À la table des négociations 4/4 : Negotium vs. otium : que faire de son temps ?
Mar 27, 2025
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Sophie Van der Meeren, professeure de langues grecques, Fosca Mariani, spécialiste de la philosophie médiévale, et Jean-Louis Fournel, historien de la pensée politique de la Renaissance, débattent des tensions entre oisiveté studieuse et engagement civique. Ils examinent comment le temps et le travail ont été perçus dans l'histoire, notamment à travers l'impact de la pensée chrétienne et de Machiavel. Des réflexions sur l'éthique des affaires et l'équilibre entre loisir et travail émergent, offrant une perspective fascinante sur la négociation dans notre vie contemporaine.
Le terme 'négotium' oppose l'oisiveté à l'engagement civique, soulignant la réévaluation historique de la négociation par la philosophie.
La pensée romaine valorise le service à la communauté, dévalorisant ainsi le commerce et rendant la vie active plus noble.
À la Renaissance, des penseurs comme Machiavel redéfinissent l'équilibre entre le travail actif et la contemplation, intégrant des perspectives novatrices.
Deep dives
L'origine et la signification de la négociation
Le terme 'négociation' trouve ses racines dans le mot latin 'négotium', qui évoque une opposition à 'otium', représentant ainsi l'oisiveté et la contemplation. Ce concept historique souligne le fait que la philosophie et le christianisme ont souvent dévalorisé tout ce qui ne fait pas appel à la réflexion intellectuelle. Les traditions antique et médiévale ont valorisé la vie contemplative, aboutissant à une division entre le travail intellectuel, perçu comme noble, et les activités du commerce jugées moins dignes. Ainsi, la négociation n'a pas toujours été considérée comme un aspect précieux de la vie civique et sa compréhension pose un défi aux philosophes.
La contribution de la vie civique dans la pensée romaine
La pensée romaine se concentre fortement sur la valorisation de la vie civique, où l'engagement envers l'État prime sur les intérêts individuels. Les Romains ont hérité de certaines conceptions grecques tout en plaçant la responsabilité civique dans une hiérarchie plus élevée que la contemplation. Dans ce contexte, la société romaine valorise le service à la communauté à travers la vie active, rendant les occupations marchandes moins nobles en comparaison. Cependant, l'évolution des temps a permis d'introduire une vision plus nuancée des activités de production, qui commencent à être reconnues aussi comme des contributions sociales importantes.
L'influence du christianisme sur la négociation
Le christianisme, en particulier à travers la figure d'Augustin, a introduit une réflexion qui a réévalué l'importance de l'otium et renforcé la valeur de la vie contemplative. Cette vision a mis l'accent sur la dimension intérieure et spirituelle de l'homme, plaçant souvent les activités laïques au second plan. Avec le temps, la question du temps au quotidien a émergé, où l'organisation des activités entre travail, prière et contemplation est devenue centrale. Cependant, le travail était également valorisé, montrant que même dans les sociétés monastiques, les activités pratiques n'étaient pas complètement reléguées aux marges.
L'évolution de la conception du profit et de la production
À mesure que l'humanisme et le commerce se développent au cours des siècles, la perception du profit et de l'activité marchande se transforme. Au début de la Renaissance, certains écrivains commencent à célébrer l'accumulation de richesses, considérant cela comme un signe de succès personnel et de contribution à la société. Cependant, la pensée chrétienne, particulièrement en Europe du Nord, a souvent vu ces activités d'un mauvais œil, soulignant la tension entre le négoce comme source de richesse et l'éthique de la pauvreté. Cette dichotomie entre le profit méprisable et le profit légitime est essentielle pour comprendre l'évolution de la pensée économique à travers les âges.
La tension entre otium et negotium à la Renaissance
À la Renaissance, la relation entre otium et negotium devient plus complexe, avec une redéfinition des rôles de chacun dans la société. Des figures comme Machiavel soulignent l'importance d'un équilibre entre vie active et contemplative, reconnaissant que l'engagement civique est essentiel tout en valorisant l'aspect de réflexion personnelle. Machiavel, en particulier, voit l'otium comme un espace de créativité nécessaire malgré son mépris pour l'oisiveté. Ce tissage subtil de ces éléments montre comment la pensée politique et la vision du monde ont évolué, intégrant les leçons des traditions antérieures tout en s'ouvrant à de nouvelles perspectives sur l'action et la contemplation.
durée : 00:58:13 - Avec philosophie - par : Géraldine Muhlmann, Nassim El Kabli - L'otium est un terme latin souvent traduit par temps libre. Le negotium, qui est la négation de l'otium, renvoie quant à lui à la vie politique et aux affaires. Quel regard la philosophie a-t-elle porté sur ces deux notions ? - réalisation : Nicolas Berger - invités : Jean-Louis Fournel Historien de la pensée politique italienne de la renaissance, traducteur, professeur à l'Université Paris 8; Sophie Van der Meeren Professeur de langue et littératures grecques à l'Université Rennes 2; Fosca Mariani Professeur de philosophie du Moyen Âge et de la Renaissance à l’Université de Tours
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