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Trouver la Joie et le Réconfort en Temps de Chaos
Ce chapitre aborde l'importance de trouver du réconfort et de la joie en temps de crise, tout en mettant en avant la solidarité face aux difficultés. L'intervenant s'inspire de philosophes pour démontrer que la lutte contre l'adversité peut offrir un sens profond et revêt une dimension politique dans un monde individualiste.
Hello :)
Je ne sais pas si vous êtes abonnés à ma newsletter (hop), sinon voici le lien, c'est bimensuel et c'est gratuit : https://hop.kessel.media/
Plutôt que de vous faire un long discours, je voulais vous la proposer ici en vous la lisant.
Le sujet de la semaine dernière était celui de la joie rebelle qui me semble essentielle et que je traite ici.
Dans cette newsletter vous trouverez aussi les prochains invités de Vlan et Ping mais aussi 3 liens vers des articles que j'ai trouvé passionnant et que je vous résume.
Voici le texte :
Quand je dis que je regarde demain avec beaucoup de joie, j'obtiens souvent des regards incrédules. Comment peut-on être joyeux face au changement climatique qui s'accélère, à la "mort" de la DEI (diversité, équité, inclusion) aux États-Unis, à l'emprise grandissante de l'extrême droite en Europe, au triomphe de l'anti-intellectualisme ?
Le grand basculement : nous sommes dans l'entre-deux mondes
Depuis les années 1980, le sociologue Michel Maffesoli nous alerte : nous vivons une transformation aussi profonde que le passage du Moyen Âge à la Renaissance. La modernité née avec les lumières - et tout son système de valeurs et de croyances - est en train de mourir.
"Une étoile morte éclaire pendant longtemps encore avant de disparaître intégralement", m'a-t-il expliqué quand je l'interrogeais sur la lenteur de cette transformation.
Pour filer la métaphore de l’étoile, je crois que ce que nous vivons actuellement ressemble à l'explosion finale de cette étoile mourante – Une explosion, un dernier éclat spectaculaire avant l'extinction.
Les Trump, Musk, Zuckerberg et leurs semblables en sont les ultimes ambassadeurs, brandissant désespérément les valeurs d'un monde déjà révolu :
Nous vivons tous plus ou moins dans ce monde dans lequel nous sommes nés et qui régit encore, de manière tacite, nos modes de fonctionnement.
Les contours du monde qui vient
Maffesoli appelle timidement cette nouvelle ère la "post-modernité" car elle n’a pas encore vraiment de nom (elle sera défini par les historiens dans quelques centaines d’années).
Ce qui est évident c’est qu’on la sent très fort et qu’elle se dessine autour de 6 grandes mutations :
1. Le retour au tribalisme : l'émergence de petites communautés affectives et identitaires
2. La réhabilitation de la sensibilité et de l'émotion : la raison n'est plus l'unique boussole
3. La valorisation du présent : la fin de la dictature du projet et de la projection perpétuelle
4. Le triomphe du nomadisme : la fluidité remplace la stabilité, y compris dans nos identités
5. La réinvention du sacré : de nouveaux rituels contemporains émergent
6. La vision holistique : afin de prendre en considération la complexité du monde et de sortir de l’analyse pure
Je suis certain que vous pouvez ressentir ce monde qui vient doucement.
Par essence, ce moment, cette croisée des chemins entre 2 moments, nous amène a beaucoup de contradictions internes d’ailleurs.
Parfois je suis surpris de voir des personnes qui sont encore à 200% dans ce monde déjà mort mais je ne juge pas, j’y étais encore il y a quelques années et je sais que c’est un chemin à faire.
D’ailleurs, je suis encore partiellement là moi aussi bien entendu.
C’est passionnant à observer par ailleurs.
L'âge des turbulences
Évidemment, la modernité ne s'éteint pas sans combattre.
Elle montre même son visage le plus terrible, avec une violence inédite. On parle souvent du "retour de la force brute" en évoquant le masculinisme agressif des Zuckerberg, Bezos, Musk ou Trump.
