Comment éditer un livre illustré dans le Japon d'Edo (17e - 19e siècles) ? - Entretien avec Delphine Mulard
Dec 4, 2024
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Delphine Mulard, historienne de l’art spécialisée dans les arts japonais de l’époque Edo, explore le développement des livres illustrés au Japon entre le XVIIe et le XIXe siècle. Elle discute des évolutions culturelles et artistiques qui ont façonné cette période de paix. Les interactions entre auteurs, illustrateurs et imprimeurs sont mises en lumière, tout comme l'importance des estampes et leur impact en Europe. Mulard aborde également les défis liés à l'édition et à l'alphabétisation, révélant un riche héritage culturel.
La période Edo a favorisé un essor artistique et culturel, permettant une production prolifique de livres illustrés et d'estampes au Japon.
Les artisans de l'époque ont réussi à allier fonctionnalité et esthétique, remettant en question les frontières entre l'art et l'artisanat.
L'essor de l'alphabétisation et des techniques de reproduction a rendu littérature et illustrations accessibles aux classes moyennes et bourgeoises.
La censure a simultanément limité et stimulé la créativité des artistes, poussant à l'innovation en dépit des contraintes réglementaires.
Deep dives
Contexte historique de la période Edo
La période Edo, qui s'étend du début du XVIIe siècle à la fin des années 1850, est marquée par une paix relative au Japon, favorisant la prospérité et le développement des arts. C'est une ère au cours de laquelle les artisans, notamment dans l'édition et l'illustration, ont connu un essor considérable, aboutissant à la production de magnifiques livres illustrés et estampes. Cette stabilité politique et économique a permis l'émergence d'une bourgeoisie, ainsi qu'un essor démographique qui a accru la demande pour des produits culturels variés. Ces changements ont facilité l'établissement d'un marché intérieur dynamique, propice à la diffusion des œuvres artistiques et littéraires au Japon et en Europe.
Parallèles entre art et artisanat
Au Japon, la distinction entre art et artisanat est souvent moins rigide qu'en Occident, surtout avant l'ère Meiji, où les arts décoratifs et les beaux-arts coexistaient harmonieusement. La valeur artistique était souvent déterminée par la singularité de l'œuvre et son utilité plutôt que par son statut institué. Les artisans de l'époque Edo produisaient des œuvres à la fois fonctionnelles et esthétiques, engendrant un véritable respect pour leurs compétences. Cette approche intégrée a permis à de nombreux artistes de travailler à la fois dans des contextes artistiques et utilitaires, sans qu'un fossé soit créé entre ces domaines.
Le développement de l'impression et de l'édition
La technique d'impression xylographique a été largement utilisée durant la période Edo, avec une attention particulière portée à la qualité des matériaux, tels que le papier de cerisier. Le 17e siècle a vu l'essor des livres illustrés, grâce à des techniques de reproduction qui se sont répandues et qui ont rendu la littérature accessible à un plus large public. L'édition au Japon a non seulement permis la diffusion de textes littéraires, mais aussi l'évolution d'un goût pour les images et le design, ce qui a influencé la production artistique. Ce développement a également coïncidé avec une montée du taux d'alphabétisation, rendant la lecture et l'illustration accessibles aux classes moyennes et bourgeoises.
Les thèmes dominants dans la culture populaire
Les estampes japonaises ont souvent exploré divers thèmes, dont les représentations de kabuki, de femmes de beauté et de paysages, au cœur de la culture populaire. À partir du 18e siècle, des récits dramatiques et des histoires de fantômes ont également émergé, attirant un large public. Les artistes ont su captiver l'intérêt du public en abordant des thématiques contemporaines et en les intégrant dans des formes artistiques diversifiées. Cela a permis de témoigner d'une culture riche, où la fusion de l'art et du divertissement a trouvé un écho dans les cœurs japonais.
Interaction entre la censure et la créativité
La censure a joué un rôle significatif dans la production artistique, avec des artistes devant naviguer entre contraintes réglementaires et expression personnelle. À partir de 1722, des lois imposant des marques de censure ont été établies pour contrôler le contenu publié, influençant ainsi le choix des sujets traités. Cependant, cette contrainte a également été un moteur de créativité, les artistes trouvant des moyens astucieux de contourner les restrictions tout en critiquant le gouvernement. Ainsi, la censure a instauré un jeu de déséquilibre entre le contrôle et l'expression, donnant lieu à des œuvres souvent chargées de sous-entendus politiques.
L'attrait des Occidentaux pour l'art japonais
L'intérêt occidental pour l'art japonais a explosé à partir du milieu du XIXe siècle, lorsque les échanges culturels se sont intensifiés avec l'ouverture du Japon. Les estampes, initialement considérées comme un art populaire à l'intérieur du Japon, sont devenues des objets de collection prisés en Europe et aux États-Unis. Cette redécouverte par les occidentaux a mis en lumière la richesse et la qualité des productions artistiques japonaises, entrainant une vogue pour le japonisme. Les artistes occidentaux, comme les impressionnistes, ont été profondément influencés par les compositions, les motifs et les esthétiques japonaises, transformant ainsi leur propre approche artistique.
Influence historique et évolutions ultérieures
La dynamique culturelle et artistique de la période Edo a laissé une empreinte significative sur le Japon et a influencé de nombreux artistes à travers l'histoire. L'émergence d'un marché populaire pour les livres et estampes a formé les bases d'une culture printanière qui s'est développée jusqu'à nos jours. Même au XXIe siècle, l'héritage de cette époque continue de se faire sentir, notamment à travers des références dans des œuvres contemporaines comme les mangas et les anime. Cette continuité témoigne d'une tradition artistique riche et vivace, ancrée dans l'histoire tout en se réinventant pour séduire de nouvelles générations.
La période Edo, entre le 17e et le 19e siècle, est souvent considérée comme une longue période de paix dans l’histoire japonaise. Et durant cette longue période de paix, de nombreux artisanats ont pu fortement se développer, comme les domaines de l’édition et de l’illustration. Ceux-ci ont d’ailleurs pu se mêler pour donner le jour à de magnifiques livres illustrés. Et même en dehors des livres, les estampes rencontraient également beaucoup de succès, et ce même en Europe. Mais dans le détail, comment tout cela se passait-il, et quel est le contexte ayant permis cette évolution ? C’est notamment de ça dont on va aujourd’hui parler en compagnie de Delphine Mulard dans un nouvel entretien historique ! Delphine est une historienne de l’art spécialiste des arts japonais de l’époque Edo, et plus particulièrement de la peinture et des arts graphiques et décoratifs populaires. Alors attachez vos ceintures, direction le pays du soleil levant !
Je vous souhaite une bonne écoute sur Nota Bene !
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