Julia de Funès, philosophe et spécialiste en management, et Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste, analysent le malaise croissant dans le monde du travail. Ils interrogent le sens du travail moderne face à des concepts comme le manifesting et le slashing. La quête de sens des jeunes diplômés est mise en avant, ainsi que les enjeux d'équité et de collaboration dans les entreprises. Ils discutent également des défis d'autorité au sein des équipes et des effets des anglicismes sur le vocabulaire professionnel, soulignant l'importance d'une réflexion sur la vertu et la bienveillance en entreprise.
L'introduction des concepts de 'manifesting' et 'slashing' illustre un changement de perception qui peut engendrer des attentes irréalistes en entreprise.
Le phénomène de 'brownout' souligne une crise de sens au travail, exacerbée par la technicisation et la complexité des tâches.
La dévalorisation de certaines professions face à l'ascension des métiers numériques crée une crise de reconnaissance et d'engagement parmi les employés.
Deep dives
L'impact du vocabulaire moderne sur la réalité au travail
L'introduction de nouveaux termes tels que 'manifesting' et 'slashing' reflète un changement dans la perception du monde professionnel. Le 'manifesting' se base sur l'idée que nos pensées et intentions peuvent réaliser nos désirs, ce qui peut créer des attentes irréalistes en entreprise. De son côté, le 'slashing', c'est-à-dire le fait de combiner plusieurs activités professionnelles, peut donner l'impression qu'il est nécessaire de maximiser ses expériences pour réussir, mais cela peut également mener à une dilution de la profondeur et de l'engagement dans un domaine. La valorisation de ces termes témoigne d'une tendance à privilégier l'optimisme superficiel au détriment d'une prise de conscience plus réaliste des défis du monde du travail.
La recherche de sens face à la technicisation des métiers
Le brownout, un concept qui désigne le manque de sens au travail, souligne une crise grandissante dans les entreprises modernes. Ce phénomène est exacerbée par la technicisation des tâches, où la complexité des rôles rend difficile la compréhension de leur finalité. Les employés se sentent souvent perdus dans des processus trop exécutifs qui ne leur permettent pas d'exercer leur vocation. Même des professions traditionnellement considérées comme significatives, comme celle de médecin, ressentent cette crise, car les exigences procédurales obscurcissent leur mission principale de prendre soin des patients.
Le faux sens du 'personal branding' et des anglicismes
Des termes tels que 'personal branding' illustrent la manière dont la culture managériale anglo-saxonne a pénétré la vie quotidienne, transformant les individus en marques sur un marché du travail concurrentiel. Cette 'managerialisation' a tendance à complexifier les discours tout en créant une pression pour se conformer aux standards de performance promus par les coachs et les influenceurs. En conséquence, une surcharge de jargon D'entreprise nuit à la clarté et peut mener à une confusion parmi les employés qui peinent à comprendre réellement leur rôle. Cette tendance soulève des questions sur l'authenticité des valeurs véhiculées dans le milieu professionnel.
La crise de la reconnaissance et des valeurs au travail
La dévalorisation de certains métiers face à ceux récemment créés dans le secteur numérique reflète une crise de reconnaissance au sein de la société. De nombreux travailleurs se sentent frustrés par une culture qui semble uniformiser toutes les professions, vénérant des rôles moins nécessaires au détriment de ceux ayant un impact réel. Ce nivellement des valeurs empêche une véritable reconnaissance des compétences et des contributions individuelles, rendant les employés insatisfaits de leurs statuts. À mesure que les entreprises luttent pour attirer et retenir les talents, la nécessité d'une redéfinition des valeurs professionnelles devient cruciale pour maintenir la motivation et l'engagement.
L'individualisme croissant et la redéfinition du travail
Le passage vers un régime de travail où le succès personnel prime sur les valeurs collectives indique un changement de paradigme générationnel. Alors que les jeunes privilégient l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ils perçoivent le travail surtout comme un moyen de financer leurs passions. Ce recul de l'importance du travail comme un but en soi a des conséquences sur la manière dont les entreprises doivent désormais s'organiser pour rester attractives. L'aspiration à un travail qui a du sens pourrait signaler un retour à des valeurs plus humaines et individualisées dans le monde professionnel.
durée : 00:52:02 - Répliques - par : Alain Finkielkraut - Il y aura un avant et un après confinement : comment définir aujourd'hui ce malaise grandissant en entreprise ? - réalisation : Alexandra Malka - invités : Julia de Funès Philosophe, essayiste, spécialiste en management et ressources humaines; Jean-Laurent Cassely Journaliste, chroniqueur, essayiste
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