#133 - Croissance & pauvreté - Olivier de Schutter
Jan 13, 2025
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Olivier de Schutter, professeur de droit à l’Université de Louvain et rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté, aborde des thèmes cruciaux autour de la croissance économique et de la pauvreté. Il souligne que la croissance ne réduit pas toujours la pauvreté, mais peut l'aggraver. De plus, il propose de repenser la gestion des ressources et plaide pour une société post-croissance qui mette en avant le bien-être collectif. Enfin, il met en lumière l'influence des entreprises sur les politiques publiques et la nécessité de diversifier les approches économiques.
La croissance économique, plutôt que de réduire la pauvreté, peut en réalité l'aggraver, rendant nécessaire une nouvelle approche des politiques économiques.
Les promesses de la croissance verte sont illusoires, car aucune nation n'a réussi à croître sans augmenter son empreinte écologique.
Une société post-croissance doit privilégier le bien-être collectif et réorienter les ressources vers les besoins des populations défavorisées.
Deep dives
La mission des rapporteurs spéciaux de l'ONU
Les rapporteurs spéciaux de l'ONU sont des experts indépendants qui fournissent des recommandations aux gouvernements concernant des thématiques spécifiques, telles que l'extrême pauvreté. Leur mission comprend la création de rapports basés sur des visites dans les pays coopérants, contribuant ainsi à façonner les politiques gouvernementales et à soutenir la société civile. Dans le cadre de cette mission, il est crucial de porter une attention particulière à la manière de lutter contre la pauvreté, en allant au-delà des solutions traditionnelles centrées sur la croissance économique. Ce rôle met en lumière la nécessité de repenser notre approche des politiques économiques en relation avec les enjeux sociaux et environnementaux contemporains.
La problématique de la croissance économique et de la pauvreté
La croissance économique, souvent perçue comme une condition préalable à la réduction de la pauvreté, se révèle insuffisante et parfois contre-productive. Elle s'accompagne d'une logique où la richesse générée est inégalement redistribuée, laissant les populations les plus vulnérables non seulement exclues du développement mais parfois davantage vulnérables. Les débats politiques autour de la croissance privilégient des approches qui se concentrent sur le partage des bénéfices issus de cette croissance, négligeant d'autres voies possibles pour améliorer les conditions de vie. Face à ces constats, il devient impératif d'explorer des alternatives à la seule croissance économique pour lutter efficacement contre la pauvreté.
Les limites de la croissance verte
Les promesses de la croissance verte, qui suggèrent qu'il est possible d'augmenter le PIB tout en réduisant l'impact environnemental, se heurtent à des limitations pratiques. Les études révèlent qu'aucun pays n'a réussi à croître sans augmenter son empreinte écologique, mettant en évidence que la croissance verte est un mythe. Même si certains pays ont temporairement diminué leurs émissions de gaz à effet de serre tout en faisant croître leur économie, cela n'est pas universellement applicable. Cette réalité pose la question de la durabilité de nos modèles de production et de consommation actuels, incitant à remettre en question notre approche économique.
Les effets de la consommation des classes moyennes émergentes
L'émergence d'une classe moyenne dans les pays du Sud pourrait entraîner une augmentation significative de la consommation, imitant les habitudes de consommation des pays riches, ce qui soulève des inquiétudes écologiques. À mesure que les individus aspirent à un mode de vie occidental, leurs habitudes de consommation, notamment les voyages et l'utilisation d'appareils électroménagers, pourraient peser lourdement sur l'environnement. En conséquence, cela pourrait aggraver les défis climatiques que la planète affronte déjà, rendant encore plus difficile la réduction des inégalités. Cette dynamique nécessite une réflexion sur comment promouvoir des comportements de consommation plus durables et responsables.
Redéfinir les politiques économiques pour une société post-croissance
Une société post-croissance recentre l'accent sur le bien-être collectif plutôt que sur la croissance du PIB comme indicateur du succès. Cette vision cherche à prioriser les ressources pour répondre aux besoins des plus défavorisés et favoriser des progrès dans le domaine des services publics, comme l'éducation et la santé. Pour y parvenir, il est nécessaire d'implémenter des taxes plus élevées sur les patrimoines importants et de diminuer la dépendance à une croissance perpétuelle pour financer les services nécessaires à la population. Cette approche propose une refonte complète de notre système économique afin de créer une société plus équitable et durable.
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La croissance économique, vue depuis des décennies comme l'arme absolue de lutte contre la pauvreté, montre en réalité que - dans de nombreux pays - elle ne réduit pas la pauvreté mais l'accroit. Quels sont donc les moyens efficaces de lutte contre la pauvreté ? Faut-il se détrourner de la croissance pour des raisons écologiques et sociales ?
Pour y répondre nous recevons Olivier De Schutter, professeur de droit à l’Université de Louvain, rapporteur spécial pour les Nations Unies sur la question de l’extrême pauvreté et auteur de Changer de boussole : la croissance ne vaincra pas la pauvreté.
Interview réalisée par Maxime Thuillez à l'Académie du climat
