Comment la France s’est fait chasser du Sahel [Rediff]
Dec 10, 2024
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Morgane Le Cam, journaliste au Monde Afrique et experte du Sahel, décrypte la chute de l'influence française dans la région. Elle explique comment la fin des accords de sécurité avec le Tchad exacerbe le sentiment anti-français, nourri par des ressentiments d'humiliation. Le rôle croissant de la Russie, via le groupe Wagner, est aussi analysé, contrastant avec les préoccupations françaises. La montée des djihadistes et la détérioration sécuritaire au Sahel soulèvent des inquiétudes quant à la stabilité future de la région.
Le rejet croissant de la présence militaire française dans le Sahel témoigne d'un échec stratégique et diplomatique de la France en Afrique.
Les nouvelles alliances formées par les juntes militaires face à la montée de groupes comme Wagner illustrent la complexité de la sécurité régionale.
Deep dives
Un départ militaire contesté
La France fait face à un rejet croissant de sa présence militaire en Afrique, particulièrement dans la région du Sahel. Des pays comme le Tchad et le Sénégal annoncent la fin des accords de sécurité qui les lient à la France, illustrant ainsi une tendance qui s'est intensifiée depuis 2022. Ce mouvement, bien que motivé par un sentiment général d'arrogance et d'humiliation envers la France, est en grande partie instrumentalisé par les régimes en place. Les dirigeants, souvent issus de coups d'État, utilisent la France comme bouc émissaire pour renforcer leur pouvoir et fédérer la population autour d'une lutte contre l'ancienne puissance coloniale.
Échec stratégique au Sahel
L'engagement militaire de la France au Sahel, qui a débuté avec l'opération Serval en 2013, montre des signes d'échec, malgré des succès initiaux. Bien que l'opération Serval ait stoppé l'avancée des djihadistes au Mali, la France a ensuite mal évalué ses capacités en optant pour l'opération Barkhane, déployant un nombre de soldats insuffisant face à un terrain vaste et hostile. Les djihadistes, ayant profité des frustrations des civils à l'égard de leurs gouvernements, ont continué à s'organiser et à mener des attaques, exacerbant les ressentiments envers les forces françaises. Ce contexte a permis un affaiblissement de la légitimité de la présence militaire française, alors que la situation sécuritaire n'a fait que se dégrader.
Influence croissante de la Russie
Avec le retrait des forces françaises, des groupes comme Wagner de la Russie commencent à exploiter le vide créé et à renforcer leur présence en Afrique. Grâce à des accords flous de soutien militaire en échange de ressources, la Russie séduit les États africains, en s'opposant à la France en se présentant comme une alternative non colonisatrice. Cependant, les résultats de l'intervention de Wagner dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso sont préoccupants, avec une escalade des attaques djihadistes et une détérioration de la sécurité régionale. Les nouvelles alliances formées par les juntes militaires, telles que l'Alliance des États du Sahel, tentent de contrer cette menace, mais elles luttent dans un environnement de violence croissante et d'instabilité politique.
L’armée française n’est décidément plus la bienvenue en Afrique. Le Tchad a annoncé le 28 novembre dernier mettre fin aux accords de sécurité et de défense qui liait le pays à la France. Au même moment le président sénégalais a demandé aux soldats français de quitter le Sénégal.
L’histoire semble se répéter de pays en pays au Sahel. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, une fois encore, l’armée française est chassée par des pays africains, dans la région du Sahel. Le sentiment de rejet à l'encontre de la présence militaire française grandit d’année en année, et ce mouvement montre bien l’échec de la politique africaine de la France.
Peut-on parler d’un échec de la stratégie militaire et diplomatique de la France et de son opération militaire « Barkhane » ? Comment la France est-elle passée d’allié principal dans la lutte contre les djihadistes à persona non grata, contrainte de quitter le pays ?
Dans cet épisode de « L’Heure du Monde », Morgane Le Cam, journaliste au Monde Afrique et spécialiste du Sahel, explique comment la France est devenue indésirable au Sahel.
Un épisode de Garance Muñoz. Réalisation : Florentin Baume. Musiques : Amandine Robillard. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi.
Episode initialement publié le 11 octobre 2023
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