
La Maison de la Poésie
La Maison de la Poésie de Paris est une scène de lectures, de rencontres et de création dédiée à la voix des poètes et des écrivains. Elle s'adresse aussi bien à ceux qui ont toujours un livre en poche qu'à ceux qui découvriront le texte porté autrement, par la scène, la voix, la musique, l'image...
Latest episodes

Sep 27, 2024 • 1h 13min
Abdellah Taïa – Le bastion des larmes
Lecture par Zakary Bairi
Entretien mené par Antoine Idier
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses sœurs, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit. Les voix du passé résonnent et l’interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d’un colonel de l’armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s’enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Récit d’une enfance terrible, d’un amour absolu, aussi, pour ses sœurs magnifiques et sa mère disparue.
« Essuie tes larmes et viens à côté de moi. Tes larmes me brûlent maintenant, et j’ai envie de rire, rire avec toi, tu comprends ? »
Abedellah Taïa, Le Bastion des larmes
À lire – Abdellah Taïa, Le bastion des larmes, Julliard, 2024

Sep 26, 2024 • 1h 36min
Maria Attanasio – La fille de Marseille
Lecture par Anna Mouglalis
Entretien mené par Francesca Isidori
L’Expédition des Mille, un des épisodes-clefs du mouvement d’unification de l’Italie au XIXe siècle, réserve une surprise de taille : parmi ces mille hommes, l’un d’entre eux était une femme ! Elle s’appelait Rosalie Montmasson, héroïne de l’unité italienne, effacée de tous les livres d’Histoire et de la mémoire collective.
Maria Attanasio va mener l’enquête, et signe le portrait de cette femme oubliée, garibaldienne et socialiste, épouse du premier ministre du premier parlement italien, Francesco Crispi. Qu’elle soit politique ou amoureuse, la trahison sera totale… C’est une histoire d’amour et d’imposture, racontée comme seule Maria Attanasio sait le faire : si ces vicissitudes sont passionnantes, la manière de les faire vivre dans ce livre les sublime.
« La nuit du 5 mai 1860 à Quarto, sur les deux vapeurs en attente eut lieu l’embarquement des victuailles, armes, des hommes, et de la seule femme participant à l’expédition. »
Maria Attanasio, La fille de Marseille
À lire – Maria Attanasio, La fille de Marseille, trad. de l’italien par Laura Brignon, Ypsilon, 2024

Sep 26, 2024 • 1h 5min
Alix Lerasle – Du verre entre les doigts
Rencontre animée par Nicolas Herbeaux
La mère est malade, le père a disparu, l’aîné s’est enfui dans la nuit. Et Nati, ce curieux petit frère, n’est pas un enfant comme les autres. Isolée dans une maison emplie d’ombres, la narratrice interroge le passé. Que cachent tous ces silences autour de leur histoire ? À mesure que le mystère s’épaissit, la maison semble se transformer. Et si c’était elle qui détenait la vérité ? Porté par une écriture électrique, ce huis clos haletant explore les secrets d’une famille troublante.
Née en 1998, Alix Lerasle, poétesse, a obtenu le prix de la Vocation pour son recueil Faut-il des murs pour faire une maison ? (Cheyne). Du verre entre les doigts est son premier roman.
À lire – Alix Lerasle, Du verre entre les doigts, Castor Astral, 2024

Sep 26, 2024 • 56min
Emmanuelle Lambert – Aucun respect
Entretien mené par Elisabeth Philippe
Une jeune femme idéaliste comme on peut l’être à vingt ans arrive à Paris à la fin des années 1990. On la suit dans sa découverte d’un milieu intellectuel qui a tout d’une caste d’hommes.
Elle y rencontre l’écrivain Alain Robbe-Grillet, imposant « Pape du Nouveau Roman », et son épouse Catherine, maîtresse-star de cérémonies sadomasochistes. Ils incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Toutes choses auxquelles l’héroïne s’affronte tant bien que mal.
Raconté avec impertinence depuis aujourd’hui, son apprentissage, d’une drôlerie irrésistible, est un conte contemporain. Sa leçon est que la liberté s’exerce dans le jeu avec les autorités établies. Et sa morale, qu’il ne faut jamais sous-estimer les jeunes femmes.
« Pour veiller les unes sur les autres, elles faisaient ce que pouvaient faire des filles seules quand, dans la ville, on laissait circuler des ogres. Soit, presque rien. »
Emmanuelle Lambert, Aucun respect
À lire – Emmanuelle Lambert, Aucun respect, Stock, 2024

