Frédéric Encel, géopolitologue et professeur à Sciences Po, discute des dynamiques géopolitiques autour du sommet des BRICS. Jean-François Colosimo, historien, aborde l'influence grandissante de Poutine et la perception occidentale du conflit en Ukraine. Diana Filippova, essayiste d'origine russe, analyse la rencontre entre Guterres et Poutine dans le contexte des tensions internationales. Aysegul Sert, journaliste, explore la position stratégique de la Turquie et les enjeux énergétiques face aux puissances émergentes.
Le sommet des BRICS à Kazan montre que Poutine, loin d'être un paria, bénéficie d'un soutien significatif parmi les nations émergentes.
L'unité des BRICS soulève des questions sur la véritable cohésion entre ses membres, souvent aux intérêts divergents.
L'initiative de dédollarisation des BRICS pose des doutes quant à sa faisabilité, étant donné les fragilités économiques des pays participants.
Deep dives
Succès diplomatique de Poutine aux BRICS
Le 16e sommet des BRICS à Kazan a mis en lumière la stratégie de Vladimir Poutine pour prouver qu'il n'est pas un paria sur la scène internationale. Sa présence, soutenue par d'autres pays émergents, vise à démontrer un nouveau degré d'acceptation et de soutien parmi les nations non occidentales. Certains experts, tout en reconnaissant ce succès symbolique, croient que l'unité affichée n'est qu'une façade, indiquant que c'est surtout Xi Jinping qui tire les ficelles derrière cette alliance. En d'autres termes, l'importance accordée à Poutine devrait être tempérée par le contrôle stratégique que la Chine exerce à travers ces relations.
L'émergence d'un nouvel ordre mondial
La réunion des BRICS pourrait être envisagée comme une étape vers la création d'un nouvel ordre mondial multipolaire, où l'influence occidentale diminue. Les alliés présents à Kazan, notamment de puissances comme l'Inde et la Chine, cherchent un rééquilibrage face à l'hégémonie des États-Unis. Toutefois, cette émergence pose la question de la véritable cohésion de ces pays, souvent aux intérêts divergents, et de leur capacité à agir collectivement. Au lieu de constituer un front homogène, les BRICS semblent plutôt servir d'outil aux nations leaders pour faire avancer leurs propres agendas.
Les BRICS et la dédollarisation
Un des thèmes centraux du sommet est la volonté des BRICS de dédollariser l'économie mondiale et de créer un cadre alternatif à la domination du dollar américain. Cette initiative, bien que séduisante sur le papier, suscite des interrogations sur sa faisabilité réelle, étant donné les économies souvent fragiles des pays membres. De plus, des experts notent que la coopération économique entre ces nations est encore très limitée et qu'une véritable intégration reste à construire. Le cas de pays comme l'Iran et l'Égypte, qui luttent avec leurs propres défis intérieurs, soulève également des doutes sur l'efficacité d'un tel projet collectif.
Les relations entre l'Occident et les BRICS
Les discussions autour des BRICS révèlent aussi un profond ressentiment contre l'Occident, perçu comme un protagoniste dominateur dans les affaires internationales. Les pays présents au sommet expriment souvent un désir de ne plus subir les dictats des puissances occidentales tout en cherchant à établir des relations fondées sur la souveraineté et l'égalité. Cependant, le défi principal est de déterminer si ces nations peuvent réellement surmonter leurs différences internes au profit d'une vraie coopération. En somme, la dynamique révélée au sommet des BRICS montre autant une contestation de l'ordre établi qu'un désir de forger des liens qui pourraient s'avérer éphémères.
Répercussions sur l'Europe et la diplomatie
L'émergence des BRICS et leur volonté de redéfinir l'ordre mondial interpellent l'Europe sur la nature de sa diplomatie et son influence croissante. Certains intervenants soulignent que l'Europe devrait revoir ses relations avec ces pays afin de rester pertinente sur la scène internationale, en conciliant ses valeurs avec la nécessité de pragmatisme. Les critiques sur les politiques de l'Occident, que ce soit à travers l'idée de protectionnisme climatique ou de l'attitude de l'ONU, dû à l'austérité, font également surface, suggérant un besoin de réévaluation des relations. L’enjeu serait alors de bâtir une diplomatie qui soit plus équitable, tout en respectant la diversité des parcours historiques et politiques des pays émergents.
Retour sur le sommet des BRICS, qui vient de s’achever dans la ville russe de Kazan.
Les dirigeants chinois, indien, sudafricain ou encore brésilien tous réunis autour de Vladimir Poutine ; le secrétaire général de l’ONU qui a fait le déplacement… 3 ans après l’invasion de l’Ukraine, le président russe prouve qu’il est tout sauf un paria sur la scène internationale.
Alors Poutine est-il devenu incontournable ? Assistons-nous à un simple coup de com ou à l’acte de naissance d’un nouvel ordre mondial ?
On en débat ce jeudi 24 octobre 2024 avec :
Aysegul SERT Journaliste, professeure affiliée à l'École de journalisme de Sciences Po
Elsa VIDAL Journaliste, rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI, autrice de « La fascination russe » aux éditions Robert Laffont (22.02.24)
Jean-François COLOSIMO Historien, documentariste, essayiste, éditeur, auteur de « Occident, ennemi mondial n°1 » aux éditions Albin Michel (02.04.24)
Frédéric ENCEL, Géopolitologue, professeur de relations internationales et de sciences politiques, maître de conférence à Sciences Po Paris
Diana FILIPPOVA Directrice éditoriale de France Positive, essayiste, romancière, co-fondatrice de Place Publique, autrice de « De l’inconvénient d’être russe » aux éditions Albin Michel (01.09.23)
Zyad LIMAM Directeur et rédacteur en chef d’Afrique magazine