Mercosur : pourquoi l’accord de libre-échange avec l’Europe dérange ?
Nov 22, 2024
auto_awesome
Dans cet entretien captivant, Maxime Vaudano, journaliste aux Décodeurs du Monde et expert en traités de libre-échange, décode les enjeux de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Il révèle les craintes des agriculteurs français face à une concurrence jugée déloyale en raison de normes moins strictes. Vaudano aborde aussi les tensions politiques, les préoccupations sur la sécurité alimentaire et les incertitudes quant à l'avenir de cet accord après 25 ans de négociations. Une analyse éclairante sur un sujet brûlant.
Les agriculteurs européens, craignant une concurrence déloyale, s'opposent à un accord de libre-échange qui menacerait leurs normes sanitaires élevées.
L'opposition politique en France contre le traité reflète des préoccupations environnementales, notamment concernant la déforestation en Amazonie liée à l'importation de viande.
Deep dives
Contexte et contenu du traité Mercosur
Le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, qui inclut des pays comme le Brésil et l'Argentine, vise à réduire les droits de douane pour favoriser le commerce entre ces deux blocs. Actuellement, les agriculteurs européens s'opposent à cet accord, craignant une concurrence déloyale, en particulier dans le secteur de la viande, où des concessions seraient faites pour augmenter les importations de viande bovine sud-américaine. Les négociations sur cet accord ont commencé en 1999, mais leur avancement a stagné à cause d'enjeux politiques et environnementaux, notamment sous le mandat de Jair Bolsonaro au Brésil. La situation a changé avec la réélection de Lula, qui a permis de relancer les discussions, amenant l'accord à être à nouveau sur le devant de la scène politique.
Réaction des agriculteurs et enjeux sanitaires
Les agriculteurs européens, notamment français, expriment des inquiétudes face à la perspective d'importations de viande sud-américaine produite selon des normes moins strictes. Ils craignent que la concurrence d'une viande moins chère, produite sans respecter les mêmes standards sanitaires, mette en péril leurs exploitations. Le podcast souligne que contrairement aux normes imposées dans l'UE, certaines règles, comme l'utilisation d'hormones de croissance, ne sont pas toujours respectées au Brésil, rendant difficile la vérification de la conformité des produits importés. Cette situation pourrait entraîner une perte de confiance et poser un risque pour la sécurité alimentaire en Europe.
Opposition politique et implications climatiques
L'opposition à cet accord se renforce non seulement parmi les agriculteurs, mais également au sein du paysage politique français, avec une rare convergence de la part de divers partis contre le traité. Des préoccupations environnementales sont également soulevées, notamment l'impact potentiel du traité sur la déforestation en Amazonie, où l'augmentation de la production de viande bovine pourrait exacerber la destruction des forêts. Bien que la Commission européenne propose des clauses environnementales pour atténuer ces effets, ces mesures sont jugées insuffisantes par les experts. Ainsi, le climat de méfiance autour du traité reflète un changement plus large dans l'opinion publique sur les accords de libre-échange, marqué par des événements récents qui remettent en question la viabilité de tels accords.
Depuis lundi 18 novembre, plusieurs syndicats agricoles organisent des actions sur le territoire français. Parmi leurs principaux griefs : un accord de libre-échange que l’Union européenne (UE) s’apprête à signer avec le Mercosur, le marché commun sud-américain qui réunit le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. S’il voit le jour, cet accord serait le traité de libre-échange le plus important jamais conclu par l’UE.
Il vise à supprimer la quasi-totalité des droits de douane sur certains produits vendus entre l’Europe et l’Amérique du Sud et vice versa : voitures, vêtements, vin mais aussi céréales et viande. Et c’est bien ce qui inquiète les agriculteurs. Car les pays du Mercosur sont soumis à des normes sanitaires, sociales et environnementales moins exigeantes que celles qui s’appliquent aux éleveurs européens. Ces derniers craignent donc une concurrence déloyale.
Mais, fait rare, ils ne sont pas les seuls en France à s’opposer à ce traité : la quasi-totalité de la classe politique française – dont le président de la République, Emmanuel Macron, et le premier ministre, Michel Barnier – s’y oppose également.
Pourquoi la France est-elle le seul pays européen à rejeter unanimement le projet d’accord avec le Mercosur ? A-t-elle le pouvoir d’empêcher sa signature ? Réponse dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », avec Maxime Vaudano, journaliste au service Les Décodeurs du Monde, spécialiste des traités de libre-échange.
Un épisode d’Adèle Ponticelli et Adélaïde Tenaglia. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi. Réalisation et musiques : Amandine Robillard et Epidemic Sounds.