Un film de… (de la division du travail cinématographique)
Feb 20, 2025
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Jérôme Pacouret, sociologue et expert en histoire du cinéma, est accompagné d'Ariane Labed, réalisatrice et co-fondatrice de l'association des acteuristes, ainsi qu'Anna Colin Lebedev, spécialiste de la Russie et de l'Ukraine. Ils explorent la notion d'auteur au cinéma, questionnant la prééminence du réalisateur au détriment des scénaristes. Ils débattent également des dynamiques de pouvoir dans l'industrie cinématographique, tout en décryptant les conséquences sociopolitiques de la guerre en Ukraine. Ce dialogue captivant illustre l'importance de la collaboration et des voix souvent oubliées.
L'émergence du statut d'auteur au cinéma a des origines plus anciennes que la Nouvelle Vague et implique des tensions entre divers professionnels.
Les luttes de pouvoir entre réalisateurs, scénaristes et producteurs façonnent la perception et la valorisation des films dans l'industrie cinématographique.
La critique cinématographique influence la reconnaissance des auteurs tout en occultant souvent l'apport essentiel des autres contributeurs au film.
Deep dives
L'émergence de l'auteur dans le cinéma
L'émergence du statut d'auteur dans le cinéma ne repose pas seulement sur la Nouvelle Vague et la politique des auteurs, mais remonte à bien plus tôt dans l'histoire cinématographique. Jérôme Pacouré souligne que le concept d'auteur était déjà en développement depuis la fin des années 1900, lorsque les scénaristes et écrivains étaient souvent valorisés pour leurs contributions aux films. La façon dont le cinéma a été perçu et construit en tant qu'art a impliqué un processus de reconnaissance des auteurs, qui s'est disputé avec d'autres professions telles que les producteurs et les scénaristes, cherchant à établir leur propre statut. Cette lutte pour la reconnaissance a façonné les perceptions de qui est véritablement l'auteur d'un film dans le paysage cinématographique français et au-delà.
Les luttes de pouvoir au sein de l'industrie cinématographique
Les tensions entre différents professionnels du cinéma, tels que réalisateurs, scénaristes et producteurs, ont influencé la manière dont les films sont produits et perçus. Pacouré examine comment cette dynamique a conduit à la concentration du pouvoir entre les mains des réalisateurs, souvent perçus comme les auteurs incontestés des films. L'analyse des grands studios américains des premières décennies du 20ème siècle révèle combien ces luttes ont structuré non seulement les rapports de production, mais aussi les rôles attribués aux différents métiers au sein de l'industrie. Ces luttes ont des répercussions non seulement sur la reconnaissance des professionnels concernés, mais aussi sur la manière dont les films sont créés et valorisés sur le marché.
Le rôle de la critique dans la définition de l'auteur
La critique cinématographique joue un rôle clé dans la construction du statut d'auteur en influençant les perceptions du public et des professionnels. En légitimant certains réalisateurs comme des auteurs, la critique participe à la construction de leur réputation et à la canonisation de leur œuvre, souvent au détriment des autres contributeurs au film. Pacouré souligne que cette dynamique peut également entraîner des injustices, comme l'invisibilisation des scénaristes et des techniciens qui ont également joué un rôle crucial dans la réalisation d'un film. C'est une dynamique qui interroge la relation entre l'auteur et l'ensemble des collaborateurs qui contribuent à une œuvre cinématographique.
La distinction entre auteur et l'art collectif du cinéma
L'attribution de films à des auteurs ne signifie pas que la production cinématographique soit une affaire individuelle; au contraire, elle repose sur une collaboration collective. Pacouré remet en question l'idée que l'autorité de l'auteur doive être opposée au caractère collaboratif du cinéma, en affirmant que les deux peuvent coexister. En analysant comment le travail collectif se manifeste en termes de choix stylistiques et narratifs, il démontre que la reconnaissance de l'auteur renforce les valeurs artistiques au sein d'une équipe tout en soulignant les luttes de pouvoir qui existent derrière les caméras. Cette perspective permet d'ouvrir le débat sur la manière dont le cinéma est considéré comme un art et sur les implications de cette perception pour les différents professionnels impliqués.
Les inégalités de pouvoir dans l'industrie cinématographique
La notion d'auteur vient avec son lot d'inégalités, non seulement en termes de reconnaissance, mais aussi de pouvoir et de rémunération au sein de l'industrie cinématographique. Pacouré explore comment l'attribution d'un film à un auteur peut conduire à l'invisibilisation des autres professionnels, et comment cette inégalité contribue à des formes de pouvoir nuisibles, y compris des violences sexistes. Ce constat soulève des questions sur la façon dont la hiérarchie des rôles dans le cinéma peut affecter la création artistique et l'intégrité professionnelle. Le livre invite ainsi à réévaluer la signification de l'auteur dans le contexte d'une production cinématographique de plus en plus collaborative.
durée : 00:59:01 - La Suite dans les idées - par : Sylvain Bourmeau - Si le cinéma est un sport collectif, les films n'ont qu'un souvent qu'un seul auteur (ou autrice). Comment l'expliquer ? Le sociologue Jérôme Pacouret a mené l'enquête. Il est rejoint par la réalisatrice Ariane Labed. - réalisation : Jean-Christophe Francis - invités : Anna Colin Lebedev Maîtresse de conférences en science politique à l'université Paris-Nanterre; Jérôme Pacouret Sociologue, docteur de l'EHESS, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique; Ariane Labed Actrice
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