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144/2. Nos illusions face au vivant : les mythes qui façonnent notre rapport au monde - MARC-ANDRÉ SELOSSE

Sismique - Le monde change et on n'y comprend rien

CHAPTER

Complexité et Évolution des Organismes

Ce chapitre traite de l'évolution des organismes vivants, mettant en lumière la diversité et l'adaptabilité des espèces comme les bactéries et les champignons. Il remet en question les perceptions anthropocentriques des plantes et souligne l'importance d'une compréhension scientifique honnête de leurs mécanismes d'adaptation dans les écosystèmes.

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Speaker 1
Et on se retrouve encore en haut puisque nous on se voit comme les plus complexes
Speaker 2
et c'était mon interview avec James Rydell où il citait ça qui a travaillé sur le vivant et l'intelligence vivante, on va revenir sur le terme qui disait bah finalement on a une autre manière de voir ça c'est que de se dire que everything is equally evolved, tout est à une même temps pour évoluer et que donc il n'y a pas d'être plus évolué. Mais la fiche
Speaker 1
est vraiment résue. De toute façon, tout le monde évolue depuis aussi longtemps. Voilà. On évolue, c'est notre concept commun. Donc là, c'est clair. Et
Speaker 2
donc là, il y a un élément de compréhension intéressant que vous partagez dans votre livre qui est qu'on ne va pas vers toujours plus de complexité, parce qu'évidemment, on a tendance à... ça fait partie de cette idée que l'homme est en dehors de la nature et qu'on est la création ultime, l'évolution ultime. Donc est-ce qu'il y a un mouvement vers quelque chose dans l'évolution et qui est plus et un mouvement vers nous ? Ben, pas vraiment. Disons que nous, nous sommes un des mouvements de
Speaker 1
l'évolution, c'est clair, on est apparus, mais on n'est pas obligés de faire plus complexe. Alors, il y a en fait autour de la complexité deux idées différentes. La première, c'est que la complexité peut être cachée. Et, alors j'en parle pas trop dans le livre, mais on peut en parler entre nous, là. Une des choses, moi, qui me fascine, et qui a une forme d'esthétique pour qu'il l'étudie, mais c'est moins facile, peut-être, à partager avec des gens qui sont pas un peu biochimistes, c'est la façon dont certaines bactéries arrivent à avoir des moyens de faire de l'énergie absolument extraordinaires. On a qui font réagir l'hydrogène et le CO2 pour obtenir de l'énergie. C'est les bactéries qu'on a dans les méthaniseurs. Parce que le déchet, c'est le méthane. Voilà. Et on en a d'autres qui font rouiller le fer. C'est d'ailleurs elles qui ont fait un festival, sans doute, quand la photosynthèse a été inventée et qui sont bien pour lécher jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de fer. Et que ça empêche les qui produisaient de l'oxygène de continuer à faire de la photosynthèse. Mais en tout cas, il y a des bactéries qui oxydent le fer, et la rouille, ça se fait spontanément, mais beaucoup plus lentement, en réalité, que quand il y a de ces bactéries qui s'installent, et qui aident la rouille à se produire, et qui vivent de ces réactions-là. Et quand vous regardez bien, il y a en fait une complexité dans des bactéries ou des petits organismes qui sont faits de cellules uniques et toutes petites, qui sont notamment des systèmes immunitaires incroyables. Des systèmes immunitaires incroyables qui notamment sont capables de mémoriser l'ADN des maladies qu'ils ont eues en l'intégrant dans leur ADN, de façon à ce que si un ADN semblable rentre, ils sont immédiatement détruits. C'est qu'il y a des processus de mémorisation des attaques, de mémorisation chimique, c'est pas la mémorisation consciente, on est d'accord. Donc il y a des fois une complexité qui ne se voit pas. La complexité, c'est pas que la forme, c'est aussi la façon de fonctionner. Quand vous regardez la façon dont est fait le génome du virus de la Covid, c'est trop bien, L'ensemble des gènes est lu d'un trait et à chaque moment, la lecture peut s'arrêter. Et les gènes sont classés par ordre de quantité de produits nécessaires. toujours lus, puis vers la fin, il y a ceux qui sont moins lus, et comme le décrochement se fait, on arrive moins souvent à les lire, et du coup, on se retrouve avec un système dans lequel les produits de ces gènes sont moins abondants, et correspondent en fait à l'abondance souhaitée. Non, il ne faut pas, parce qu'on est gros et complexe, imaginer que cette complexité morphologique est la seule vivant. Mais surtout, des fois, faire simple, ça marche mieux. Alors ça veut dire rester simple ou redevenir simple. Par exemple, les champignons sont faits de filaments qui font des réseaux complexes qu'on appelle des mycéliums. Il y en a qui, dans les zones où il y a de l'abrasion, où il y a beaucoup de liquide, ils