Droit, culture et société de la Rome antique - Dario Mantovani

Collège de France
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May 10, 2023 • 58min

08 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Lucrèce et un contrat naturel qui n'en est pas un

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202308 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Lucrèce et un contrat naturel qui n'en est pas unPour établir une relation plus saine avec le monde qui nous entoure et dont nous faisons partie, les hommes devraient-ils passer un contrat avec les animaux et l'ensemble de l'écosystème ? C'est le "contrat naturel" proposé par Michel Serres, dans le cadre d'un mouvement plus général qui prône la personnification des objets naturels et la reconnaissance qu'ils sont titulaires de droits, notamment le droit à l'existence. Presque indépendamment, de nombreux chercheurs, surtout américains, ont cru trouver une préfiguration et une confirmation de ce type de contrat ("the animal contract") dans un passage du poème De la Nature de Lucrèce (5.855-877). L'analyse des vers du poète épicurien du Ier siècle avant J.-C. montre cependant qu'il avait à l'esprit un autre modèle, celui de la tutelle (tutela), similaire à celui de la tutelle des mineurs incapables de se défendre (et de la législation sur la protection des animaux) . Une définition que le juriste Servius Sulpicius Rufus donne de la tutela et qui trouve un écho dans la poésie lucrétienne permet de mieux cerner les contours juridiques les enjeux pratiques de la question.
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Apr 19, 2023 • 1h 13min

07 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « … aussi longtemps que dure l'intention de revenir ». Abeilles, colombes et cerfs : des animaux à la lisière du droit

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202307 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne :« … aussi longtemps que dure l'intention de revenir ». Abeilles, colombes et cerfs : des animaux à la lisière du droitAprès avoir étudié les deux catégories fondamentales des animaux domestiques et des animaux sauvages, le cours portera sur des catégories intermédiaires. Nous nous intéresserons notamment à un étrange groupe d'animaux qui ont l'habitude d'aller et de revenir, dans un va-et-vient entre nature et culture, entre liberté et propriété, qui, comme toute zone grise, met en question les catégories trop rigides, mais en même temps contribue à les valider.
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Apr 12, 2023 • 1h 9min

06 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Classer les animaux pour mieux se les approprier. Jalons pour une « zoologie juridique » romaine

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202306 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Classer les animaux pour mieux se les approprier. Jalons pour une « zoologie juridique » romainePourquoi le Code rural de 2010 précise-t-il que les volailles et autres animaux de basse-cour restent notre propriété même si nous les avons perdus de vue ? C'est un legs implicite du droit romain, qui distingue les animaux dont nous conservons la propriété une fois pour toutes et les animaux sur lesquels notre contrôle ne s'exerce que tant que nous en conservons la maîtrise physique, ne serait-ce que par notre regard. Pour parvenir à ce résultat, une taxonomie articulée des animaux apparaît dans les textes des juristes romains. Elle distingue d'abord les animaux sauvages et les animaux domestiqués, puis procède à d'autres distinctions dont le cours montrera la richesse et les nuances. Dans cette taxonomie, les critères zoologiques, morphologiques et éthologiques, coexistent avec des considérations économiques, attentives à mesurer le rôle de chaque animal dans l'économie romaine. C'est une classification par laquelle les juristes jettent leur filet conceptuel sur le règne animal. Mais c'est aussi une voie féconde, et peu explorée, pour appréhender la mentalité des Romains face au vivant et pour en repérer les traces jusqu'à nous.
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Apr 5, 2023 • 1h 9min

05 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Les bêtes étant dépourvues d'entendement, ne peuvent pas avoir intention de nuire »

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202305 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Les bêtes étant dépourvues d'entendement, ne peuvent pas avoir intention de nuire »Quelles sont les conséquences juridiques d'un dommage causé par une bête à une chose ou à un homme ou à une autre bête qui appartient à quelqu'un ? Qui est responsable de ce dommage en droit romain ? Surtout, quelle conception des animaux transparaît de ce régime juridique ? Le cours répondra à ces questions à travers les réflexions du juriste Ulpien. Nous en tirerons la conclusion que les juristes romains accordaient aux animaux (domestiques), tout en leur niant l'entendement, la possibilité de s'écarter du comportement naturel typique de leur espèce. L'éthologie, pour ainsi dire, est tout de même mise au service de la résolution d'un conflit d'intérêts entre propriétaires.
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Mar 29, 2023 • 1h 6min

