Alertes à la bombe. La prolifération nucléaire face aux incertitudes américaines
Feb 25, 2025
auto_awesome
Dans cet échange passionnant, Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, et Héloïse Fayet, chercheuse à l'IFRI, examinent les enjeux contemporains de la prolifération nucléaire. Ils discutent de l'impact de l'invasion de l'Ukraine sur la dynamique des arsenaux nucléaires et des défis que posent les ambitions nucléaires de la Corée du Nord. L'importance des garanties américaines et les conséquences du désarmement pour les alliés européens sont également abordées, tout comme la nécessité d'une coopération renforcée entre nations face à ces incertitudes globales.
La prolifération nucléaire en Europe est exacerbée par l'incertitude des garanties de sécurité américaines et un changement de position sur le sujet par certains pays, comme l'Allemagne.
L'invasion de l'Ukraine a révélé les failles des garanties de sécurité, poussant des États comme la Corée du Sud et le Japon à envisager des options nucléaires nationales.
Les relations complexes entre nations nucléaires et non nucléaires en Europe soulignent la nécessité d'une collaboration en matière de dissuasion nucléaire face aux menaces croissantes.
Deep dives
La montée des menaces nucléaires en Europe
La prolifération nucléaire est devenue un sujet brûlant en Europe, notamment avec des déclarations récentes de leaders tels que le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, exprimant le besoin d'une sécurité nucléaire partagée. Cette évolution indique une rupture radicale par rapport à des positions antérieures où l'Allemagne évitait d'aborder le sujet nucléaire. Les tensions croissantes dues à la rhétorique de l'administration Trump et l'incertitude entourant la garantie de sécurité américaine incitent plusieurs pays européens à reconsidérer leur stratégie de défense. Les inquiétudes se sont intensifiées suite à des événements comme la Conférence de Munich, qui a signalé une remise en question des engagementsUS dans le cadre de l'OTAN.
La dynamique de la prolifération parmi les grandes puissances
La conversation actuelle sur la prolifération nucléaire montre que la Chine est le seul État reconnu doté de l'arme nucléaire qui augmente activement son arsenal, maintenant entre 500 et 600 têtes nucléaires. Pendant ce temps, les États-Unis et la Russie restent en phase de renforcement de leurs capacités nucléaires, effaçant ainsi les avancées vers le désarmement qui avaient caractérisé les années précédentes. Avec l'expiration du traité New START prévu en 2026, une nouvelle dynamique de prolifération pourrait émerger, laissant entrevoir des tensions supplémentaires. Ces évolutions pourraient affecter la stabilité du système mondial de non-prolifération qui était en place depuis la fin de la Guerre froide.
Les implications de la guerre en Ukraine sur la prolifération
La guerre en Ukraine a souligné les limites des garanties de sécurité, incitant certains pays à réévaluer leur position sur les armes nucléaires. L'Ukraine, qui a renoncé à son arsenal nucléaire après avoir signé le mémorandum de Budapest, illustre comment des garanties peuvent s'effondrer face à l'agression d'une puissance nucléaire. Ce contexte pourrait pousser d'autres États à envisager le développement de leurs propres capacités nucléaires en réponse à des voisins hostiles. Les pays comme la Corée du Sud et le Japon, observant la montée de la menace nord-coréenne et chinoise, commencent à débattre ouvertement de leurs propres options nucléaires.
Les défis de la dissuasion élargie en Europe
Les pays européens, face à un désintérêt croissant des États-Unis, se trouvent dans une situation délicate concernant la dissuasion nucléaire. Les attentes d'une garantie nucléaire fiable de la part des alliés américains sont mises en question, ce qui incite certains pays à explorer des alternatives locales ou régionales, telles que la collaboration avec les forces nucléaires françaises ou britanniques. Cependant, des préoccupations demeurent quant à la capacité de ces nations à réellement servir de substitut efficace à la protection des États-Unis, qui demeure la pierre angulaire des stratégies de dissuasion en Europe. La nécessité d'une conversation sur la réassurance est donc de plus en plus pressante dans le contexte actuel.
Les mouvements stratégique en Asie
La montée des capacités nucléaires de la Chine ainsi que les inquiétudes suscitées par la Corée du Nord poussent des pays tels que le Japon et la Corée du Sud à reconsidérer sérieusement leurs choix stratégiques. Ces pays, malgré leurs engagements envers le désarmement, envisagent de potentielles alternatives nucléaires pour contrer la menace croissante dans la région. Il existe une pression croissante parmi les politiciens sud-coréens pour redévelopper des capacités nucléaires, où le sentiment croissant est que l'option américaine pourrait ne pas être suffisante. En parallèle, le sentiment anti-nucléaire historique en Japon connaît une évolution, le débat s'intensifiant autour de la nécessité de garantir leur sécurité face aux menaces potentielles.
La complexité des relations nucléaires entre les alliés européens
Le débat sur la dissuasion nucléaire en Europe met en lumière les tensions liées aux relations entre les nations nucléaires comme la France et le Royaume-Uni et leurs alliés non nucléaires. Alors que certains pays aspirent à bénéficier de garanties nucléaires élargies, la France privilégie une dissuasion autonome qui pourrait ne pas répondre aux inquiétudes croissantes des partenaires européens. L'idée de partager le fardeau de la dissuasion nucléaire avec l'Allemagne ou d'autres nations est confrontée à des défis pratiques et politiques, notamment en ce qui concerne le contrôle et le soutien logistique. En conséquence, les discussions sur une collaboration européenne en matière de défense nucléaire sont de plus en plus pertinentes.
Un podcast associé au Rubicon et produit en partenariat avec le Centre des études de sécurité de l’IFRI et avec le soutien de la DGRIS du Ministère des Armées.