redeviennent unicellulaires. C'est que quand les cellules se divisent, au lieu de faire un début de filament, elles se séparent. Et à ce moment-là, c'est ce qu'on appelle les levures. C'est ce qui est adapté à faire du pain. Nous, on en a sur la peau, qui font partie de notre microbiote, justement, de ces microbes qui nous aident à être en bonne santé, des malassésia en l'occurrence. En fait, on peut être plus simple morphologiquement ou même plus simple chimiquement. Et je vais vous donner un exemple d'une grande réussite biologique qui est une bactérie toute simple, Escherichia coli. Vous et moi, on en a dans le tube digestif plusieurs dizaines, si ce n'est plusieurs centaines de millions. Donc, il y en a plusieurs dizaines, plusieurs centaines de millions de fois plus que d'humains. Et puis comme on en a dans les animaux, en fait, il y en a encore même beaucoup plus. Et dans le tube digestif des animaux, Echerichia coli, c'est une toute petite cellule avec un tout petit peu plus du tiers de nos gènes, un nombre de gènes, un fonctionnement relativement simple, quelques mécanismes un peu bien, parce qu'ils permettent à un petit flagelle de les déplacer vers des sources de nourriture, mais honnêtement, voilà, il n'y a pas besoin d'être complexe. Et ça, Darwin l'avait repéré. Il avait dit que la simplicité des microbes était sans doute leur façon d'être adapté.
Speaker 2
Oui, donc on voit que ce qui compte, c'est l'adaptabilité. Et
Speaker 1
quand on regarde les trajectoires évolutives des organismes, on voit des régressions de la complexité. Par contre, il y a un truc qui est trompeur. Stephen Jay Gould, un grand évolutionniste américain, le souligne. C'est que, comme les espèces ont des trajectoires erratiques, elles peuvent devenir plus ou moins complexes. Mais donc, il y a toujours un moment où une espèce devient plus complexe que ce qui existait avant. Et donc, quand maintenant vous regardez toute la biosphère, la complexité maximale augmente. Non pas qu'il y ait une tendance de chacun à devenir plus complexe, mais que dans l'exploration, à partir d'un point de niveau plus complexe ou moins complexe, vous finissez par arriver à du plus complexe qu'avant, par hasard. Pas nécessairement. Mais du coup, il y a une tendance à ce que, de plus en plus, on ait des organismes complexes. Mais ils ne sont pas nécessairement, ils peuvent redevenir plus simples.
Speaker 2
Alors toujours dans cette idée de communiquer un peu votre fascination, vous parlez des plantes en particulier, et du fait qu'on a tendance à utiliser le mot intelligence, intelligence du vivant, parce qu'en fait on ne sait pas trop quoi dire, et vous préférez le terme d'adaptabilité ou même de plantalité. Est-ce que vous pouvez parler de ce principe, de cette idée que ça nous échappe en fait ? On ne peut pas penser ce qu'est être une plante. Qu'est qui vous fascine là-dedans ? C'est
Speaker 1
vrai qu'il y a toute une littérature qui a révélé l'intérêt pour les plantes, qui sont absolument partout. S'ils regardent le balcon, ils sont ouverts. Donc il y a des plantes partout, mais on finit par ne plus les voir. Et cette littérature, elle a réveillé la plante en lui donnant des attributs, en montrant qu'elle avait des attributs qui ressemblaient aux attributs humains ou animaux. De la mémoire, de la coopérance, de l'entraide, de l'intelligence. Alors, ça, c'est vrai que ça réveille les gens. Pourquoi ? Parce que, ah, évidemment, on s'intéresse beaucoup à nous-mêmes. Alors, découvrir que les plantes ressemblent à nous-mêmes, waouh ! Mais en fait, ça, c'est hyper anthropocentrique. Et ça n'explique pas du tout ce que sont les plantes en elles-mêmes. Et c'est un des moments dans le livre en particulier où je me lâche un peu, je raconte ce que c'est qu'une plante pour montrer combien c'est beau en soi-même, juste pour faire un peu de teasing. Dans une plante, il n'y a pas vraiment de cellules, et donc transmettre de l'influx nerveux d'un bout à l'autre de la plante, ça ne demande pas de neurones, donc elles arrivent à transmettre des signaux électriques, même sans neurones, et comme il n'y a pas grand de cellules, il n'y a pas de cancer. Personne ne raconte ça. Tout le monde dit oui, la plante est intelligente, et donne des exemples de moments où il y a des trucs qui ressemblent à de la mémoire, alors que c'est sans doute, c'est complètement inconscient. Bon, en fait, ces métaphores-là ne sont pas libératrices, parce qu'elles ramènent l'auditeur à ce qu'il est, au lieu de le pousser vers ce qu'il n'est pas, et en particulier vers ce que sont les plantes en elles-mêmes. Quand vous taillez une plante, vous pouvez avoir l'impression, quand vous voyez les gens tailler à la tronçonneuse des platanes sur une avenue, vous avez l'impression d'une mutilation. Et ce n'est pas du tout le cas. Vous, si on vous taille un