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a vécu Seling, c 'est le Moulin de la Galette. Donc on est en plein cœur du Montmartre, de la Goulue, de Toulouse -Lautrec, le Montmartre des Cabarets, le Lapin -Angile qui est un petit peu plus bas, le Cabaret chez Pomme qui est un petit peu plus bas aussi, l 'avenue Junot. Donc c 'est le quartier de la bohème, c 'est le quartier des écrivains, le quartier des artistes, le quartier des cabarets, c 'est le quartier de la chanson, donc c 'est un quartier extrêmement vivant. David Aliot. Le docteur des touches est très pris pendant sa semaine avec son dispensaire, et le week -end avec Elisabeth Craig c 'est un peu la récréation. Et parmi les sorties de Céline, le week -end, notamment le dimanche, c 'est la Malamoura, c 'est la péniche d 'Henri Mahé qui est installée à Château, en banlieue ouest de Paris, une banlieue que Céline connaît bien puisqu 'il l 'a un peu fréquenté enfant avec sa mère. Et donc dans cette péniche c 'est un peu une sorte de cours des miracles. On vient déguisé, on est totalement libre, on raconte des histoires complètement folles. La femme d 'Henri Maé joue au piano, on danse, on chante, on rit. Il n 'y a pas de règles, il n 'y a pas de statut qui l 'est, il est à l 'égal des autres, des aventuriers, des aventurières, des femmes du monde aussi qui viennent, même des fois des filles de joie. C 'est la liberté totale. Et effectivement, Montselyne ne se déguise pas, c 'est pas trop le genre, mais oui, tout le monde raconte qu 'il faisait des petits sketches. il faisait des pas de danse un peu à l 'américaine, un peu au chaud à l 'américaine, qui faisait beaucoup rire à l 'époque, surtout qu 'elle était en tenue... enfin, dénudait un peu les jambes. Donc c 'était une ambiance extrêmement joyeuse, vivante. C 'était un peu l 'esprit de Montmartre finalement qui se déplaçait quelques instants dans la péniche d 'Henri Mahé à Château.
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... 'auberise crève le grain, Ni mon cœur fidèle, ni les roses. You, profondis, you, tedium, À la grand -vergue le petit homme, Ch guélant dans sa mâture. A le coulant, à la figure, Concatica sera bossue. Nous irons voir citadelle, à force d 'un prêtre sonctu, la cloche trois fois grosse comme elle. You profondis, yacht et léon, à la grandvergue le petit homme, chacun groulillant dans sa menture. Un eucoulant, grave figure. C 'est le qu 'on branle chaque matin pour faire lever tous les putains. Grosse bataille, petits putains, depuis l 'Irlande, au Dardanelles. Il est saoul, mais ça n 'a aucune importance. Il a fait comme il peut. Voilà l 'histoire. Maintenant, c 'est fini. Je vous embête. On
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sait qu 'il a eu une éducation musicale de petits bourgeois, famille petite bourgeoise, avec des cours de piano. Mais surtout, il a été médecin. Il avait cette fréquentation des salles de garde, des carabins. Et il avait aussi, je dirais que c 'était un homme d 'écoute. Michael Ferrié. C 'était un homme d 'oreille. Donc partout il passe, par exemple quand il va en Afrique, on le voit aussi là dans « Voyages au bout de la nuit », tout de suite, il capte, il choppe, il attrape tous les bruits aux alentours, un peu comme un preneur de son. Et il les remet dans les romans. Il a eu non seulement une éducation musicale, mais en plus je pense qu 'il avait ce don de l 'oreille là. Le chant vient par l 'oreille, la pensée se fait par l 'oreille, la langue de Céline, c 'est une langue orale, on le sait, enfin, travailler à l 'écrit évidemment de manière sublime, mais voilà, donc tout ce côté musical, chantonnant est très très important pour lui. A tel point que la chanson qui se trouve exergue de Voyage au bout de la nuit, la fameuse chanson des Gardes Suisses, il a quand même raconté que c 'est lui qui l 'avait composé. Donc c 'est Henri Maé qui raconte ça. Céline faisait croire que c 'est lui qui avait composé cette chanson. Ceci dit, il en a composé au moins deux, à Necoulanslant et règlement donc il a aussi pratiqué la chanson et quand il les chante on a deux enregistrements comme vous savez de Céline et quand il les chante il les chante a cappella très longtemps des dizaines d 'années je crois après les avoir composé et il les chante sans aucune erreur de parole donc ça va dire que c 'est vraiment quelque chose qu 'il a ça dans le tronion, comme il dit.
