
lundisoir Terres enchaînées, Israël-Palestine aujourd'hui - Catherine Hass
La colonisation en cours sur les territoires palestiniens occupés, soit dans sa phase coloniale de peuplement en Cisjordanie (assassinats, usurpations de terres agricoles, destruction des Oliviers, vol des habitats, apartheid urbain, régime militarisé), soit dans sa phase exterminatrice à Gaza (ethnocide, génocide, urbicide) a produit, sous nos contrées, un ensemble de dispositifs idéologiques qui, à nos yeux, ont une fonction principalement policière. Catherine Hass, dont nous ne raconterons pas, par pudeur, méthode et amitié, son rapport intime et personnel, tragique, à la question, vient de faire paraître aux éditions NOUS l’un des livres les plus juste et les plus intelligent, les plus innervé dans le témoignage des personnes réelles, pour comprendre les logiques de pensée morbides chez nous, relativement à ces « Terres enchaînées » que sont Palestine-Israël, chez eux, et qui enferment la pensée du possible, c’est-à-dire la politique.
Si le livre est la réunion de textes consacrés à la Palestine, d’une réflexion sur le paradigme de guerre antiterroriste à partir de Derrida, à des témoignages directs de Palestiniens interviewés par l’autrice et ses collègues, en passant par la magnifique lettre aux juifs italiens écrite par Franco Fortini en 1940, l’interview de l’historien de l’armée d’Hitler Omer Bartov, c’est une cohérence profonde qui se dessine au fil des pages et produit un effet singulier : nous passons, de chapitre en chapitre, de l’idéologie générale de l’époque, y compris de l’usage de l’accusation absolument délirante d’antisémitisme et de son « opération de police » spécifique, à, peu à peu, plus de réel et plus de possible en retrouvant les paroles mêmes des Palestiniens.
Une chose étonnante apparaît alors : pour les Palestiniens, beaucoup de ce que l’on prête comme vision du problème, n’existe pas. Le « juif » n’est jamais le problème, ce qu’il l’est c’est l’occupant, le colon, le bourreau. Quant à la solution politique, d’un État ou de deux selon quelles conditions imposées depuis l’extérieur, certains préfèrent se dégager de la contrainte et vont jusqu’à dire qu’ils envisagent, le plus sérieusement du monde, une hypothèse pacifiste, sans aucun État.
En choisissant de penser Palestine-Israël depuis la politique, et donc, selon sa définition, depuis le possible, Catherine Hass propose donc de penser la situation selon deux modalités 1) à partir du réel palestinien, c’est-à-dire à partir de témoignages, de propos rapportés, de l’enquête, et non à partir de l’image fantasmée que l’on peut - parfois à raison - s’en faire. Et, 2) à partir du fait qu’Israël n’importe pas tellement du point de vue de sa « judéité » mais davantage de son « étaticité », c’est-à-dire que le problème d’Israël repose bien plus sur le fait qu’il s’agit d’un État, qui, en tant qu’État colonial sur le modèle européen avec le soutien américain, fait une guerre, guerre « antiterroriste » qui s’inscrit dans le paradigme global et les apories annihilatrices que posent ce type de guerre. Pour ce geste hyper courageux, celui de tenir un fil étroit, celui du possible, nous nous sommes fait une joie de l’inviter ce soir.
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