Le wokisme est-il une nouvelle religion? Entretien avec le philosophe Jean-François Braunstein, professeur émérite à la Sorbonne
Jun 15, 2023
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Jean-François Braunstein, professeur émérite à la Sorbonne, remet en question le wokisme en le qualifiant de nouvelle religion. Il partage son expérience de 'mort sociale' suite à ses critiques sur la théorie du genre. Le philosophe établit des parallèles entre le wokisme et le maoïsme, en révélant un dogmatisme et une intolérance similaires. Il aborde aussi les dilemmes éthiques entourant la dignité humaine et la consommation de viande, soulevant des questions contemporaines sur les identités de genre et la déconnexion entre idéologie et réalité vécue.
Jean-François Braunstein critique le wokisme comme une idéologie nouvelle se comportant comme une religion, imitant les rituels et dogmes religieux passés.
L'influence croissante de la théorie du genre dans les institutions médicales pose des questions éthiques complexes sur les soins adaptés aux adolescents en détresse.
Braunstein met en lumière la pression sociale dans le milieu académique, qui empêche la remise en question des idées dominantes et nuit à la pensée critique.
Deep dives
L'adolescence et la question de la transidentité
L'adolescence est une période difficile marquée par des questionnements sur la sexualité et l'identité. Des dispositifs tels que des cliniques de changement de genre attirent l'attention des jeunes en quête d'identité, mais les critiques soulignent que ces approches peuvent être nuisibles. Par exemple, l'invitation d'une association trans dans une école prestigieuse à Paris pour affirmer que les enfants mal dans leur peau pourraient être transgender est jugée irresponsable. Beaucoup d'adolescents souffrent de mal-être, et leur rediriger vers une identité de genre peut avoir de graves conséquences psychologiques, allant à l'encontre des soins adaptés souhaités à cette stade de leur développement.
Critique de la théorie du genre
Jean-François Bronstein, critique virulent de la théorie du genre, remarque que les institutions académiques et médicales semblent abandonner une approche scientifique objective pour embrasser des doctrines idéologiques. Il fait référence à des psychologues et médecins qui, au lieu de séparer les réalités biologiques des perceptions culturelles, replient leurs pratiques sur des dogmes. La théorie du genre a tendance à ignorer la complexité des identités et des expériences humaines, établissant une tendance dangereuse qui pourrait mener à des traitements inappropriés pour des jeunes vulnérables. Cette dérive dans le champ académique a des implications vastes pour le débat sur l'identité et la santé mentale.
La mort sociale d'une pensée critique
Bronstein évoque la pression sociale à l'université qui dissuade les chercheurs de remettre en question les notions dominantes du wokisme et de la théorie du genre, ce qui conduit à une dilution de la pensée critique. Les universitaires craignent les répercussions de leurs opinions divergentes, ce qui entraîne une 'mort sociale' pour ceux qui osent s'opposer aux idées dominantes. Il cite des exemples, comme des professeurs qui ont été exclus ou ostracisés pour leurs critiques. Ce climat d'intolérance sape les principes fondamentaux d'une éducation ouverte au débat et à l'exploration intellectuelle.
L'éthique de l'euthanasie et de l'antispécisme
Le débat sur l'euthanasie soulève des questions éthiques complexes que Bronstein aborde lors de l'épisode, en soulignant les différences entre le suicide assisté et l'euthanasie légalisée. Il met en lumière les dérives possibles de la légalisation de l'euthanasie et la difficulté de classer des vies comme 'indignes d'être vécues'. Par ailleurs, il critique le discours antispéciste qui vise à accorder les mêmes droits aux animaux qu'aux humains, un argument qui selon lui, peut entraîner des conclusions absurdes. L'orateur fait valoir qu'il est crucial de préserver l'intégrité de la vie humaine tout en réfléchissant aux structures éthiques qui gouvernent la relation entre l'homme et l'animal.
L'émergence d'une nouvelle religion sociale
Bronstein décrit le wokisme comme une nouvelle forme de religion qui ne tolère pas la critique et exige la conversion à ses idées, un phénomène qu'il compare aux sectes et mouvements religieux du passé. Il propose que l'idéologie woke, avec ses rituels et dogmes, façonne les comportements et attitudes des jeunes dans les institutions aujourd'hui. Loin d'être un simple mouvement social, il argue que les croyances de cette doctrine sont profondément enracinées dans la culture universitaire et médiatique contemporaine. Ce rejet du débat et de la dissidence au nom d'une bienveillance apparente soulève des inquiétudes au sujet de la liberté d'expression et de la diversité des idées.
Notre invité ne s'est pas fait d'amis dans le milieu universitaire quand il a osé s'attaquer en 2018 à la théorie du genre avec son livre, La philosophie devenue folle.
« Des collègues et des amis, souvent depuis plus de 30 ans, ont soudainement arrêté de me parler, du jour au lendemain. »
Une forme d'excommunication de son milieu universitaire: « C'est la mort sociale. »
L'épisode a probablement nourri la réflexion de ce philosophe qui s'est beaucoup intéressé à l'histoire des sciences et à l'éthique médicale. Son plus récent ouvrage, La religion woke, postule que nous ne sommes plus en face d'un mouvement idéologique, mais davantage en présence d'une nouvelle religion.
« Il y a un prosélytisme, des cérémonies de demandes d'expiation, des textes sacrés, des études qu'il faut citer, des processions et même l'équivalent d'un calendrier religieux. »
Détail intéressant, son ouvrage a été salué à gauche comme à droite lors de sa sortie...un miracle!