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Il y avait aussi la fameuse République de Montmartre, où on a quelques photos de Céline qui participe un petit peu à ce folklore traditionnel. Donc c 'est le moulin de la galette, et c 'est donc Céline imbité dans un appartement qui venait d 'être construit sur court, et donc il était sous les toits, et avec une vue notamment sur le ciel parisien, le ciel de Montmartre. Et le soir donc il s 'installe sur son bureau et il écrit, voyage au bout de la nuit, avec Paris qui dort à ses pieds, car Céline dormait assez peu. La nuit il était insomniaque, il dormait à peu près deux à trois heures par nuit. Sa principale activité le soir et la nuit venue c 'est l 'écriture. Docteur le jour écrivain la nuit.
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Il écrit quand il a le temps, c 'est -à -dire le samedi,
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le dimanche et surtout le soir. Il se mettait tout seul dans une pièce et puis il écrivait « Voyage au bout de la nuit ». Et la nuit, bien sûr aussi, le soir, la nuit, dès qu 'il avait un moment libre, de manière très secrète, parce qu 'il n 'en parle à personne, il montre... La publication sera comme une bombe, parce que même parmi ses intimes, on savait qu 'il écrivait, mais il n 'a jamais montré ses textes à personne. Il disait, il avait cette formule, mais fantastique, que tout écrivain,
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digne de ce nom, devrait se rémemorer chaque jour, c 'est... Quand j 'écris, je mets ma peau sur la table. Voilà. Si vous n 'êtes pas prêt à mettre la peau sur la table quand vous écrivez, il faut faire beaucoup d 'autres choses et être utile aux gens. Mais si vous voulez écrire, il y a une certaine notion de prise de risque et c 'est normal puisque vous allez très loin là où beaucoup d 'autres n 'osent pas aller.
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Mettre la peau sur la table, ça fait immédiatement penser, en peinture, aux écorchés, en particulier aux personnages de Marciasse, celui dont on retourne la peau, qui est à vif, on a ça chez Michel Ange
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notamment. Il se pénétrait de l 'écriture et il s 'enfermait, il était comme envouté par ce travail d 'écriture qu 'elle se consacrait entièrement. Donc c 'est un roman qui vient de lui, qui vient du fond, ça vient vraiment du fond de lui -même. Il sait qu 'il écrit un livre évolutionnaire. Il sait que ça va être une bombe. Mais ça, il s 'en doute bien. Il est très
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conscient. Il décrit ce qu 'il est en train de faire avec les mots, avec la langue, comme s 'il s 'agissait de travailler une patte. Donc on est dans quelque chose de très matériel, de très manuel. Et il assimile aussi naissance du livre au fond au cri d 'un enfant qui est en train de naître. Donc les mots, ce sont quelque chose de très très matériel, et quand il va, ça va évidemment de pair avec le fait qu 'il se décrive comme médecin. Donc on n 'est pas à distance, on ne travaille pas avec des gants blancs comme il dit. On travaille à même la matière. Donc il établit un rapport entre la manière dont il écrit et la chirurgie ou la médecine ou l 'obstétrique. Les mots, c 'est un matériau. Et ça, c 'est tout à fait nouveau. C 'est une autre vision de la langue. C 'est une vision de la langue évidemment que refuserait un classicisme ou des académiques. Puisque ça veut dire que là on plonge les mains dans les mots. «
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Ayant amalgamé tant bien que mal, disons -nous, hommes, bêtes et choses au gré de nos sens, de notre mémoire infirme, nous étendons le tout, c 'est l 'impression que le procédé nous donne, comme une patte sur le métier. Debout, quelle était la vie ? La voici couchée, ni morte, ni tout à fait vivante, horizontal, notre patte, entre les branches de l 'étau, maintenues, soumises à notre gré. C 'est en empoignant les deux côtés que nous travaillons, tirions, étirons cette patte de vie dangereuse, et refaites par chapitre. La voici torturée par le travers et par le large. Cette drôle de chose, presque jusqu 'à ce qu 'elle en craque. Pas tout à fait. Ça crie forcément. Ça hurle. Ça a jeun. Ça essaie de se dégager. On a du mal. Faut pas se laisser attendre rien. Ça vous parle alors un drôle de langage décorché. Enfin,
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à mon sens, le noyau. Che lui c 'est ça, tout le temps. L 'empoignade sexuelle. L 'empoignade sexuelle et l 'empoignade textuelle, c 'est la même. C 'est -à -dire qu 'il empoigne le matériau verbal, comme la viande des femmes. Tout ça c 'est de la viande. La viande étymologiquement, c 'est Ui -Wanda, c 'est ce qui sert à vivre. Le
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principal témoin de l 'écriture de Voyages au bout de la nuit c 'est Colette Turpin -Detouche, donc la fille unique de l 'écrivain. Elle voyait son père écrire et en fait il avait une curieuse façon de noter son inspiration parce qu 'il marquait les choses sur les murs. C 'est -à -dire qu 'une phrase lui plaisait bien, il l 'inscrivait sur les murs, sur le papier peint, et il se remettait à l 'écriture et quand il avait besoin de cette phrase -là, il déambulait dans l 'appartement, retrouvait la phrase sur le mur et la rayait et la mettait dans son manuscrit. Chose aussi amusante, il y avait le nom de ses maîtresses. Céline notait le nom de ses maîtresses sur le mur, donc des fois il les rayait une fois que c 'était terminé. C 'était une façon de concilier sexe et d 'écriture au même endroit. Oui,
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pour moi son écriture elle est charnelle. Deny Lavant.
