NOTRE CHAOS POLITIQUE : explosion de la gauche, violence du bloc bourgeois - Bruno Amable
Oct 14, 2024
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Bruno Amable, professeur d'économie politique et lauréat du prix du meilleur jeune économiste, analyse la crise politique actuelle en France. Il explore la transformation du bloc bourgeois en une version néolibérale et autoritaire. Amable discute des fractures à gauche, les défis du macronisme et l'impact des réformes néolibérales sur les classes populaires. Il questionne également l'avenir de la gauche pour renouer avec ses électeurs et faire face à une extrême droite en croissance, tout en plaidant pour une vision politique innovante.
La crise politique actuelle en France est marquée par des fractures internes au sein des blocs de gauche et de droite, résultant des politiques néolibérales.
La désindustrialisation a profondément affecté le soutien traditionnel de la gauche, conduisant à une déconnexion avec la classe ouvrière et un recentrage sur les services.
Le bloc bourgeois, bien que fragile numériquement, est devenu central dans le paysage politique français, unissant les élites autour de l'agenda néolibéral.
Deep dives
La décomposition des blocs sociaux
La crise politique actuelle en France est caractérisée par la décomposition des blocs sociaux qui ont émergé depuis les années 80. Au lieu de simples blocs de gauche et de droite, il existe des fractures internes causées par l'application de politiques économiques néolibérales. Cela a entraîné des dissensions au sein de chaque bloc, telles que des tensions entre les composantes populaires et bourgeoises de la gauche, ainsi qu’avec celles de la droite, qui ont des visions divergentes sur l’intégration européenne. Cette dynamisation des enjeux sociopolitiques reflète une lutte déséquilibrée pour le soutien des groupes sociaux face à des attentes de plus en plus variées et conflictuelles.
L'héritage du programme commun des années 80
La période des années 80 a été marquée par un programme commun entre le Parti communiste et le Parti socialiste, qui prônait des nationalisations et des avancements en matière de droits sociaux. Cependant, cette dynamique a rapidement été interrompue avec le tournant néolibéral de 1983, qui a révélé la vulnérabilité de l'économie française face aux défis de la mondialisation. Ce tournant a dévoilé les faiblesses structurelles déjà présentes, rendant plus difficile pour la gauche de poursuivre des politiques véritablement progressistes. De plus, les réformes économiques ont souvent été assouplies et camouflées, renforçant les attentes contradictoires de base du parti socialiste envers sa sociologie traditionnelle.
Les conséquences de la désindustrialisation
La désindustrialisation a été un phénomène qui a touché profondément la classe ouvrière, traditionnellement l'électorat de gauche, tout en renforçant l'engagement des partis politiques vers une politique centrée sur les services. La gauche de l'époque a endorsé l'idée que la désindustrialisation était inévitable, et a dirigé son attention vers le secteur des services, supposé plus moderne et propre. Cela a contribué à l'abandon de la base sociale ouvrière, au profit d’une nouvelle soutenue par des classes plus éduquées et situées dans des secteurs d’activité en plein essor. Ce renoncement a particulièrement affaibli la possibilité d’un renouvellement du soutien populaire à la gauche.
L'émergence du bloc bourgeois
Le bloc bourgeois est apparu comme une réponse à la fragmentation des blocs de gauche et de droite, unissant les groupes les plus éduqués et aisés de chaque camp autour de la promesse des politiques néolibérales. Ce bloc est né de la volonté de préserver et de renforcer les intérêts économiques communs face aux crises internes des anciennes alliances politiques. Néanmoins, sa force repose paradoxalement sur sa fragilité numérique, rendant nécessaire son élargissement pour maintenir son influence. Les tensions entre les différentes composantes de ce bloc pourraient dynamiser des changements profonds dans le paysage politique français si elles ne sont pas résolues.
La radicalisation du macronisme et ses implications
Le macronisme représente une synthèse des stratégies néolibérales ancrées profondément dans le système politique français, exacerbées par l'autoritarisme. La tendance vers une réduction des libertés politiques et l'intensification des répressions à l'encontre des oppositions deviennent progressivement visibles. Ce mouvement de fond crée des lignes de fracture encore plus marquées au sein de la société française, où la gauche de gauche se trouve de plus en plus isolée. Face à cet environnement politique défavorable, il est crucial pour les forces de gauche de revitaliser leur message et leurs actions pour capturer l'imagination populaire et contrer efficacement le néolibéralisme croissant.
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Bruno Amable est professeur d'économie politique, prix du meilleur jeune économiste en 2000. Il écrit sur le changement institutionnel, l'innovation, la productivité et le néolibéralisme. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont "L'illusion du bloc bourgeois" et "Où va le bloc bourgeois ?" (avec Stefano Palombarini).
Dans cet entretien par Olivier Berruyer pour Élucid, il analyse la nature profonde et la stratégie du bloc bourgeois qui façonne le pouvoir, et sa reconfiguration en un « bloc de droite 2.0 », néolibéral et autoritaire. Il décortique les reconfigurations à l'œuvre à droite et à gauche et s'interroge sur les conditions d'émergence d'une gauche réellement susceptible d'être majoritaire et de défaire le projet néolibéral, sans trahir ses électeurs dans la complaisance avec un système économique délétère.
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