
Bookmakers : le making-of de la littérature
Lecture, écriture, style : Bookmakers est un podcast littéraire qui propose d’écouter les écrivains et les écrivaines détailler leurs secrets d’écriture. C’est le récit d’un récit, les coulisses de fabrication d’un livre majeur dans la carrière d’un auteur ou d’une autrice, qui dévoile sa discipline, son rythme et ses méthodes de travail. C’est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, un personnage ? Où faut-il couper ? Tous les deux mois, Bookmakers écoute les plus grands écrivains et écrivaines d’aujourd’hui raconter, hors de toute promotion, l’étincelle initiale, les recherches, la discipline, les obstacles, le découragement, les coups de collier, la solitude, la première phrase, les relectures… mais aussi le rôle de l'éditeur, de l’argent, la réception critique et publique, le regard sur le texte des années plus tard. Animé par Richard Gaitet, écrivain et homme de radio, le podcast Bookmakers détruit le mythe d’une inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin. Il rappelle que l'écriture est aussi un métier, un artisanat, un beau travail. Bookmakers c’est le podcast d’un lecteur affamé de romans, d’essais, de contes, de poèmes, de pièces de théâtre, de bandes dessinées, de romans policiers, de nouvelles, de scénarios, de chansons, de sketchs, de traduction et qui dévore tous les genres avec gourmandise : fantasy, science-fiction, anticipation, polar, thrillers, aventures, récits de voyage, romans de gare, littérature érotique, épopées, odyssées, best-seller, page turners, chick lit, littérature expérimentale, histoire, roman épistolaire, philosophie, mangas, blogs, drame, autofiction, littérature documentaire, roman naturaliste, littérature jeunesse, fables, romans gothiques, romans d’aventures, roman noir, littérature d’espionnage, journaux intimes, biographies, mémoires, littérature du réel, journalisme gonzo, pamphlets ou littérature de contrainte. Il maitrise aussi l’art de l’interview, du silence, du tempo, de la question que personne n’a vu venir, de celle qu’on n’oserait pas poser, de l’hésitation fructueuse, de la remarque de dernière minute, de l’inspiration, de l’écoute, de la répartie, de l’envolée et du triple saut périlleux, mais toujours avec le sourire. Après avoir écouté Bookmakers, non seulement vous aurez une furieuse envie d’écriture, au point de vous mettre derrière votre clavier, voire de vous acheter un stylo neuf et une ramette de papier, mais vous ferez aussi la fortune de la librairie la plus proche de chez vous et la joie des bibliothécaires du voisinage car vous serez pris d’une irrépressible envie de lecture et vous constituerez chez vous des piles de livres à lire pour plus tard.Avec Bookmakers, Richard Gaitet fera de vous un lecteur ou une lectrice insatiable, un critique littéraire aux arguments aiguisés, un spécialiste capable de repérer les alexandrins cachés dans les paragraphes de prose, un athlète du verbe, un as de la note en bas de page, un corneur de page ou un adepte du marque page, un détenteur d’ex libris, un prescripteur ou une prescriptrice capable d’offrir ou de prêter le livre idéal pour chaque circonstance, un adepte de la citation automatique, un lecteur ou une lectrice qui saura naviguer de Daniel Pennac à Mona Cholet en passant par Chloé Delaume, Alice Zeniter, Justine Niogret, Mohamed Mbougar Sarr, Laura Vazquez, Natacha Appanah, Philippe Jaenada, Constance Debré, Bertrand Belin, Wouajdi Mouawad, Pierre Michon, Nancy Huston, Claude Ponti, Céline Minard, Jakuta Alikavazovic, Andre Markowicz, Laurent Chalumeau, Pierre Christin, Maria Pourchet, Alain Damasio, Nicolas Mathieu, Lola lafon, Dany Laferrière, ou Tristan Garcia.Bref, lecteur et non lecteur, lectrice et non lectrice, écrivain en devenir, autrice en germe, libraire dans l’âme, éditeur ou éditrice en devenir, bibliothécaire ou bibliophile, ce podcast est pour vous, un podcast qui vous chuchote la littérature directement dans vos petites oreilles.