Sep 26, 2024 • 60min
Abel Quentin – Cabane
Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos
Berkeley, 1973. Département de dynamique des systèmes. Quatre jeunes chercheurs mettent les dernières touches au rapport qui va changer leur vie. Les résultats de l’IBM 360 sont sans appel : si la croissance industrielle et démographique ne ralentit pas, le monde tel qu’on le connaît s’effondrera au cours du XXIe siècle. Au sein de l’équipe, chacun réagit selon son tempérament. Le couple d’Américains décide d’alerter l’opinion, le Français songe à sa carrière et va conseiller l’industrie pétrolière, quant au Norvégien, surdoué des maths, on ne sait pas trop. Certains disent qu’il est devenu fou. De la tiède insouciance des seventies à la gueule de bois des années 2020, Cabane est la satire féroce d’une humanité qui danse au bord de l’abîme.
“L’avenir des États-Unis dans deux ou dix ans, disait-on en substance aux Dundee, est une chose sérieuse. L’avenir du monde dans cent ans ne l’est pas. »
Abel Quentin, Cabane
À lire – Abel Quentin, Cabane, L’Observatoire, 2024

Sep 26, 2024 • 60min
Julia Deck – Ann d’Angleterre
Entretien animé par Margot Dijkgraaf
En avril 2022, la mère de Julia Deck est victime d’un accident cérébral. Selon les médecins, ses chances de survie sont infimes. Mais la patiente déjoue les diagnostics. Commence alors un long cheminement, dans l’espoir d’une convalescence, à travers le dédale des établissements de soins. En parallèle, Julia Deck raconte la vie de cette femme issue d’une famille ouvrière anglaise, passionnée de littérature, qui s’est élevée socialement, est venue habiter en France, tout en continuant d’entretenir un rapport complexe avec sa famille d’Angleterre. Car au milieu de son histoire, Julia décèle une étrangeté, peut-être un secret – un point aveugle dans le récit de sa filiation. Mais à cette interrogation, seule sa mère, précisément, pourrait répondre.
« On y pense ou on n’y pense pas. J’y pense depuis trente ans. Je tente de m’y préparer. J’essaie de me le représenter, d’imaginer les circonstances par quoi s’incarnera l’inévitable, comme si l’envisager sous tous les angles permettait d’améliorer le pire, ou simplement d’y survivre. »
Julia Deck, Ann d’Angleterre
À lire – Julia Deck, Ann d’Angleterre, Seuil, 2024

Sep 26, 2024 • 1h 4min
4 : 48 Psychose de Sarah Kane
Par Nicolas Maury
Entre poésie convulsive et désespoir clinique, un chant d’amour empreint d’une solitude abyssale et traversé d’une lumière crue, qui dit sa fêlure sans suture. Avant de disparaître, une figure anonyme adresse sa prière au monde, entre rage et catalepsie. Elle dit sa soif de vie et de vérité, sa quête d’absolu et de beauté. Publié pour la première fois il y a plus de vingt ans, 4 : 48 Psychose est un poème devenu culte. Cette nouvelle traduction délivre la force inouïe du texte de Sarah Kane, sa puissance transformatrice qui, en mettant en crise la langue et les corps, décloisonne les imaginaires de genre et les érotismes.
“C’est moi que je n’ai jamais rencontré, dont le visage est collé au revers de mon esprit”
Sarah Kane, 4:48 Psychose
À lire – Sarah Kane, 4 : 48 Psychose, nouvelle traduction par Vanasay Khamphommala, L’Arche, 2024