04 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Nous sommes appelés d'un seul nom naturel, c'est-à-dire hommes ». Liberté et esclavage entre nature et droit

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202304 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Nous sommes appelés d'un seul nom naturel, c'est-à-dire hommes ». Liberté et esclavage entre nature et droitLes juristes romains – en particulier Florentin et Ulpien – proposent une définition de la liberté qui se situe entre nature et droit. Leurs définitions ont influencé la conception moderne des droits de l'homme. Mais pour les juristes romains, reconnaître qu'il existe une liberté par nature revient à créer un espace où le rôle des esclaves peut être pris en compte sans modifier leur soumission « contre nature » au pouvoir d'autrui.La catégorie de « persona » permet aux juristes d'envisager les êtres humains de manière très variée, sans les enfermer dans une condition unique. L'homme devient ainsi un rôle, comme les acteurs romains qui portaient un masque, et en portant le masque devenaient le personnage qu'ils interprétaient. Le signe que la condition des hommes, d'abord unique, se diversifie ensuite et se segmente, est constitué par la multiplication des noms, qui servent à distinguer, à ségréguer. « Et alors que nous sommes appelés d'un seul nom naturel, c'est-à-dire hommes, selon le droit des gens il vint à en exister trois sortes : les libres, leur contraire les esclaves et un troisième genre, les affranchis ». Nommer c'est donc instituer.
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Mar 22, 2023 • 1h 11min

03 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Le droit naturel est celui que la nature a enseigné à tous les animaux ». Les racines romaines de l'anthropocentrisme juridique

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202303 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : « Le droit naturel est celui que la nature a enseigné à tous les animaux ». Les racines romaines de l'anthropocentrisme juridiqueSur la toile de fond de la conception romaine de la « natura », et notamment du De natura deorum de Cicéron, le cours proposera une interprétation d'un texte célèbre, puissant et énigmatique, d'Ulpien (D. 1.1.3-4 et D. 1.1.6). Trois catégories de droit y sont distinguées : le droit naturel, le droit des gens et le droit civil. Ce texte est à la base de l'élaboration moderne du jusnaturalisme. S'il peut donner parfois l'impression de placer les hommes et les autres animaux dans un même écosystème juridique, il exprime en réalité la centralité des hommes en tant qu'êtres doués de raison.
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Mar 15, 2023 • 53min

02 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : La nature de la « natura » : la vision romaine d'une nature intérieure

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202302 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : La nature de la « natura » : la vision romaine d'une nature intérieureLa nature aujourd'hui est souvent comprise comme environnement, ensemble physique externe qui entoure les hommes. Pour les anciens, la physis / natura était une force vivifiante immanente ; selon une définition d'Aristote, « un principe et une cause de mouvement et de repos pour la chose en laquelle elle réside immédiatement ». Le spectacle harmonieux du vivant et des corps célestes était le lieu où les philosophes voyaient cette natura, en tant que puissance immanente. Mais cette nature produit des effets différents selon les êtres. C'est seulement aux humains et aux dieux qu'elle apporte aussi la raison, ce qui implique une échelle du vivant et la conception que le monde est au service des hommes (et des dieux).Selon la réception romaine de l'idée de physis, notamment dans le sillage de la doctrine stoïcienne, la natura est donc aussi à la base de l'éthique. D'où, enfin, la configuration anthropocentrique aussi du droit.
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Mar 8, 2023 • 1h 3min

01 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Les mules de Rome et les chevaux de l'Uttarakhand. Que peut l'histoire du droit pour repenser notre rapport à la Nature ?