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Elle sensation. cette vigueur répartie en faisceaux fuyants et consentants, au palpé, je ne pouvais me lasser de la poursuivre. Sous la peau veloutée, tendue, détendue, miraculeuse. Le corps, une divinité tripotée par mes mains honteuses.
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Ce que j 'aime aussi très certainement, ce qui me tient aussi au corps dans la lecture de Céline, c 'est... Marie -Hélène Lafont. C 'est ce que sa langue fait au corps des femmes. Il y a aussi quelque chose là qui attrape, saisit, qui est opaque. Ça reste opaque. Et de toute façon, toutes les grandes écritures qui me tiennent à corps et à cœur sont marquées par ça, c 'est -à -dire l 'entremêlement de ces deux registres. Il y a une façon très particulière d 'empoigner ce que j 'appelle, moi, le corps du monde, c 'est -à -dire le paysage. Pas seulement le corps des femmes, les arbres, une rue, la banlieue. Donc, décrire ce qui n 'est un décor, jamais, jamais. Il y a un mouvement qui m 'a toujours beaucoup saisi, c 'est -à -dire que c 'est dans ces zones de textes -là qu 'il est capable d 'écrire, par exemple une formule à laquelle je pense très souvent, au sujet des arbres, dans les parcs, quand ils ont mis la feuille comme maintenant là, et qu 'ils sont charnus, ils parlent du velours vivant. Le velours vivant. Ça, c 'est d 'une justesse absolue. Encore une fois, on l 'a sous la main en l 'entendant, le velours vivant, et... c 'est ça ce que j 'appelle la tendresse. Le
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long doigt du gaz dans l 'entrée, cru et sifflant, s 'appuyait sur les passants au bord du trottoir et les tournait en fantôômes agarres et pleins, d 'un seul coup, dans le cadre noir de la porte. Ils allaient ensuite se chercher un peu de couleurs, les passants, ici et là, devant les fenêtres et les lampadaires, et se perdaient finalement dans la nuit. Noir et mou. Et
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ce qui m 'a frappée, c 'est que quand il est question d 'un paysage urbain, parce que c 'est quand même beaucoup plus souvent le paysage urbain chez lui, et bien souvent il va, pour faire entrer, parce que j 'aime pas le mot description, c 'est un mot redasse qui vous fiche les choses, pour faire entrer le corps du paysage dans le texte, il va aller dans le registre d 'un lexique qui est un lexique du corps, il va parler de la glaire la Seine par exemple, la glare de la Seine, la route, petite route dans un coin de banlieue comme ça, bien pourrie, bien perdue, elle pousse son bout de langue, la route. C 'est une manière vous voyez de communiquer à toute cette matière énorme, inépuisable, c 'est Claude Simon qui dit ça, l 'inépuisable réel. C 'est une manière de s 'empoigner avec le corps des femmes, éventuellement des enfants, éventuellement des bêtes, éventuellement du monde. Ainsi
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tourne le monde à travers la nuit énormément menaçante et silencieuse. Ils ne voyaient rien évidemment, mais ils sentaient l 'air. Ils les allongeaient alors ses bras comme ça dans son noir, comme pour toucher le bout. Ils pas y croire. Du noir tout à lui. Il était arrivé au bout lui aussi. On ne pouvait plus rien dire. C 'est
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le silence qui parle dans ces livres. Ceux qui parlent, ce sont... J 'ai presque envie de vous dire, c 'est le vent qui parle. C 'est l 'opacité qui parle. C 'est le balai de bébert qui parle. C 'est la poussière qui parle. Les choses. Vous savez, les médecins jadis, ils mettaient leur oreille pour écouter à l 'intérieur des corps. Pour écouter. Moi j 'ai le sentiment que ce que Céline nous donne à entendre c 'est ça. C 'est le fracas énorme, indéchiffrable de l 'intérieur, de nos corps et de l 'intérieur du monde. ... Il