Sep 26, 2024 • 1h 9min
Alice Zeniter – Frapper l’épopée
Accompagnée par Pablo Murgier au piano
Quand Tass était enfant, les adultes lui ont raconté l’histoire de sa terre, mais elle n’a jamais bien su où commençait l’histoire des siens, tout comme elle n’a jamais réussi à expliquer la Nouvelle-Calédonie à Thomas, son compagnon resté en métropole. Aujourd’hui, elle est revenue à Nouméa et a repris son poste de professeure. Dans une de ses classes, il y a des jumeaux kanak qu’elle s’agace de trouver intrigants, avec leurs curieux tatouages : sont-ils liés à un insaisissable mouvement indépendantiste ? Lorsqu’ils disparaissent, Tass part à leur recherche, de Nouméa à Bourail – sans se douter qu’en chemin, c’est l’histoire de ses ancêtres qui lui sera, prodigieusement, révélée. Le destin de Tass croise celui de l’archipel calédonien et Alice Zeniter nous révèle son complexe visage contemporain, à l’ombre duquel s’invite, façon western, son passé pénitentiaire et colonial.
« Tu arrives chez moi et tu fais comme chez toi, et ça m’enlève même la liberté de t’accueillir. La prochaine fois que tu arrives chez moi, fais les premiers gestes en premier. Présente-toi, dis bonjour et reconnais que tu es sur le seuil de ma maison. »
Alice Zeniter – Frapper l’épopée
À lire – Alice Zeniter, Frapper l’épopée, Flammarion, 2024

Sep 26, 2024 • 1h 7min
« L’Odéonie ou la vie de l’esprit »
Avec Margot Gallimard, Anne F. Garréta, Laure Murat, Suzette Robichon & Céline Sciamma
En 1915, Adrienne Monnier fonde une librairie-bibliothèque de prêts, la Maison des Amis des Livres, au 7, rue de l’Odéon. Quelques années plus tard, Sylvia Beach ouvre en face, au n°12, Shakespeare and Company, son équivalent anglo-saxon. L’Odéonie est née. Entre les deux librairies, se construit dans l’entre-deux guerres un espace pour la pensée et le commerce de l’esprit, l’échange des idées et la défense de la littérature contemporaine, où se croisent James Joyce, André Gide, Valery Larbaud, André Breton, Louis Aragon, Colette, Gertrude Stein, Violette Leduc, Walter Benjamin, Gisèle Freund, Ernest Hemingway et bien d’autres. L’Ulysse de Joyce, partout rejeté par la censure, y verra le jour, en anglais, puis en français. Des rencontres, des publications, des lectures publiques, des expositions animent pendant vingt ans cet espace où se réinvente la vie intellectuelle autant que se développe, souterraine, une culture féministe et lesbienne.
À travers un montage de textes, « L’Odéonie ou la vie de l’esprit » rend hommage à un couple de libraires à l’énergie et l’indépendance hors normes, modèles de résistance au conformisme et source d’inspiration à laquelle notre époque gagnerait de s’abreuver.
À lire – Laure Murat, Passage de l’Odéon. Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l’entre-deux-guerres, coll. “L’imaginaire”, Gallimard, 2024.
Photo d’Adrienne Monnier et Sylvia Beach

Sep 23, 2024 • 1h 1min
Maylis de Kerangal – Jour de ressac
« Finalement, il vous dit quelque chose, notre homme ? Nous arrivions à hauteur de Gonfreville-l’Orcher, la raffinerie sortait de terre, indéchiffrable et nébuleuse, façon Gotham City, une autre ville derrière la ville, j’ai baissé ma vitre et inhalé longuement, le nez orienté vers les tours de distillation, vers ce Meccano démentiel. L’étrange puanteur s’engouffrait dans la voiture, mélange d’hydrocarbures, de sel et de poudre. Il m’a intimé de refermer, avant de m’interroger de nouveau, pourquoi avais-je finalement demandé à voir le corps ? C’est que vous y avez repensé, c’est que quelque chose a dû vous revenir. Oui, j’y avais repensé. Qu’est-ce qu’il s’imaginait. Je n’avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d’une ville, d’un premier amour, la forme d’un porte-conteneurs. »
À lire – Maylis de Kerangal, Jour de ressac, Verticales, 2024