Comment les Lumières ont-ils révolutionné la place de la couleur ?, avec Aurélia Gaillard
Nov 18, 2024
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Dans cet entretien, Aurélia Gaillard, professeur de littérature française du XVIIIe siècle, explore la révolution de la couleur à l'époque des Lumières. Elle explique comment les découvertes de Newton et Goethe ont transformé la perception esthétique et scientifique des couleurs. La transition d'une symbolique médiévale à une appréciation esthétique est mise en lumière. Gaillard souligne également l'impact du colonialisme sur la perception des couleurs en Europe, redéfinissant ainsi le rapport entre couleur, art et culture.
La philosophie des Lumières a révolutionné la perception de la couleur en la centrant sur l'expression esthétique plutôt que sur des significations symboliques.
Les découvertes de Newton et Goethe ont redéfini notre compréhension des couleurs, combinant aspects scientifiques et émotionnels dans leur perception.
Deep dives
L'invention de la couleur au XVIIIe siècle
La notion de couleur, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été redéfinie au XVIIIe siècle. Avant cette époque, les couleurs étaient perçues comme des textures ou des tonalités impliquant des significations symboliques, notamment à l'époque médiévale. Cependant, avec l'émergence de la philosophie des Lumières, une nouvelle conscience de la couleur s'est développée, faisant passer la couleur au premier plan des préoccupations artistiques et littéraires. Cette transformation a également conduit à une inflation lexicale concernant les termes de couleur, facilitant une description plus nuancée et riche dans la littérature de l'époque.
Les contributions de Newton et Goethe
Les travaux de Newton et Goethe ont eu une influence majeure sur la perception des couleurs au XVIIIe siècle, mettant en lumière un changement de paradigme. Newton a exploré la nature de la lumière et a introduit des concepts fondamentaux qui ont bouleversé les conceptions anciennes, bien que ses découvertes aient été sujettes à des débats et contestations. En revanche, Goethe a mis l'accent sur la perception émotionnelle des couleurs, en s'intéressant à l'expérience humaine liée à la couleur plutôt qu'à des explications purement scientifiques. Ainsi, ces deux figures emblématiques représentent des approches complémentaires qui ont enrichi notre compréhension des couleurs.
Impact de la colonisation sur la perception des couleurs
L'exploration des colonies a joué un rôle crucial dans la manière dont les couleurs sont perçues et représentées, introduisant des matériaux colorants et des influences culturelles nouvelles. Les échanges commerciaux ont entraîné une fascination pour les couleurs exotiques, qui ont été intégrées dans le quotidien européen, modifiant ainsi la palette culturelle. De plus, la manière dont les couleurs sont associées à des caractéristiques raciales, notamment le noir et le blanc, a été influencée par les dynamiques de pouvoir coloniales. Cette construction d'un imaginaire coloré a réorienté les perceptions des couleurs au sein des descriptions littéraires et artistiques, contribuant à formuler une vision colorisée du monde colonial.
Qu’est-ce qui caractérise un esprit des Lumières appliqué à la couleur ? Le XVIIIe siècle est marqué par une révolution de la pensée. Ainsi, la manière de percevoir, de décrire et d’employer la couleur change. Une rupture s’opère avec les périodes antique et médiévale. Les découvertes de Newton, à travers l’expérience du prisme, apportent de nouvelles connaissances scientifiques, qui améliorent la compréhension du fonctionnement de la perception visuelle. La philosophie des Lumières conduit à une volonté de classifier, conceptualiser et mieux désigner les couleurs. De cette intention heuristique naît un véritable surgissement de la couleur dans les domaines de l’art, de la mode, de la littérature. Elle devient ainsi associée à l’expression du sentiment et adopte une fonction esthétique, qui diffère de la portée symbolique qui lui était attribuée aux époques antérieures.
L’autrice : Aurélia Gaillard, professeur agrégée de littérature française du XVIIIe siècle à l'université Bordeaux-Montaigne, est autrice d’une thèse sur l’esthétique de la fable. Elle vient de publier un ouvrage illustré, intitulé L’Invention de la couleur par les Lumières. De Newton à Goethe, Belles Lettres, Paris, 325 p., 27 €.