Je regarde à nouveau actuellement "The Handmaid's Tale" (la servante écarlate), 8 ans après et les parallèles avec notre présent sont troublants : rejet des personnes LGBTQ+, chute de la natalité (on en parle bientôt sur Vlan ! et qui sera je pense accélérée par les microplastiques dans nos organismes), montée des fondamentalismes.
Non, nous n'en arriverons probablement pas dans la dystopie de la série, mais ces échos sont édifiants et on voit ici et là des choses qui résonnent – en particulier, j’ai vu des fondamentalistes forcer des femmes à donner leurs enfants.
Je pense que cette période va durer un petit moment, sans doute 10 ou 15 ans mais vous allez voir pourquoi je vous parle de joie !
De l'optimisme forcené à l'optimisme lucide
Les discussions avec des experts en géopolitique comme Luis Amado (ancien ministre des Affaires Étrangères portugais) que j’ai eu la chance de recevoir chez moi ou Pierre Haski, qui sera bientôt sur Vlan !, m'ont fait évoluer d'un optimisme parfois naïf vers ce que j'appelle un "optimisme-réaliste", certains parlent d’optimalisme.
Je ne vais pas vous raconter n’importe quoi pour vous faire plaisir, la période qui s'ouvre est complexe.
Il ne s'agit pas de rejoindre Harari qui évoque une potentielle 3ème guerre mondiale, mais d'accepter que certains combats aillent, probablement mais temporairement, dans le sens inverse de l'histoire.
Féminisme, démocratie, égalité, racisme, respect des droits de l’Homme…
Pour ceux qui en ont envie et qui se sentent déjà dans cette «postmodernité », ce temps doit nous servir à dépasser nos différences, à nous serrer les coudes autour de ce qui nous rassemble.
Arrêter de critiquer ceux qui ne sont pas parfaits, arrêter de parler des risques mais construire un programme qui donne envie comme le propose Arthur Auboeuf : se concentrer sur le bonheur et réaliser que cette utopie est aussi écologique.
Bien sûr, comme vous, je suis choqué à chaque fois que le monde bascule un peu plus dans l’horreur des excès de la modernité mais nous n’allons pas pouvoir y échapper donc utilisons notre énergie pour construire demain.
Je vous l’ai dit : optimisme mais réaliste.
La joie comme acte de résistance
C'est ici qu'intervient la joie dont je parle (enfin oui je sais ça aura pris un moment à venir).
Comme l'expliquait Camus dans "L'Homme révolté" (1951), la révolte, même ancrée dans la souffrance, procure une forme de joie existentielle. Le bonheur n'est pas le but du combat mais réside dans l'acte même de résister.
Le "Programme du Conseil National de la Résistance" pendant la seconde guerre mondiale n'était pas appelé par hasard "Les jours heureux".
Il illustrait cette idée que le combat collectif - même dans les heures les plus sombres - porte en lui une forme de bonheur partagé.
C’est intéressant de lire des auteurs de cette période.
René Char est l’exemple parfait de cette joie dans la résistance et la création d’un nouvel espoir.
Se battre, c’est refuser l’absurde, c’est affirmer la liberté contre l’oppression et c’est d’ailleurs de cette période qu’est tirée cette citation de René Char que nous utilisons tous : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. ».
Le combat même s’il est dur est une source de fierté et de joie car il redonne du sens à l’existence.
Agir sur le monde c’est déjà une source de bonheur d’ailleurs (Charles Pepin – la confiance en soi)
Un de mes auteurs favoris, le psychologue Viktor Frankl, enfermé dans les camps nous explique peu ou prou la même chose dans son ouvrage « Man search for meaning » et il va même plus loin puisque toute sa théorie se fait autour du « sens ».
Lui explique qu’il a survécu aux camps car le sens ultime était son amour pour sa femme, son désir de finir un travail psychologique et surtout son engagement à témoigner de ce qu’il voyait.