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me semble qu 'il y a deux grands types d 'écrivains. Bon, tout écrivain invente sa langue. C 'est ce qui fait qu 'on reconnaît un écrivain. Quand on lit une phrase de Stendhal, une phrase d 'Aragon, on reconnaît. Mais en plus, il me semble qu 'il y a une catégorie écrivain, qui sont moins représentées, qui non seulement inventent leur langue mais réinventent la langue. Et ça il n 'y en a pas beaucoup par siècle. Au 20e siècle il me semble en France il y a Proust, Céline, peut -être Jeunet, peut -être Duras. Et à mon avis, ça fait une différence. C 'est -à -dire qu 'on ne peut plus tout à fait écrire le français après, comme avant. Et c 'est pour ça que Céline est un peu exceptionnelle,
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ça signifie déjà du travail, mais du travail inutile, parce qu 'ils ne sont pas à la mesure de l 'époque, ni dans le ton de l 'époque. Ce qui m 'intéresse, c 'est le rendu émotif par les mots. C 'est le message direct au système nerveux. Tous ces admirables auteurs ne jouent pas assez près du nerf, à mon sens. Je hais la prose. Je suis poète et musicien raté. Le babillage m 'assomme. Vive Aristide Bruan, Villon, Shakespeare, Joachim du Bélé, Barbus, horreur de ce qui explique. Tout
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n 'est que blablas, c 'est -à -dire tout n 'est que recouvrement, par des fausses phrases, par une langue fausse, une langue qui est corsetée, pour empêcher la vie de jaillir à travers elle et pour empêcher la vérité de jaillir à travers elle. Il y a une seule et même chape de plomb verbale qui est le beau langage, le langage lettré, le langage de ce qu 'il appelait la gagadémie, donc le langage académique. C 'est sa découverte, c 'est son génie, sa génialité, elle est là aussi dans la compréhension que le langage ou la langue, les langues humaines, en tout cas le français qui connaît très bien, est un langage de mort. Et lui il ne veut pas se laisser mourir, il ne veut pas se laisser enterrer, il a une grande, une énorme, une extravagante vitalité qui est patente lorsqu 'on le lit, donc une vitalité qui devient une vitalité verbale quand il se met à l 'écriture.
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Effectivement dans lequel il creuse comme dirait M. Allarmé, il s 'enredage jusqu 'à trouver la bonne forme. Et c 'est vrai que la récompense, c 'est sa prose qui est géniale, qui est poétique, où il n 'y a pas un mot en trop. Qui est fluide, qui est authentique, qui est imagée, qui est très forte, qui est émotionnellement très forte. Et puis qui est lisible de haut en bas de l 'échelle sociale. C 'est pour ça que c 'était un succès aussi populaire, le voyage au bout de la nuit. Pas seulement par le sujet, parce que c 'est une écriture qui est imagée, qui est poétique, donc qui retentit. Qui n 'est pas un truc que pour réserver aux intéleaux, quoi. Ils nous font chier avec l 'argot. On prend la langue qu 'on peut, on la tortille comme on peut, elle jouit ou elle jouit pas. Voltaire me fait jouir. Bruant aussi. C 'est le pageau qui compte, c 'est pas le dictionnaire. Tous ces raffignoleurs d 'argot suent l 'impuissance. Les mots ne sont rien s 'ils ne sont pas notes d 'une musique du tronc. Ce n 'est pas de grossièreté qu 'il s 'agit, mais de transposition du langage parlé en écrit. Vous dire merde, ce n 'est rien. Vous botter le cul, pas grand chose. Mais faire passer tout ceci en écrit, voilà l 'astuce. Il
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y avait pas mal de candidats à l 'époque de Mac Orland, d 'Orgelès, il y avait plein de candidats à faire un peu du folklore populaire. Les gens croient qu 'il y a plein de mots d 'argot dans l 'œuvre de Céline. Oui, il y a des mots d 'argot, mais c 'est la syntaxe. C 'est la syntaxe qu 'il a explosé. C 'est pas le lexique, parce qu 'il a mis des petits mots un peu grossiers. C 'est comme Jeunet, c syntaxe qui est bousculée. Le coup d 'éclat de Céline, c 'est d 'avoir perçu que... Henri Godard. On pouvait utiliser le français autrement qu 'on utilisait d 'ordinaire. Tous les leaders politiques, les hommes politiques, ils pouvaient