Pourquoi ne faut-il plus croire en la constitution ? Lauréline Fontaine
Jan 27, 2025
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Lauréline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel, remet en question notre croyance en la constitution en tant qu'outil de libération. Elle explore comment les constitutions, plutôt que de garantir des droits, peuvent justifier des pratiques répressives. Fontaine aborde aussi l'évolution du suffrage et ses illusions, ainsi que le rôle des institutions face au néolibéralisme grandissant. Avec une analyse percutante, elle nous invite à réfléchir à une véritable puissance destituante.
La Constitution, bien qu'elle soit perçue comme un garant de liberté, participe souvent à une illusion de participation politique sans véritable impact sur le pouvoir.
L'histoire des constitutions montre que même celles promouvant des droits ont souvent légitimé des systèmes d'oppression au nom de l'ordre établi.
La réflexion sur la destitution invite à repenser le rapport entre pouvoir et société, suggérant que de réelles transformations sociales ne peuvent émerger que par-delà des réformes constitutionnelles.
Deep dives
La nature et la perception de la Constitution
La Constitution est perçue comme un objet mystérieux et omniprésent dans nos sociétés modernes. Bien que souvent présentée comme un dispositif garantissant la liberté et la limite du pouvoir, son essence et ses origines restent largement méconnues. Les discours autour de la nécessité d'une Constitution sont souvent teintés d'illusions, la Constitution étant perçue comme une réponse à des désirs politiques sans que son effectivité soit réellement remise en question. Cette dualité révèle une tension entre l'adhésion populaire à la notion de Constitution et la réalité de son impact sur les structures de pouvoir.
Le constitutionnalisme et son évolution historique
Le constitutionnalisme représente une évolution marquante depuis le XVIIIe siècle, où l'écriture des règles de pouvoir est devenue prioritaire pour réfléchir sur l'exercice du pouvoir avant sa mise en œuvre. Auparavant, les constitutions reflétaient souvent des réalités déjà établies sans questionner le pouvoir en place. Ce changement de perspective a permis une organisation nouvelle du pouvoir, inspirée notamment par des philosophies politiques anglo-saxonnes. Cette transformation a également introduit l'idée que la Constitution devrait protéger des principes fondamentaux, bien que dans la pratique, elle ait souvent abouti à la validation de pratiques oppressives.
Les contradictions au cœur de la Constitution
La Constitution, en tant que texte, est structurée en deux volets : un récit qui symbolise un idéal politique et une organisation des pouvoirs qui impose des règles concrètes. Cependant, la première partie, en énonçant des idéaux tels que la liberté et l'égalité, peut servir à légitimer des rapports de pouvoir existants qui ne correspondent pas à cette réalité. L'adhésion à ces idéaux peut créer une illusion de participation du peuple, tout en maintenant en réalité une distance entre celui-ci et l'exercice du pouvoir. Ainsi, la Constitution devient également un instrument d'instrumentalisation, souvent détaché de l'expérience vécue des citoyens.
Les dérives de la constitutionnalité
Les constitutions modernes, même celles établies pour promouvoir des droits de l'homme et d'autres libertés, prennent souvent racine dans des intérêts politiques et économiques bien établis. Par exemple, la Constitution américaine, tout en étant perçue comme un avancement, a historiquement rationalisé des pratiques telles que l'esclavage et la ségrégation. Ce phénomène se retrouve aussi dans d'autres contextes où les constitutions sont utilisées pour légitimer des systèmes d'oppression tout en maintenant un discours de liberté. Il semble que l'histoire des constitutions soit marquée par une continuité dans la promotion d'intérêts particuliers, souvent au détriment de la réalisation des droits équitables pour tous.
