dernier acte, dans lequel le directeur de La Colline évoque en détails la vie économique d’un auteur de théâtre, c’est-à-dire : la monnaie de ses pièces.
Enregistrement janvier 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clarinette Paul Laurent Lectures Sabine Zovighian Illustration Sylvain Cabot Remerciements Alice Zeniter, Joseph Hirsch Production ARTE Radio

Feb 21, 2024 • 50min
Wajdi Mouawad (2/3)
Inflammation du verbe dire
Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi MouawadNé en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.Wajdi Mouawad (2/3)Rideau sur le chagrin. Les pièces de Wajdi Mouawad démarrent souvent par la mort. Celle de sa mère, que l’auteur perdit à 19 ans, dans « Mère » (2021). Celle de la grand-mère dans « Pacamambo », troublant spectacle pour enfants (2000). Celles des victimes de l’explosion du port de Beyrouth en 2020, qui ouvrait – en vidéo – les six heures de « Racine carrée du verbe être » (2022). Ou encore celle de l’inoubliable Nawal dans « Incendies », dont l’édition papier se vendit à plus de 100 000 exemplaires et dont Wajdi Mouawad raconte, ici, le brasier originel.Comment écrire pour la scène ? Qu’apporte la troupe aux personnages ? À quoi sert une didascalie ? À quoi correspond l’état « d’hypnose » dans lequel il se met pour accoucher de ses monologues finaux ? C’est l’enjeu de notre acte deux, en compagnie d’un graphomane à lunettes qui déclara un jour : « La mise en scène, ça me gonfle. C’est compliqué, il faut gérer une chaise qui doit sortir et une chaise qui doit rentrer. C’est lourd, pénible. Si je trouvais un metteur en scène qui pouvait entrer dans ma tête pour monter mes pièces, je ne ferais plus de mise en scène. Mais je n’ai pas trouvé encore. Alors, à défaut, je les monte moi-même, mes pièces. Ce que j’aime, c’est raconter des histoires. »
Enregistrement janvier 2024 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Juliette Cordemans Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Clarinette Paul Laurent Lectures Sabine Zovighian Illustration Sylvain Cabot Remerciements Alice Zeniter, Joseph Hirsch Production ARTE Radio
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