bras à la tronçonneuse, c'est une mutilation. Oui, ça ne va pas repousser. Mais les plantes sont faites, comme elles ne sont pas mobiles, pour repousser quand elles sont blessées par le vent, par le poids de la neige, par une maladie qui atteint une branche et qui la fait casser. Elles sont faites pour repousser. D'ailleurs, elles sont très modulaires. Une plante, c'est un truc, c'est un bout de tige avec une feuille. Et vous répétez ça une fois, sachant que la feuille tombe rapidement, et le bout de tige ensuite ne fait que s'épaissir. Enfin, c'est pour les parties aériennes, ça. Mais la croissance des racines est très répétitive aussi, et c'est pareil pour les racines. S'il y a une taupe qui passe en détruisant une racine, ça repousse. Donc, si vous arrêtez une métaphore anthropique, la taille est une mutilation. Si vous avez compris que ça fait partie de la biologie de la plante, il ne reste plus qu'à tailler bien. À la bonne saison, avec une taille nette, surtout pas à la dépareuse ou avec ces outils qu'utilise la voirie qui arrache les branches c'est l'horreur totale il y a une façon de bien tailler mais tailler n'est pas contre nature ce que je veux dire plus globalement c'est que non seulement ces métaphores d'intelligence des champignons moi même je dirais pas où je suis interrogé dans un chapitre de livre où on parle de l'intelligence des champignons. Bon, j'en suis pas très fier parce que non seulement ça permet pas d'aller au fond de ce que sont les choses et à quel point finalement, de comprendre à quel point elles sont différentes de l'animal. ne s'explique pas par l'animalité, mais par ce que j'appelle la plantalité, c'est ce qui leur est propre. Il y a une champignonalité, il y a une bactérialité, il y a tout ce que vous voulez. Mais en plus, il y a un problème, c'est que quand on utilise ces mots-là, en fait, si vous remplacez dans vos lectures, intelligence des plantes par adaptation des plantes, vous avez tout le sens. Vous avez plus que le sens. Parce que par adaptation, on comprend très bien ce qui se passe. Ces mécanismes assez complexes qui, chez les plantes, peuvent faire vaguement penser à de l'intelligence chez nous, sont juste des adaptations dans l'évolution. C'est que celles qui portaient ça ont eu plus de descendants que les autres parce que ça marchait mieux. Et donc, si je remplace l'intelligence par adaptation, non seulement ça a du sens, c'est moins anthropomorphique, mais surtout, ça explique le mécanisme. Alors évidemment, ça fait peut-être moins vendre, et il faut peut-être plus de dons, et peut-être que moi-même, je ne les ai pas assez pour ne pas résoudre le problème, mais il faut peut-être un peu plus de finesse pour arriver à vendre ça aux gens. Mais ce qu'on vend aux gens est de meilleure qualité. Et quelque part, pour moi, la vulgarisation, ce n'est pas juste se faire le malin en vendant 30 millions de bouquins. Moi, je l'ai toujours évité. Je pense que le cœur de la vulgarisation, c'est de proposer aux gens une vision du monde qui leur permettent d'agir mieux et de comprendre mieux. La conclusion du bouquin de Peter Wolleben, c'est qu'il faut faire attention, et notamment, il propose à la fin de son livre d'arrêter le débardage, c'est l'extraction des troncs d'arbres mécaniques, et de remplacer ça par le cheval. Il se trouve que j'ai été ingénieur des ouïes forêts, très très brièvement, au tout début de ma carrière, et que j'ai travaillé dans des forêts où il y avait encore des ouvriers forestiers qui avaient débardé au cheval, et qui avaient des taux d'invalidité pas possibles, Parce que quand un cheval remorque avec des câbles un morceau de bois et vous égrabouille avec le câble contre un autre arbre, vous ne pouvez plus arrêter le cheval parce que vous êtes en train de crever, égrabouiller et donc vous perdez une jambe ou un bras. Voilà la réalité. C'est qu'on finit par ne plus aimer l'homme à force de vouloir aimer les plantes et les écosystèmes comme des choses humaines. Bon là, j'ai même donné un nom de coupable. Et je dis coupable, parce que dans ce livre, par exemple, on apprend qu'un épivert, il tape sur les arbres pour sucer la sève des arbres. Alors, il doit être con l'épivert, parce qu'il tape sur les arbres morts aussi. Comme vous le savez, sans doute, ils extraient des insectes. Dans le livre de Pédoz-Ven l'épivert, ils sont à la catégorie... Enfin, ils sont juste après les pucerons. Sérieusement, à un moment, il faut se rendre compte que certains livres ont une certaine toxicité parce qu'ils ne libèrent pas l'avenir. Et voilà. Et le drame, c'est que ceux qui écrivent des livres qui libèrent l'avenir, dont moi sans doute, ils écrivent tellement mal que l'avenir n'est pas libéré non plus. Il va falloir qu'un jour on arrive à avoir une popularisation.

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