Vers une nouvelle compréhension de la politique
La discussion met également l'accent sur la nécessité de repenser notre approche face au constitutionnalisme et aux structures de pouvoir. L'idée de 'destitution' est évoquée comme un moyen de questionner la légitimité et l'efficacité des constitutions, incitant à une reformulation du rapport entre pouvoir et société. Ce concept préconise une dissociation des anciennes catégories politiques tout en suggérant que la véritable transformation sociale ne peut pas passer par des réformes cosmétiques des constitutions. En d'autres termes, reconnaître l'illusion souvent associée à la Constitution ouvre la voie à de nouvelles formes d'engagement politique, qui dépassent la simple écriture des textes.
Au sein de la gauche, parlementaire comme extra-parlementaire, nous voyons régulièrement réapparaître des revendications constitutionnelles ; la promesse d’une 6e République, l’organisation d’une assemblée constituante, des petits ateliers pour rédiger notre constitution idéale, etc. Il s’agit à chaque fois de perpétuer cette drôle d’idée : la constitution ce serait un peu de nous, nous serions même un peu constitués et si elle était mieux rédigée nous ne manquerions pas d’être plus libres, plus égaux, plus heureux. C’est cette croyance que Lauréline Fontaine, professeur de droit public et constitutionnel vient dynamiter dans son excellent La constitution au XXIe siècle, histoire d’un fétiche social (éditions Amsterdam). Car lorsque l’on étudie l’histoire des constitutions, en France comme ailleurs, ce sont toutes nos illusions qui s’évaporent. Cette pratique bien particulière qui consiste à « écrire le pouvoir » s’avère systématiquement être un leurre qui vise à nous faire adhérer au pouvoir tout en nous dépossédant de toute prise sur lui. C’est en tous cas l’implacable démonstration faite par Lauréline Fontaine dans cet entretien. Ces illusions perdues, s’ouvrent alors l’une des questions les plus importantes de notre époque : comment sortir du cercle constituant/constitué, soit comment penser une puissance destituante ?
00:00 introduction 00:11 La constitution, un objet mystérieux mais omniprésent qui nous protègerait du despotisme (présentation du livre) 2:23 Quel rapport la constitution entretient-elle avec la société ? Qu'est-ce que le constitutionnalisme ? 05:16 Qu'y a-t-il dans une constitution ? 06:46 Créer l'illusion du peuple constituant qui adhère au pacte social 08:59 Est-ce que ce n'est pas grâce à la constitution que nous gagnions des droits ou abolissons certaines oppressions, par exemple l'esclavage ? (spoiler, non) 16:07 Quel rapport entretiennent les constitutions avec l'ordre économique et libéral ? Ou comment se reconduit la séparation entre politique (organisation formelle du pouvoir) et économie (mise au pas effective des sujets économiques) 23:40 Le constitutionnalisme se diffuse par le biais des grandes puissances économiques 24:50 La propriété privée comme pierre angulaire de toutes les constitutions 30:07 « On finit par donner le nom de démocratie à un régime qui était au départ conçu comme l'opposé de la démocrate » 34:18 Pourquoi la meilleure des démocraties représentatives ne sera jamais démocratique 37:05 Le Droit n'existe que comme outil de domination (même si ponctuellement, on peut bien connaître d'heureuses victoires) 38:00 Les exemples de constitutions vertueuses, leurs réussites et leurs échecs 40:15 Pourquoi le pouvoir a-t-il toujours besoin d'oripeaux, de déguisements, de maquillage ? Et à quoi ça lui sert ? 45:12 Ne plus s'étonner que la constitution soit systématiquement trahie par les pouvoirs institués 47:31 Le droit ne fait-il pas quand même office de contre-pouvoir ? 55:25 #LibérerGino (intermède publicitaire pour un camarade antifasciste incarcéré) 58:32 « Les libertés qui nous sont accordées qu'à la condition qu'elles ne nuisent pas au bon déploiement des rapports économiques à l'origine de toutes les formes de misères sociales » 59:59 Le constitutionnalisme par rapport au droit international. Comment le consitutionnalisme déborde l'État-nation 1:02:52 La néféodalisation des institutions et de l'économie. 1:04:27 La Science Fiction est-elle la trame des constitutions techno-fascistes et algorithmiques à venir ? 1:09:22 Comment le néo-libéralisme mène à
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