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2022-202301 - Droit de nature, nature sans droits. Les implicites romains de la pensée moderne : Les mules de Rome et les chevaux de l'Uttarakhand. Que peut l'histoire du droit pour repenser notre rapport à la Nature ?Ce premier cours nous conduit des pentes de l'Himalaya, entre Inde et Népal, de nos jours, au Clivus Capitolinus qui mène au Capitole de la Rome antique au Ier siècle av. J.-C. Des époques et des lieux différents, mais avec des problèmes similaires : des chevaux et des mules tirant des charrettes chargées de marchandises et de passagers, qui soulèvent des préoccupations de santé pour les animaux et aussi pour les humains. Le droit est mobilisé dans les deux cas – la Haute Cour de l'Uttarahkhand et le juriste Alfenus Varus – mais avec des solutions très différentes. Rien d'étonnant, car, dans l'Inde contemporaine et la Rome de Jules César, les idéologies et les valeurs sont dissemblables. Si hier les aspects patrimoniaux étaient surtout pris en considération, aujourd'hui on va même jusqu'à attribuer une personnalité juridique à l'ensemble du règne animal afin de mieux le protéger. Au-delà des faits similaires, et au-delà des solutions différentes, un point crucial unit cependant les deux affaires, c'est-à-dire les catégories juridiques utilisées pour les résoudre, notamment la notion de personnalité juridique, qui remonte à la persona du droit romain. On arrive donc au cœur du cours de cette année, que cette première séance veut introduire. L'histoire du droit permet de comprendre si la persistance de catégories qui nous viennent de l'antiquité romaine et de notre tradition peut aider ou au contraire entraver la transition juridique en cours, censée accompagner la transition vers un rapport au monde plus équilibré.
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Jun 1, 2022 • 53min

12 - Du bon usage de la richesse. Le droit comme économie morale à Rome

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2021-2022Du bon usage de la richesse. Le droit comme économie morale à RomeLes Anciens avaient une idée de l'économie différente de la nôtre : elle faisait partie de la philosophie, notamment de l'éthique. Elle était l'art du « bon usage des richesses » : « bon », car l'économie, en tant qu'administration des biens du foyer, dans leur dimension à la fois humaine et matérielle, avait un objectif précis, le bien-vivre au sens moral.Les moyens d'acquisition des richesses – le commerce, les échanges, les contrats – devaient eux aussi être « beaux et justes ». C'est pourquoi le droit romain, qui posait les règles valables dans ce domaine, peut être lu comme une technique du bon et du juste pour acquérir et gérer un patrimoine.Ainsi, par rapport à nos conceptions, la relation entre droit et économie s'inverse. Aujourd'hui, on tend souvent à analyser le droit par le biais de la science économique, pour le mettre à son service, dans un but d'efficience. Dans un monde comme celui de l'Empire romain, qui ne connaissait pas de science économique au sens contemporain, c'était le droit qui fournissait les critères d'action et de choix ; ce que la justice, en tant que valeur morale et sociale, visait, tenait la place actuelle de la maximisation du profit.Les cours, à travers une histoire des mentalités, des institutions, des modes de vie anciens, analyseront la société romaine grâce aux savoirs qu'elle a développés pour se penser.
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May 25, 2022 • 54min

11 - Du bon usage de la richesse. Le droit comme économie morale à Rome

Dario MantovaniDroit, culture et société de la Rome antiqueCollège de FranceAnnée 2021-2022Du bon usage de la richesse. Le droit comme économie morale à RomeLes Anciens avaient une idée de l'économie différente de la nôtre : elle faisait partie de la philosophie, notamment de l'éthique. Elle était l'art du « bon usage des richesses » : « bon », car l'économie, en tant qu'administration des biens du foyer, dans leur dimension à la fois humaine et matérielle, avait un objectif précis, le bien-vivre au sens moral.Les moyens d'acquisition des richesses – le commerce, les échanges, les contrats – devaient eux aussi être « beaux et justes ». C'est pourquoi le droit romain, qui posait les règles valables dans ce domaine, peut être lu comme une technique du bon et du juste pour acquérir et gérer un patrimoine.Ainsi, par rapport à nos conceptions, la relation entre droit et économie s'inverse. Aujourd'hui, on tend souvent à analyser le droit par le biais de la science économique, pour le mettre à son service, dans un but d'efficience. Dans un monde comme celui de l'Empire romain, qui ne connaissait pas de science économique au sens contemporain, c'était le droit qui fournissait les critères d'action et de choix ; ce que la justice, en tant que valeur morale et sociale, visait, tenait la place actuelle de la maximisation du profit.Les cours, à travers une histoire des mentalités, des institutions, des modes de vie anciens, analyseront la société romaine grâce aux savoirs qu'elle a développés pour se penser.

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