Philippe Raynaud, Professeur émérite et expert en Victor Hugo, et Robert Kopp, professeur à l'université de Bâle, explorent les facettes politiques de Hugo. Ils évoquent ses obsèques emblématiques témoignant de son engagement républicain. La dichotomie entre romantisme et progression sociale dans ses œuvres est également mise en lumière. Leur discussion aborde la critique de la Révolution française par Hugo, la métaphore du corps social et la recherche d'une religion humanitaire, ainsi que la résonance de ses idées dans le monde moderne.
Victor Hugo, malgré l'hypocrisie potentielle de ses funérailles grandioses, incarne l'engagement humanitaire envers les opprimés et la reconnaissance sociale.
Sa vision critique du romantisme et de la Révolution française révèle une tension entre le progrès politique et les excès révolutionnaires.
Deep dives
Les funérailles de Victor Hugo
Les funérailles de Victor Hugo, le 22 mai 1883, sont décrites comme une œuvre magistrale, reflet d'une vie dédiée à l'art de la mise en scène. Bien que dans son testament il ait souhaité être porté dans le corbillard des pauvres, elles se sont traduites par une cérémonie grandiose, célébrant à la fois sa stature d'écrivain et son engagement pour les opprimés. Ce paradoxe soulève la question de l'hypocrisie éventuelle chez Hugo, mais selon les intervenants, il n'y a pas de contradiction entre sa quête de reconnaissance et son respect pour les humbles. L'État français a organisé ces funérailles comme un hommage national, marquant la réouverture du Panthéon aux figures républicaines et symbolisant l'unité nationale autour de l'auteur des Misérables.
La dualité de Victor Hugo
Victor Hugo est présenté comme un écrivain très populaire, mais paradoxalement, il n'a pas toujours été admiré par ses contemporains, notamment certains de ses pairs littéraires. Des critiques acerbes provenant d'écrivains comme Flaubert et Baudelaire illustrent ce fossé entre l'appréciation populaire et le recul de la critique sociale sur son œuvre. Même si son roman Les Misérables est considéré comme un chef-d'œuvre par le grand public, il est perçu par certains comme une œuvre de piété mal placée, véhiculant des idéaux élévateurs peu réalistes. Cette ambivalence souligne le fait que, même en tant que figure littéraire emblématique, Hugo a suscité des opinions divergentes au sein du milieu littéraire.
L'engagement politique de Victor Hugo
Victor Hugo incarne un romantisme progressiste, s'opposant à la fois aux injustices de son temps et à la peine de mort, tout en ayant une vision complexe de la Révolution française. Il estime que 1793, avec sa Terreur, est le sommet de la Révolution, où la lutte pour la justice sociale atteint son paroxysme. Cependant, il condamne également la violence des événements de cette période, reconnaissant une tension entre le désir d'amélioration sociale et les excès révolutionnaires qui y ont conduit. Sa position, affirmant que la Révolution doit être comprise dans son ensemble, reflète un engagement profond envers la démocratie et la liberté, tout en restant critique des méthodes employées pour y parvenir.
La vision humanitaire de Victor Hugo
La pensée de Victor Hugo s'articule autour d'un humanitarisme qui remet en question des concepts comme le péché originel, prônant une vision optimiste de la nature humaine et de la société. En déplorant l'injustifiable souffrance, il appelle à la compassion pour toutes les créatures, appréciant même les aspects les plus laids de l'existence. Ce sens inclusif de l'humanité se manifeste dans ses œuvres où il cherche à transcender les divisions traditionnelles entre le bien et le mal, proposant une voie vers la rédemption et le progrès. Sa vision, loin d'être antiquaire, trouve des résonances contemporaines, se reflétant par exemple dans les pensées modernes du Vatican sur la fraternité mondiale et la solidarité humaine.
durée : 00:52:26 - Répliques - par : Alain Finkielkraut - Retour sur la figure de Victor Hugo, dont l'œuvre à la portée et à l'autorité morale légendaires sut affirmer l’unité indissoluble du mouvement romantique et de la cause du progrès politique. - réalisation : Alexandra Malka - invités : Philippe Raynaud Professeur émérite de science politique à l'université Panthéon-Assas, membre de l'Institut universitaire de France; Robert Kopp Professeur à l'université de Bâle, correspondant de l'académie des sciences morales et politiques et directeur de la collection Bouquins.
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