Il observe que dans les camps de concentration, ceux qui avaient un but, une mission à accomplir après la guerre, ou même une simple raison de survivre résistaient mieux psychologiquement.
Ainsi, lutter n’est pas seulement une action extérieure mais aussi une transformation intérieure.
Il observe que même dans l’horreur, certains détenus trouvaient du sens en aidant les autres, en récitant de la poésie, en trouvant des petites victoires sur la déshumanisation.
Finalement Frankl insistait sur le fait que, même dans des conditions extrêmes, l’humain garde une liberté fondamentale : celle de choisir son attitude face à l’adversité.
Comme Gramsci, il nous dit que l’optimisme de la volonté permet de surmonter le pessimisme de la réalité.
La joie est déjà là
Cette période de contraintes nous permet paradoxalement de redécouvrir l'essentiel. Comme l'écrivait Nietzsche : "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort."
La difficulté forge non seulement notre résilience mais aussi notre capacité à apprécier les petites victoires, les moments de solidarité, la beauté des choses simples.
Ma joie n'est donc pas celle d'un optimiste qui nie la réalité.
C'est la joie lucide de celui qui voit dans la tempête actuelle non pas la fin du monde, mais la fin d'un monde.
Et dans cette transformation douloureuse mais nécessaire, je trouve une raison profonde d'espérer car je sais que l’histoire nous donnera raison.
Le réconfort comme acte de résistance
Il se trouve que je viens de partager sur Vlan ! une conversation incroyable avec Marie Robert.
Elle développe dans son livre une idée qui résonne profondément avec notre époque : le réconfort n'est pas un repli douillet mais une nécessité vitale, presque un acte politique.
"On a tous et toutes un chagrin à raconter", dit-elle.
Cette vérité universelle prend une résonance particulière dans notre monde hypernumérisé où les algorithmes nous abreuvent de catastrophes en continu, nous laissant paralysés devant nos écrans, incapables d'agir.
Le réconfort dont parle Marie Robert n'est pas celui du plaid et du thé chaud (quoique en février on aime l’idée...). C'est avant tout une invitation à "retrouver le courage d'agir".
Dans un monde qui nous pousse à l'individualisme et à la paralysie, se réconforter devient un acte de résistance.
Comment ? En réapprenant à lever la tête.
Littéralement. Sortir le nez de nos écrans pour croiser le regard des autres, pour redécouvrir l'émerveillement.
Ce n'est pas un hasard si ce monde anxiogène nous pousse à baisser les yeux - regarder l'autre, c'est déjà commencer à retisser du lien.
Il y a une forme d'audace, aujourd'hui, à oser la disponibilité.
À ne pas optimiser chaque seconde de notre temps, à accepter ce que Trevor Noah appelle le "liming" : simplement être là, avec d'autres, sans autre but que d'être présent. Cela fait aussi écho à l’otium dont j’ai tant parlé ici.
Cette disponibilité est le terreau du réconfort.
Elle nous permet de renouer avec ce qui nous nourrit vraiment : l'amitié vraie (celle où l'on peut déposer son chagrin sans attendre de solution), le rire partagé (qui devient de plus en plus rare à mesure qu'on vieillit), l'émerveillement devant la beauté (même celle d'un simple trombone, comme le raconte une petite fille à Marie).
Alors oui, je maintiens ma joie face à ce monde qui change.
Mais j'y ajoute cette dimension essentielle du réconfort comme acte politique. Dans une société qui nous pousse à la performance et à l'urgence permanente, oser prendre le temps de se réconforter - et de réconforter les autres - devient un acte révolutionnaire.
Ce n'est pas un hasard si les pouvoirs autoritaires commencent toujours par isoler les individus.
À l'inverse, tisser des liens de réconfort, c'est déjà commencer à résister.
C'est peut-être même la première étape pour retrouver ce courage d'agir dont nous avons tant besoin.
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