Latest episodes

Jun 5, 2025 • 48min
Nathacha Appanah : L’apanage du pied de biche (3/3)
À ses débuts, Nathacha Appanah croyait que « l’écriture est une île ». Elle prendra vite conscience des « bourrasques extérieures » d’une existence dédiée à « travailler sur la langue, sans étouffer sa géopolitique ». Pour elle, « l'inspiration, c’est comme l'amour, ça se nourrit, ça s'assèche, ça prend des tournures auxquelles on ne s’attendait pas. » Or, après quatre premiers romans publiés entre 2003 à 2007, l’autrice d’« En attendant demain » traverse huit ans de doutes, sans ajouter une ligne à sa bibliographie. Nathacha, hôtesse de son art, s’est formée seule, en interrogeant parfois consœurs et confrères, pour comprendre comment « construire un texte qui serait visible de loin : de la complexité à l’envers, de la simplicité à l’endroit ».Sa simplicité subtile s’exprime pleinement dans « Rien ne t’appartient » (Gallimard, 2021), plongée dans l’enfer moral d’une pension pour « filles gâchées », qu’elle mit seize ans à écrire, après des frissons dans la jungle d’un reportage au Sri Lanka. Focalisées sur la trajectoire d’une jeune femme à qui la société veut interdire de danser, de rire ou d’aimer à gorge déployée, ces 173 pages, écoulées à 30 000 exemplaires, ont de quoi faire pousser des frangipaniers dans l’œil des autorités religieuses de toute obédience. Avec cette certitude : les mots « ont le pouvoir du pied de biche ou du marteau : celui d’ouvrir les narrations closes ». Dans ce troisième et dernier épisode, Nathacha Appanah lève aussi une part du voile sur ce mystérieux conclave de Saint-Germain-des-Prés : le comité de lecture de Gallimard.L’autrice du mois : Nathacha AppanahNée en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon.
Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon

Jun 5, 2025 • 1h 2min
Nathacha Appanah : Cantiques de nos violences (2/3)
« La littérature ressemble à un labyrinthe rempli des bruits que font les histoires qui n’ont pas été racontées », clame Nathacha Appanah dont le premier roman, « Les rochers de Poudre d’Or », sort l’année de ses 30 ans (Gallimard, 2003). Un premier tour de piste qui résonne comme un tour de force, pour évoquer les malheurs méconnus de centaines de milliers d’Indiens et d’Indiennes venu(e)s chercher fortune dans les Antilles ou sur l’île Maurice, et n’y récoltant qu’un travail forcé dans les champs des colons. L’ouvrage reçoit le prix RFO et se vendra, au fil des années, à vingt mille exemplaires.Prolifique et, dit-elle, « sentimentale », celle dont les ouvrages dépassent rarement deux cents pages veut « prendre des risques de livre en livre », dans le fond comme dans la forme. Ce deuxième épisode aborde la tragédie passionnelle de « Blue Bay Palace » (2004), l’amitié initiatique du « Dernier frère » (2007, L’Olivier) ou le brutal récit choral de « Tropique de la violence », sur l’extrême précarité des mineurs isolés de Mayotte, 101e département français où l’autrice vécut deux ans. Vendu à 130 000 exemplaires, adapté au cinéma, au théâtre et en bande dessinée, ce roman reste la référence littéraire pour comprendre ce territoire malmené de notre République. « J’ai toujours peur que les mots m’échappent », dit pourtant celle dont le patronyme contient trois h, comme autant de haches aptes à trancher les clichés.L’autrice du mois : Nathacha AppanahNée en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon.
Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon

Jun 5, 2025 • 58min
Nathacha Appanah : Style Maurice (1/3)
« Au détour d’une route », Nathacha Appanah a fait surgir de « l’horizon flou » de son pays natal des fleurs couleur de feu et des personnages décidés à faire mentir leur destin. D’abord journaliste, elle quitte Maurice pour Grenoble en 1998 et dira à la revue XXI : « Dans les rédactions, j’étais la seule à être née à l’étranger. Certains de mes responsables s’étonnaient de la qualité de mon travail, de ma maîtrise du français. Il n’était pas rare que je sois assimilée à une figure de carte postale, à une "fille des îles" – avenante, bonne cuisinière mais pas très maligne (…) Je croisais les personnes à la peau foncée tôt le matin, dans le métro, dans le bus, je les entrevoyais dans les cuisines des restaurants, dans les cages d’escalier. J’avais du mal à me défaire de cette impression que nous étions cantonnés aux marges de la société. »C’est pourtant la marge qui fait tenir les pages, comme disait Godard. Dans ce premier épisode, Nathacha Appanah raconte sa passion « de groupie » pour Albert Camus ou sa pratique assidue, adolescente, de la course à pied… comparable à l’écriture en termes d’endurance, de souffle et de virages à négocier. « J’ai toujours aimé courir, confia-t-elle à L’Express. Démarrer plus vite que son ombre, sprinter de bout en bout, ne rien lâcher, finir par terre s’il le faut. Peu de choses, à la télé, m’émeuvent autant qu’un relais 4×100 mètres. Avant le départ, j’ai le cœur qui s’emballe, les mains moites, je plisse les yeux, j’oublie de respirer. Comment maintenir le feu dans les jambes, la précision de l’esprit ? » C’est toute la question de cette interview-marathon. Trois, deux, un, restez !L’autrice du mois : Nathacha AppanahNée en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon.
Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon

Mar 26, 2025 • 57min
Daniel Pennac : Vercors à corps (3/3)
Vercors à corps
Pennac, on l’a vu dans le Vercors. En train de tirer à l’arc ou de s’enfermer pour écrire dans sa cabane de moyenne montagne. « Seul avec moi-même dans le travail, à l’intérieur de la langue, c’est une bataille. Quand ça ne sort pas, c’est désespérant, de l’ordre de la constipation mentale. » Ce troisième et dernier épisode montre comment, après plus de cinquante livres, la flèche qui pointe au bout de ses « doutes proliférants » – les couacs de Pennac – finit toujours par atteindre le centre de la cible. En s’attardant sur « Journal d’un corps », publié en 2012 et vendu à 340 000 exemplaires, roman inouï dans lequel un homme toute sa vie « cultive l’art de regarder » les évolutions de sa chair, de sa santé, de ses tripes. En se faufilant dans le trou de souris du scénario d’« Ernest & Célestine », ce film d’animation sublime réalisé la même année par Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar d’après les albums illustrés de Gabrielle Vincent, récompensé à Cannes et aux Césars, qui enchanta 800 000 spectateurs en salles. Ou en parcourant ce drôle d’objet sorti en octobre 2024, « Mon assassin », sur l’origine de ses personnages, qui a déjà séduit soixante mille fans. Sans peine et sans trac !L'auteur du mois : Daniel PennacNé à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri.RemerciementsBlandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera.
Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot

Mar 26, 2025 • 50min
Daniel Pennac : le grand marchand de prose (2/3)
Le grand marchand de prose
C’est l’histoire pétaradante d’une famille de Belleville aux parents absents, d’une tribu débraillée de sapajous qui crèche dans une ancienne quincaillerie riche en dingueries rue de la Folie-Regnault. Au cœur battant de ce bazar : Benjamin Malaussène, qui veille sur six frères et sœurs (Louna, Thérèse, Clara, Jérémy, Verdun et « Le Petit », né·e·s d’une mère voyageuse et d’un père inconnu à chaque fois différent), sur le chien Julius à l’odeur insupportable, sur son neveu et sa nièce (Maracuja et « C’est Un Ange »), avant d’être père lui-même – grâce à la jolie Julie – d’un bambin tout simplement baptisé « Monsieur Malaussène ».Malicieuse et sans gêne mais jamais malsaine, la bienheureuse smala Malaussène, née du cerveau-hamac de Daniel Pennac, fête cette année ses 40 piges, depuis la sortie en 1985 d’un premier tome affamé, « Au bonheur des ogres », dans la légendaire Série Noire de Gallimard, qu’il quittera pour la collection « Blanche » suite au succès de « La petite marchande de prose », sacré du prix du Livre Inter 1990. Dans ce deuxième épisode, « Bookmakers » vous ouvre les coulisses d’une commedia dell’arte authentiquement populaire de deux mille pages, « vraisemblablement » terminée en 2022 avec « Terminus Malaussène », pour savoir ce que ce grand marchand de prose avait « dans le cigare » au moment d’enfanter de tels zouaves. En scène, les Malaussène !L’auteur du mois : Daniel PennacNé à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri.RemerciementsBlandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera.
Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot

Mar 26, 2025 • 54min
Daniel Pennac : un passé carabiné (1/3)
Passé carabiné
Élève Pennac, au tableau ! Montez sur l’estrade et récitez-nous la leçon de votre vie : celle du cancre absolu à la mémoire de gruyère, du dernier de la classe nul en calcul comme en orthographe, qui fut « sauvé » par une poignée de professeurs autant que par son talent pour « l’affabulation », le mythe du petit menteur provençal qui devint – vingt-cinq ans durant – un prof de français à l’écoute des « ados en péril » doublé d’un écrivain prolifique parmi les plus lus de son pays. Contez-nous en vrac, comme à la fin de votre essai « Chagrin d’école » (prix Renaudot 2007, vendu à 1,2 million d’exemplaires), comment « une hirondelle assommée est une hirondelle à ranimer ».Dans ce premier épisode, l’auteur de « La fée carabine » revient sur le « salopard » qui lui inspira l’enseignant si sévère des aventures collégiennes de « Kamo » (1991-1992), sur le braquage d’un coffre-fort qui l’envoya en pension, sur le livre qui lui fut providentiellement « commandé » en classe de troisième, sur son premier ouvrage publié à 29 ans, en 1973 (une attaque contre le « virilisme débile » du service militaire) ou sur ses deux romans jamais réédités de « politique burlesque » imaginés avec le Roumain Tudor Eliad. Sortez les cahiers : place à la masterclass du jeune octogénaire aux « lunettes de Geppetto », à l’heure de ChatGPT.L’auteur du mois : Daniel PennacNé à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri.RemerciementsBlandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera.
Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot

Jan 29, 2025 • 41min
Justine Niogret : viser juste (3/3)
Viser juste
Sa parole est tranchante et son regard, lucide. À la sortie en 2018 aux éditions du Seuil du « Syndrome du varan », son premier livre de littérature « générale », Justine Niogret disait : « C'est que dalle de tuer un dragon avec une épée. Ça l'est beaucoup moins d'essayer d'être heureuse. Tuer un berserker, ces guerriers fauves et surpuissants que l’on trouve dans les grands manuscrits de la mythologie nordique, ce n'est souvent que la première épreuve ; la véritable histoire commence après. Tuer une partie de soi pour avancer, c'est bien pire. Je les ai tués, mes dragons. »Dans cet inoubliable roman « post-traumatique » de 180 pages, l’autrice raconte le cauchemar quotidien d’une fille qui subit, de la part de ses parents et jusqu’à ses 17 ans, négligences et maltraitances, famine et humiliations, violences physiques, sexuelles et psychologiques. « L’angoisse et la méfiance » deviennent alors ses « états naturels » ; « J’ai fait ma guerre, et elle a été longue. » En résulte cette pierre de colère froide, semblable aux grands lézards indonésiens, à propos de laquelle l’écrivaine Chloé Delaume affirma : « Récit d’une enfance saccagée, où la puissance de l’écriture fait acte de résilience. » Justine Niogret pense presque toujours que les mots, quand ils sont dits, sont « lourds et maladroits – comme des dindons, face aux rapaces et aux aigrettes que sont les mots écrits. Ce silence de réflexion, elle le trouve « totalement dénué d’agressivité, d’ego, de masques et de preuves à apporter » ; tout ce qu’elle reproche à l’oral.Quand elle était petite, elle voulait être « exploratrice » mais à l’époque, elle a eu « un immense chagrin en comprenant que tout était déjà cartographié ». Dans ce troisième et dernier épisode, nous sentirons pourtant combien ses mondes semblent infinis. En parcourant les mangroves de « Bayuk », ce roman d’aventures pour ados publié en 2022 aux éditions 404, en traversant l’éprouvante banquise de « Quand on eut mangé le dernier chien », sorti en 2023 aux éditions Au Diable Vauvert et vendu à 4000 exemplaires, ou en attendant sa version de l’histoire de Calamity Jane, focalisée sur la femme oubliée derrière la légende héroïque. De jour comme de nuit, Justine vise juste.L’autrice du mois : Justine NiogretNée à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper.
Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot

Jan 29, 2025 • 49min
Justine Niogret : chien de la castagne (2/3)
Chien de la castagne
C’est une mercenaire redoutable de 24 ans, incorruptible et loyale, « au museau aussi noir que celui des bêtes », qui pour ses faits d’armes « se fait payer en lits d’auberge, en nourriture, en contes aussi ». La première héroïne inoubliable de Justine Niogret se fait appeler « Chien du heaume » et donne son titre à son premier roman publié, sorti aux éditions Mnémos en 2009. Une mercenaire en quête d’identité, dont la hache de guerre est logée dans le creux de ses reins, qui loue son bras au plus offrant et choisit ses missions au gré de routes dans un XIIe siècle français de boue, de sang et de pluie drue. Dans un monde idéal, ce bouquin lyrique et brutal aurait déjà été adapté en série télévisée pour devenir notre « Game of Thrones » hexagonal, cependant dénué de magie.Comme son alter-go, Niogret confesse avoir « une grande rage intérieure – et beaucoup d'espoir aussi ». Elle ne croit pas « aux dragons, aux boules de feu et aux méchants sorciers. Plutôt : « au désir, à la foi, aux morts au combat qui retrouveront leur famille au paradis. » Cette fable initiatique moyenâgeuse se vendit tous formats confondus à 13 000 exemplaires et eut une suite en 2011, intitulée « Mordre le bouclier ». Un troisième roman de fer et de fracas, « Mordred », sur l’assassin du roi Arthur, publié en 2013 et vendu à 2500 exemplaires, boucla la boucle de sa ceinture de cuir. Dans ce deuxième épisode consacré à l’art « cru » de Justine Niogret, il sera aussi question de son écriture « de premier jet, sans plan, jamais relue », d’un ignoble cheval-araignée tiré de son roman « Gueule de truie » (Critic, 2013), de la joie des jeux de rôle qu’elle fut l’une des rares femmes en France à pratiquer dès les années 90, de sa pratique de la forge, de sa cotte de mailles ou d’un insupportable casque de gladiateur romain. Avé Justine !L’autrice du mois : Justine NiogretNée à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper.
Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot

Jan 29, 2025 • 48min
Justine Niogret : fuir les loups sous l'orage (1/3)
Fuir les loups sous l’orage
Frappez tambours et sonnez trompettes, damoiselles et damoiseaux ! En l’an de grâce 2025, il n’est point trop tôt pour ériger, de son vivant, dans quelque forêt de Bretagne, une statue à l’effigie de Justine Niogret. Dans le castelet de ses 45 ans, déjà neuf romans, une cinquantaine de nouvelles, des scénarios de jeux de rôles, des traductions de jeux de plateau ou une biographie de son fantastique maître horrifique Stephen King. « J’écris beaucoup de choses hostiles, souvent champêtres, avec des menaces, de l’effort et des personnages fiers de leurs cicatrices », dit celle qui se décrit parfois comme « une horrible geek de la plus belle eau ». Mais comment cette grande myope obsédée par les Vikings façonne-t-elle ses univers de cauchemar ?Dans ce premier épisode consacré aux origines du « petit ogre » du Finistère, arpentons les couloirs hantés de sa tour sombre, où errent à grand bruit les cavaliers du « Seigneur des Anneaux », où bave un saint-bernard enragé, où résonnent ses sonnets enfantins sur les guerres napoléoniennes ou les déboires sentimentaux de la série « Madame est servie » qui lui inspira une pièce de théâtre. Comment naquirent les inquiétantes nouvelles d’« Et toujours le bruit de l’orage » (2008), rééditées sous le titre « Vers le pays rouge » (éditions Rivière Blanche) ? Gagner sa vie dans sa jeunesse à coudre des vêtements du Moyen-Âge est-il un atout pour, ensuite, tricoter des récits de chevalerie ? Place au paladin Justine Niogret, revigorant archer verbal que nul·le, désormais, ne saurait ignorer.L’autrice du mois : Justine Niogret Née à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper.
Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot

Nov 27, 2024 • 41min
Mona Chollet : une workaholic plus très anonyme (3/3)
Une workaholic plus très anonyme
Cheffe d’édition au « Monde Diplomatique » de 2007 à 2022, Mona Chollet se décrit – avec euphémisme – comme « plutôt consciencieuse ». Interrogée par « Femme Actuelle », la journaliste explique : « L’aspect robotique du salariat me convenait très bien. Tout comme cette logique rassurante de l’effort récompensé : je me savais le droit de profiter de mes week-ends. » Or, quand le succès de ses livres lui permet de se libérer de cet emploi quotidien, c’est la panique à bord, sur laquelle s’ouvre son dernier essai, « Résister à la culpabilisation » (La Découverte, 2024). Ce « bulldozer » cérébral ajoute : « J’avais oublié l’autonomie. Je m’étais habituée à ce qu’on me dise tous les matins où aller, quoi faire et jusqu’à quelle heure. Organiser soi-même ses journées provoque un grand désarroi. Je me forçais à travailler huit heures par jour et le week-end, pour ne pas me laisser aller (…) Se tuer au travail, faire totalement abstraction de son bien-être, se révèle bien vu. »Bien vu, son propos l’est aussi. Avec un premier tirage de 70 000 exemplaires, « le nouveau Mona Chollet », pour lequel elle refuse les invitations à parler en public, figure déjà parmi les dix meilleures ventes de l’automne. Son livre n’aborde pas seulement la question du sacrifice en entreprise ; parmi ce qu’elle recense comme des « empêchements d’exister », Chollet dissèque les discours misogynes, la mise en accusation des victimes de violences sexuelles, les injonctions éducatives, ou encore « le flicage des mots et des pensées » au sein des sphères militantes.Suivie par 92 000 abonné·e·s sur X, Mona Chollet définit parfois son rapport à l’écriture comme « une drogue en soi, une porte dérobée dans l’horreur de l’époque ». Pour ce troisième et dernier épisode, ouvrons celle du petit bureau – monastique – de la Mona, qui continue de rêver d’une pièce plus grande « dont la fenêtre resterait éclairée jusqu’à une heure avancée de la nuit, pour y faire naître des livres ». L’autrice du mois : Mona CholletNée à Genève en 1973, « obsédée par le fait de lire, de s’informer et de changer le monde », la journaliste suisse Mona Chollet est devenue pour toute une génération de féministes un modèle d’intelligence, de sensibilité et de précision. Depuis le début des années 2000, via une dizaine d’essais érudits (« Beauté fatale », « Sorcières », « Réinventer l’amour »), elle analyse remarquablement les mécanismes de domination (masculine, capitaliste, professionnelle – ou les trois à la fois), en partageant son admiration pour la poésie de Mahmoud Darwich ou la prose engagée de Susan Sontag, pour les séries « Mad Men » ou « La Fabuleuse Madame Maisel », le tout entremêlé de confidences personnelles ou tirées de son cercle d’amies. Elle vit et travaille à Paris.
Enregistrements septembre 2024 Réalisation Charlie Marcelet Mixage Charlie Marcelet Illustration Sylvain Cabot Chant, beatmaking Élodie Milo Musiques originales Samuel Hirsch Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Delphine Saltel Production ARTE Radio