Dans cet entretien, Guillaume Vallet, chercheur en économie politique du genre à l’Université Grenoble-Alpes et auteur de "La fabrique du muscle", explore le lien entre musculation et virilité. Il démontre comment les salles de sport deviennent des arènes de hiérarchie sociale, où l'image corporelle est capitalisée. Les discussions portent aussi sur les perceptions des hommes envers les femmes et l'homosexualité, ainsi que sur la souffrance comme symbole de masculinité. Enfin, Vallet analyse l'influence des réseaux sociaux et des influenceurs sur ces dynamiques.
Les salles de sport ont évolué en espaces de validation de la virilité, où la taille des muscles détermine la position sociale des hommes.
La culture du fitness véhicule une norme selon laquelle la souffrance physique est synonyme de mérite et d'authenticité masculine.
Les dynamiques de classe sociale influencent l'accès aux salles de sport, créant des environnements où la virilité est valorisée selon des critères variant d'un cadre à l'autre.
Deep dives
L'engouement pour les salles de sport
Le nombre de salles de sport en France a considérablement augmenté, atteignant plus de 5 900, offrant un accès démocratisé à la musculation pour une trentaine d'euros par mois. Ce phénomène s'accompagne de l'émergence d'influenceurs fitness qui associent développement musculaire et affirmation de la virilité, attirant une audience largement masculine. La culture moderne valorise le sport comme un impératif sociétal, où maintenir un niveau élevé de testostérone devient essentiel, soulignant les liens entre effort physique, fierté et confiance en soi. Ce contexte favorise l'idée que la souffrance au cours de l'entraînement est un passage obligé pour atteindre les idéaux de masculinité.
Les motivations derrière la musculation
La vulnérabilité ressentie à l'adolescence pousse de nombreux hommes vers la musculation, considérée comme un moyen de se protéger et d'afficher une force physique. Les entrailles et témoignages révèlent que ces hommes cherchent à construire une 'carapace' pour masquer leurs préoccupations liées à l'identité de genre. Bien que cette motivation initiale soit forte, elle ne suffit pas à maintenir un engagement durable dans la pratique de la musculation. Pour persister, il est crucial de trouver des sources de satisfaction et de reconnaissance qui dépassent cette vulnérabilité initiale.
Classe sociale et segmentation des salles
L'accès à différentes salles de sport reflète des dynamiques de classe sociale, avec une coexistence entre salles low-cost et établissements haut de gamme. Les salles économiques comme Basic Fit permettent une pratique plus accessible, mais les salles premium offrent une expérience plus exclusive avec des tarifs allant jusqu'à 15 000 euros par an. Cette segmentation influence les comportements des hommes, qui peuvent rechercher des espaces où leur virilité est valorisée selon des normes spécifiques. En fin de compte, la diversité des offres sportives modifie également la manière dont les hommes se perçoivent et interagissent au sein de ces environnements.
L'espace comme reflet des hiérarchies de genre
Les salles de sport organisent l'espace de manière à mettre en avant une hiérarchie de la virilité, où les poids libres sont le terrain de jeu préféré des hommes musclés. Cette organisation genrée influence les relations sociales, contribuant aux sentiments d'intimidation et à la nécessité de se prouver parmi les pairs. Les miroirs, omniprésents, jouent un rôle crucial dans la perception qu'ont les individus de leurs performances et physiques, intensifiant ce rapport de comparaison entre les hommes. En conséquence, la salle devient un lieu où se rencontrent compétitivité, solidarité et mise en scène de la virilité.
L'impact de la culture de la souffrance
La déclaration 'No pain, no gain' incarne la philosophie dominante de la musculation, dans laquelle la souffrance est valorisée comme une preuve d'efforts et de mérite. Dans ce cadre, des influenceurs de fitness cultivent un message souvent brut, incitant les adeptes à abandonner leurs faiblesses pour embrasser une discipline sévère. Ce discours touche directement à la construction de l'identité masculine, où le succès personnel est mesuré par la capacité à surmonter la douleur physique et à exhiber un corps sculpté. Ce phénomène souligne un lien entre la culture du fitness et les attentes sociétales envers la performance masculine dans un environnement concurrentiel.
Pour les hommes, la salle de sport est le lieu par excellence pour affirmer sa virilité. Il y règne le mantra “No pain, No gain” : plus on souffre, plus on prouve qu’on est un “vrai homme”. Les influenceurs “go muscu” renforcent cette idée en présentant le corps sculpté comme un symbole de pouvoir, de masculinité dominante et d’hétérosexualité virile.
En quoi fabrique du muscle rime avec fabrique de la masculinité ? Comment les hommes regardent-ils les femmes et les autres hommes à la salle ? Quelle place l’homosexualité et l’homoérotisme occupe dans ce lieu où le contact physique entre hommes est omniprésent ?
Pour répondre à ces questions, Tal Madesta reçoit Guillaume Vallet, chercheur en économie politique du genre à l’Université Grenoble-Alpes et auteur de « La fabrique du muscle » (éd. L’échappée, 2022). Ensemble, ils analysent comment les salles de sport capitalisent sur le travail du corps viril.
RÉFÉRENCES CITÉES DANS L’ÉMISSION
Retrouvez toutes les références citées dans l’épisode à la page :
Les Couilles sur la table est un podcast créé par Victoire Tuaillon produit par Binge Audio. Cet entretien a été préparé, mené et monté par Tal Madesta, et enregistré le mardi 17 décembre 2024 au studio Virginie Despentes de Binge Audio (Paris, 19e). Prise de son : Paul Bertiaux. Réalisation et mixage : Elisa Grenet. Supervision éditoriale et de production : Naomi Titti. Production, édition et communication : Marie Foulon avec Lise Niederkorn. Rédacteur en chef : Thomas Rozec. Direction de production : Albane Fily. Générique : Théo Boulenger. Identité graphique : Pierre Hatier (Upian). Composition identité sonore : Jean-Benoît Dunckel. Voix identité sonore : Bonnie El Bokeili. Direction des programmes : Joël Ronez
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