Dans cet échange captivant, Arnaud Orain, historien et économiste, et François Héran, démographe et sociologue, explorent la fin du néo-libéralisme. Ils discutent de l'évolution historique du capitalisme, des tensions géopolitiques avec la Chine, et des implications des changements dans le recensement en France. Orain met en lumière les rivalités entre États et entreprises, tandis qu'Héran aborde les enjeux migratoires liés aux nouvelles données. Une réflexion riche sur notre monde en mutation!
Le néolibéralisme, en déclin depuis quinze ans, laisse place à un capitalisme de la finitude axé sur la protection des industries nationales.
Les politiques économiques de la Chine, notamment via des méga-fusions d'entreprises publiques, illustrent une forme moderne de néocolonialisme.
Les rivalités maritimes révèlent l'importance stratégique des océans et le risque de redéfinition des règles d'échanges sous l'influence chinoise.
Deep dives
L'émergence du néolibéralisme et du capitalisme de la finitude
Depuis environ quinze ans, le néolibéralisme semble avoir perdu de son influence, annonçant un tournant vers ce que l'on appelle le capitalisme de la finitude. Ce concept se distingue de l'ancien modèle néolibéral qui prônait une forte concurrence et la destruction des monopoles. Les administrations républicaines et démocrates aux États-Unis, sous les présidences de Trump et Biden, ont adopté des politiques protectionnistes, remettant en cause les principes du libre-échange. Cela se traduit par des protections accrues pour l'industrie nationale, et la mise en place de droits de douane, ce qui témoigne d'un changement significatif dans la stratégie économique américaine.
La dynamique du capitalisme chinois
Le capitalisme de la finitude ne se limite pas aux États-Unis, mais se manifeste également en Chine, où le gouvernement met en œuvre des politiques économiques s'apparentant à une forme de néocolonialisme. Des méga-fusions d'entreprises publiques ont engendré des monopolies dans des secteurs stratégiques comme le transport maritime et le rail, et des projets tels que les Nouvelles Routes de la Soie illustrent cette ambition géopolitique. Parallèlement, l'affrontement indirect en mer Rouge, où les Houthis s'en prennent aux navires, semble favoriser les intérêts chinois en affaiblissant l'influence militaire occidentale. Cela souligne la complexité des relations internationales où la Chine tente de redéfinir les règles sur lesquelles reposent les échanges maritimes.
Une nouvelle vision historique du capitalisme
Le capitalisme de la finitude est souvent confronté à l'idée de finitude des ressources, un concept qui a émergé à différentes époques, remettant en question le capitalisme libéral. Historiquement, depuis le XVIe siècle, deux formes de capitalisme ont coexisté : le capitalisme libéral, porteur d'une promesse d'enrichissement, et le capitalisme de la finitude, enraciné dans une anxiété face à la rareté des ressources. Cette angoisse a toujours alimenté des rivalités pour le contrôle des territoires et des ressources, perçue à la fin du XIXe siècle comme une nécessité de réaménagement colonial face à une croissance démographique. Cela revient à envisager un monde où le partage et la concurrence s'intensifient, rendant difficile la prospérité partagée.
Le rôle clé des échanges maritimes
Les océans restent centraux tant pour le capitalisme libéral que pour celui de la finitude, avec près de 80% des échanges mondiaux se faisant par voie maritime. Cette importance économique est teinte de rivalités de puissance, où la militarisation des marines marchandes est essentielle pour assurer des lignes commerciales. Alors que les États-Unis ont longtemps été perçus comme le gendarme des mers, le déclin de leur hégémonie peut ouvrir la voie à de nouvelles règles maritimes imposées par d'autres puissances, principalement la Chine. Cela pose la question de la régulation des échanges dans un monde où les conflits d'intérêts convergent sur les mers.
Les implications de la cartographie historique dans les débats contemporains
Les débats actuels sur des sujets comme le recensement en France illustrent le besoin crucial de comprendre les dynamiques sociopolitiques à travers une analyse historique. L'introduction de questions sur les lieux de naissance des parents vise à mieux appréhender les inégalités à l'intérieur de la société française. Cela souligne aussi l'importance de saisir les transformations sociétales engendrées par la migration et ses effets sur les générations suivantes. Ainsi, la connaissance des origines peut alimenter des études approfondies sur l'intégration sociale et la structure démographique particulièrement dans un contexte de contestation politique et économique.
durée : 00:59:27 - La Suite dans les idées - par : Sylvain Bourmeau - Histoire mondiale et grands enjeux de notre temps - réalisation : Jean-Christophe Francis - invités : Arnaud Orain Historien, économiste, directeur d’études à l’EHESS; François Héran Titulaire de la chaire Migrations et sociétés au Collège de France et président de l’Institut Convergences Migrations du CNRS; Clémence Ducroix
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