écrire des pages et des pages et des romans, ils n 'avaient pas véritablement, ils ne donnaient pas le sentiment d 'être avec ceux qui prétendaient défendre, puisqu 'ils étaient de l 'autre côté de la barrière en ce qui concerne l 'emploi de la langue. Et du coup, Céline, c 'est sa première étape, ça n 'est que la première étape parce qu 'ensuite, il ira beaucoup plus loin à partir de ce point de départ, Céline fait le choix d 'un langage non pas populaire comme on le dit bien sûr, mais d 'un langage à tonalité populaire pour aller se sentir de l 'autre côté de la barrière. Et c 'est visible dès la première phrase, ça a débuté comme ça, ce qui est une manière populaire, en répétant le ça deux fois, c 'est une manière populaire de s 'exprimer. Il aurait pu dire les choses avaient mal commencé ou bien mes malheurs ont commencé comme ça, etc. Il écrit ça a débuté comme ça et ça enfonce le clou d 'un choix de langue complètement différent. Moi qui suis né au cœur de Paris à côté des Halles dans un quartier qui est là, ça a été entièrement, dans tous les pauvres ont été virés, mais où j 'entendais l 'oralité populaire, elle était marquée dans mon enfance. Yves
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Le choc qui est la transcription de l 'oralité dans une langue qui, par ailleurs, a des élégances, des raffinement très anciennes et joue donc quand même ça sur une inscription de l 'oralité dans l 'écrit, pour moi j 'avais jamais lu ça nulle part. Et je ne pensais pas que ça pouvait faire partie de la littérature. Je pensais pas que cette espèce de grand babillage populaire, de l 'écho comme ça de ce qui se passe dans un bar à 3h du matin quand tout le monde parle, etc., pouvait se retranscrire dans un livre. Donc pour moi, c 'était un étonnement formel, mais qui a aussi du sens, qui n 'est pas qu 'une question de forme, puisque c 'était aussi l 'inscription d 'une mémoire, d 'une mémoire populaire dans la littérature. Si vous voulez, là où on
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est aujourd 'hui, on est à Montmartre. La population a changé, mais... Il y avait effectivement un Paris populaire qui a disparu. Lorsque je travaillais dans Paris, on faisait du dépannage sur toits. Ça s 'appelait faire de la corvée. On était dans les chômes de bonne. Donc on faisait ça dans Paris, plutôt parisante. Il y avait plein plein, par exemple, de petits artisans, hommes et femmes qui travaillaient dans leurs chômes de bonne. C 'est à côté de leur lit. L 'atelier il était entre la plaque de cuisson et le lit. Oui donc tous les personnages de ces lits, ces petits gens, ces petits commerçants, mais tous on peut souvenir de l 'épicerie d 'avant l 'épicier arabe. ce sont des personnes assez lignes, sans blotting quoi, c 'est à dire... on a tous vécu, on les a tous vus, personne ne peut détruire une langue si ce n 'est qu 'on arrête de la parler, donc Seligny Lappan, c
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'est vrai qu 'il en fait quelque chose d 'assez magnifique.
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Moi, seulement la chanson m 'enchante. Si ça chante, ça va, et merde ! Je te grèverai, charogneux, un vilain soir. Je te ferai dans les mireux, je suis populaire. Je veux pas avoir l 'air intelligent et je le suis pas. La preuve où j 'en suis tombé, de couplet en couplet. En vrai qu 'on... Et
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donc c 'est une littérature je dirais qui se... en mobilisant cette langue qui s 'oppose à une littérature des belles manières et qui s 'oppose à une euphémisation systématique de la violence sociale. Philippe Groussin. C 'est que la langue populaire et l 'argot, au fond, ce sont des moyens de refuser une réconciliation entre les classes sociales, de refuser une réconciliation après la première guerre mondiale. Et l 'autre point, c 'est que, au fond, mettre la langue populaire dans le roman, ça revient à repoétiser le roman. C 'est -à -dire qu 'on va au -delà de l 'opposition prose -poésie.