"Société d’autopsie mutuelle" : l'intelligence au scalpel ?
Mar 28, 2025
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Arnaud Hurel, historien au Muséum National d’Histoire Naturelle et expert en histoire des sciences, plonge dans la fascinante Société d'Autopsie Mutuelle, fondée à la fin du XIXe siècle. Cette initiative audacieuse visait à relier le cerveau à l'intelligence, révélant les tensions politiques de l'époque. Hurel évoque également l'héritage de cette société sur la perception du don de corps à la science et explore comment les avancées scientifiques ont eu un impact durable, malgré peu de résultats concrets.
La Société d'Autopsie Mutuelle a été fondée à la fin du XIXe siècle pour prouver le lien entre physiologie et intelligence par l'autopsie.
Les membres de la société ont rejeté les croyances religieuses, souhaitant établir un matérialisme scientifique comme mode de connaissance exclusif.
Cette société a influencé la perception moderne du don de corps à la science, témoignant d'une évolution des relations entre science et culture.
Deep dives
Création de la Société d'Autopsie Mutuelle
En 1876, un collectif de médecins et d'anthropologues a fondé la Société d'Autopsie Mutuelle à Paris, motivés par l'idée de prouver le lien entre la physiologie et l'intellect à travers l'autopsie. Leur approche matérialiste rejetait les croyances religieuses et la métaphysique, et ils souhaitaient établir la science comme le seul mode de connaissance valable. Bien que leurs résultats aient été décevants, cette société a marqué le début du don de corps à la science en France, un phénomène qui persiste aujourd'hui. Leur philosophie complexe, influencée par les Lumières et le début de la pensée évolutionniste, va jusqu'à affirmer que la pensée est simplement une fonction de la matière.
Opposition à la religion et au positivisme
Les membres de la Société d'Autopsie Mutuelle étaient fervents opposants à toute forme de croyance religieuse, considérant la religion comme une menace à la rationalité scientifique. Ils ont même rompu avec le positivisme lorsqu'il a commencé à glisser vers des notions déistes. Cela montre à quel point leur engagement pour un matérialisme scientifique empreint de rationalité était intense et exclusif. Par conséquent, ils voulaient non seulement étudier le cerveau humain pour en déduire les comportements, mais aussi encourager une culture de l'athéisme et du scepticisme scientifique dans la société.
Méthodologie des autopsies
Le but des autopsies menées par cette société était de rechercher des indices physiologiques dans les cerveaux des membres décédés qui pourraient témoigner de leur intelligence et de leurs talents. Plutôt que d'étudier des sujets décédés d'une longue maladie, les membres cherchaient à analyser des corps de personnes mortes subitement, espérant que leurs cerveaux soient en bon état. Ils se concentraient principalement sur les caractéristiques cérébrales, comme les circonvolutions et les plis, pour tenter de corréler ces détails à la psyché de l'individu. Cette approche expérimentale de la psychologie comme une extension de la physiologie illustre leur vision simpliste mais ambitieuse de la science.
Réactions de la société et de la presse
Lors de la création de la Société d'Autopsie Mutuelle, la presse de l'époque a réagi de manière diverse, oscillant entre fascination et critique. Les représentants du courant radical étaient en général très favorables, tandis que les opposants, notamment ceux issus du camp spiritualiste, démontraient leur mépris avec ironie. La société suscitait un certain buzz à cause de ses projets atypiques, qui dérangeaient les conventions sociales en s'attaquant au traitement traditionnel de la mort. Le type de conflit qu'elle engendrait a également révélé une société en pleine redéfinition des relations entre science, culture et religion.
Héritage et longévité de la société
Bien que la Société d'Autopsie Mutuelle ait été fondée dans un climat de défiance envers les croyances traditionnelles, elle a réussi à perdurer jusqu'en 1914. Son longévité peut s’expliquer par l'évolution de la perception scientifique du corps et la reconnaissance du don de corps aux sciences médicales. Avec le temps, sa mission scientifique a été remplacée par un sentiment d'accomplissement civique, où les individus percevaient le don de leurs corps comme un acte d'utilité pour le progrès de la science. Cet héritage se manifeste jusqu'à aujourd'hui à travers le don de corps à la science et des questions sur l'enterrement civil.
durée : 00:58:48 - Sciences chrono - par : Antoine Beauchamp - A la fin du XIXe, un groupe de scientifiques s'est réuni autour d’une idée originale: autopsier leurs confrères à la recherche de preuves matérielles de leur intelligence. Sciences chrono part sur les traces de cette “société d’autopsie mutuelle”, imprégnée d’un matérialisme scientifique radical. - réalisation : Olivier Bétard - invités : Arnaud Hurel Historien au Muséum National d’Histoire Naturelle.
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